TRIBUNE LIBRE – Matthieu Noirez, qui se décrit comme un « Grenoblois ama­teur de pizza mobi­lisé sur la ques­tion de la limi­ta­tion des déchets », pro­pose à tra­vers cette tri­bune une solu­tion alter­na­tive aux car­tons tra­di­tion­nel­le­ment uti­li­sés par les com­merces pro­po­sant des piz­zas à empor­ter. À la place ? Des boîtes en plas­tique réuti­li­sables, aisé­ment com­man­dables sur Internet.

Je suis un ama­teur de pizza, il m’ar­rive assez sou­vent de décro­cher mon télé­phone et de com­man­der une pro­ven­çala, une reg­gina, une vege­ta­riana, et d’al­ler la cher­cher à pied car c’est à côté. Depuis un moment, j’emporte une sorte de gros tup­per­ware avec moi pour y empor­ter mon dû, le but étant d’é­co­no­mi­ser un carton.

Un amou­reux de pizza gre­no­blois pro­pose de rem­pla­cer les car­tons par des boîtes en plas­tique réuti­li­sables. DR

Et à chaque fois que je viens, ils me connaissent, je fais mon petit effet. « Lui, on sait qu’il ne veut pas de car­ton ». Les gars sont conci­liants, voire soli­daires de ma démarche. Et les 150 car­tons posés sur l’é­ta­gère me féli­citent aussi.

Depuis peu, je me dis que ça serait pas mal d’en­cou­ra­ger les autres clients à en faire autant. C’est pas très com­pli­qué : il faut pen­ser à prendre sa boîte en par­tant, et la net­toyer ensuite.

« Le droit de faire un max de déchets reste un droit immuable en France »

Comme je suis convaincu, cela devient mon che­val de bataille. Je fouille Internet, trouve des boîtes en plas­tique dédiées à cet usage, en com­mande 10 pour 105 euros, et m’ap­prête à aller faire le com­mer­cial béné­vole dans les piz­ze­rias de mon quar­tier. Yeah Yeah Yeah !

Mon idée, c’est de pro­po­ser à la vente ces boîtes réuti­li­sables aux clients qui veulent bien dire stop au car­ton à pizza. On n’o­blige per­sonne : le droit de faire un max de déchets reste un droit immuable en France.

Un samedi matin, une fois ma com­mande reçue, je com­mence ma tour­née des piz­ze­rias. Dans la pre­mière bou­tique, ils sont en pleine pré­pa­ra­tion mais ils sont tran­quilles car il n’y a aucun client. C’est le moment idéal pour discuter.

Le car­ton à pizza, un déchet appelé à être rem­placé par des boîtes réuti­li­sables ? © Paul Turenne – Place Gre’net

Je pré­sente mon idée au gérant. Il trouve cela inté­res­sant, il réflé­chit, il me dit que les car­tons pos­sèdent une aéra­tion qui évite la conden­sa­tion et que, quand ils doivent aller vite, il redoute que ça com­plique le pro­cess. J’acquiesce, je regarde la boîte que j’ai ache­tée. Il est vrai qu’il y a moins d’aé­ra­tion. Je lui rétorque que ça peut être un choix du client et qu’il pour­rait dépo­ser des exem­plaires de la boîte sur une éta­gère pour les clients qui sou­haitent en acheter..

J’en pro­fite pour lui rap­pe­ler qu’il y a un pro­blème avec le cli­mat et que ça serait pas mal de dimi­nuer les déchets. Il est plu­tôt d’ac­cord et me dit qu’il en va en par­ler au patron. Il prend mon numéro et on se quitte là-des­sus. Je suis plu­tôt content. L’idée a été plu­tôt bien accueillie.

Une boîte réuti­li­sable à pizza, pra­tique ou compliqué ?

La semaine d’a­près, je me rends à la piz­ze­ria d’à côté. Il faut dire que j’ha­bite un bou­le­vard où une piz­ze­ria sup­plé­men­taire ouvre tous les deux ou trois ans. Y a‑t-il une volonté de riva­li­ser avec les quais de France ? Il est trop tôt pour le dire.

