CHRONIQUE – Place Gre’net s’associe à la radio RCF Isère chaque lundi midi dans la chronique L’Écho des médias. Notre objectif ? Revenir sur une actualité, décrypter une information… ou révéler les coulisses du traitement d’une nouvelle. Pour cette chronique sur RCF épisode 72 du lundi 22 janvier 2024, retour sur une possible nouvelle polémique à l’Université Grenoble Alpes (UGA).
Retrouvez ci-dessous la chronique RCF 72 et sa version radiophonique en cliquant sur le lecteur ci-dessous.
« Aujourd’hui, nous allons parler de Sciences Po Grenoble. Et une fois n’est pas coutume, nous allons débuter cette chronique avec une petite anecdote. Il y a un an, Sciences Po participait au Prix Mirabeau, un concours d’éloquence où s’affrontent des équipes issues de chaque Institut d’études politiques de France. Quel était la maxime de l’équipe grenobloise ? « J’peux pas, j’ai polémique ».
Les étudiants pointaient ainsi avec humour la tendance de Sciences Po Grenoble à faire parler d’elle, depuis l’affaire des deux professeurs désignés nommément comme islamophobes par des collages sur les murs de l’établissement.
On se souvient que l’affaire avait fait grand bruit. Il faut dire qu’elle survenait quelques mois à peine après l’assassinat de Samuel Paty. Et qu’elle avait largement été alimentée par des prises de position syndicales, par l’attitude de la direction qui avait clairement désavoué les deux professeurs, ou encore par la Région Aura qui avait retiré ses subventions à l’école. Bref, Sciences Po Grenoble a été scrutée à la loupe durant plusieurs mois, avant de se faire oublier un peu.
Le laboratoire Pacte dans le viseur de Vincent Tournier
Mais c’était sans compter sur l’un des deux professeurs concernés, qui a récemment remis une pièce dans la machine en publiant une tribune dans Le Point. Dans son viseur, le laboratoire de sciences sociales baptisé Pacte, unité mixte de recherche du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes et de Sciences Po Grenoble. Et que Vincent Tournier, c’est son nom, accuse de « confondre recherche et militantisme ».
Il fait plus précisément référence à un séminaire où deux chercheuses de l’Institut de géographie alpine ont présenté une contre-enquête sur la mort d’une jeune nigériane décédée dans les Hautes-Alpes en tentant de traverser la frontière. Pour l’enseignant, cette conférence sort du cadre universitaire pour rejoindre celui de l’idéologie.
Et cette tribune tombe à un moment particulier. La veille de sa publication, la directrice de Sciences Po Grenoble signait un contrat d’engagement républicain avec la Région. Une sorte de réconciliation qui permet à l’IEP le rétablissement des subventions régionales, qui ont forcément manqué aux étudiants.
Rien n’indique que la tribune de Vincent Tournier va changer quoi que ce soit à cette nouvelle entente, mais chacun connaît la promptitude de la Région à retirer ses subventions pour des motifs ouvertement politiques.
Des moments difficiles enfin derrière pour Sciences Po ?
La situation est d’autant plus étrange, vue de l’extérieur en tout cas, que Vincent Tournier est toujours rattaché à Sciences Po Grenoble. Ce qui n’est pas le cas de l’autre professeur qui avait été accusé d’islamophobie, Klaus Kinzler. Désormais à la retraite, il a pour sa part signé un livre en mars 2022 dont le titre résume le contenu : L’Islamogauchisme ne m’a pas tué. On croit comprendre qu’un certain esprit de revanche flotte dans les esprits.
Tout cela appelle à revenir un peu à la raison. Sciences Po Grenoble a traversé des moments difficiles et il serait temps d’essayer de passer à autre chose, que l’Institut d’études politiques cesse