La gérante est une femme que je connais depuis long­temps, qui me confie qu’elle trie scru­pu­leu­se­ment ses déchets depuis tou­jours et qui se plaint de ne dis­po­ser que d’une pou­belle verte, vu la masse de déchets recy­clables qu’elle brasse.

Elle trouve l’i­dée inté­res­sante, mais connaît les lycéens. Le midi, ça va être com­pli­qué de dis­po­ser d’une boîte à pizza. Je lui laisse une boîte pour qu’elle y réflé­chisse. J’en pro­fite pour inter­pel­ler des petits jeunes qui viennent com­man­der. Le long silence cor­res­pon­dant au temps de pré­pa­ra­tion me donne l’oc­ca­sion de leur deman­der ce qu’ils pensent de pro­po­ser des boîtes réuti­li­sables quand ils vont cher­cher des pizzas.

Le concept de boîtes réuti­li­sables pour les piz­zas est déjà investi par des entre­prises, comme ici Pizzcycle. © Capture d’écran

Je sens que ça va les embê­ter et cela ne loupe pas : l’un d’entre eux me dit après mûre réflexion : « L’idée est bonne, mais cela ne va pas être pra­tique ». OK, OK, OK. Et, là, un autre client débarque, sort de son sac à dos un sac qu’il avait pré­paré pour récu­pé­rer sa com­mande et prend part à la conver­sa­tion. Il dit direct : « Cool ! Bonne idée ! », en pre­nant soin d’exa­mi­ner l’ob­jet. Dans ma tête, je me dis « Cool fré­rot ! » Je reste un peu et la gérante m’explique qu’elle va y réflé­chir. Elle garde un exemplaire.

« Manifestement, beau­coup de gens trouvent l’i­dée bonne »

Je retourne ensuite dans la pre­mière piz­ze­ria. Je n’ose pas trop les nom­mer. Je vois le gars avec un sou­rire gêné. Il n’aurait pas eu le temps d’en par­ler à son patron. Je m’é­tais pris au jeu alors je suis quand même déçu.

Je vois deux clientes qui attendent et leur demande ce qu’elles pensent du concept d’une boîte réuti­li­sable. On me répond du tac au tac : « Ah bah, non… Si je suis dans ma voi­ture et que j’ai pas la boîte ? » J’ai senti qu’il y avait un côté « Tu vas pas nous enqui­qui­ner, toi ! On fait ce qu’on veut » et suis resté per­plexe. J’ai insisté mol­le­ment et ai quand même eu droit à : « Mais l’i­dée est bonne ».

Des piz­zé­rias parmi les nom­breuses pré­sentes sur les quais de Grenoble. © Google Maps

Manifestement, beau­coup de gens trouvent l’i­dée bonne. C’est déjà for­mi­dable. Alors cher lec­teur, si vous aussi, c’est votre cas et qu’une telle boîte vous serait utile, je vous invite à regar­der ce qui existe ou à récla­mer une boîte réuti­li­sable à votre piz­zaiolo préféré.

Si vous avez la flemme quand vous allez récu­pé­rer votre pizza, rap­pe­lez-vous qu’il n’y a pas si long­temps, nous sor­tions tous des super­mar­chés avec nos sacs plas­tiques à usages uniques, que nos mères ont pro­ba­ble­ment réagi avec la même incom­pré­hen­sion lors de l’annonce de leur dis­pa­ri­tion et que pour­tant, aujourd’hui, ça nous paraî­trait impen­sable d’y revenir.

Quant à moi, je compte bien conti­nuer à en par­ler autour de moi. Ce sera même une idée de cadeau.

Rappel : Les tri­bunes publiées sur Place Gre’net ont pour voca­tion de nour­rir le débat et de contri­buer à un échange construc­tif entre citoyens d’opinions diverses. Les pro­pos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opi­nions des jour­na­listes ou de la rédac­tion et n’engagent que leur auteur. 

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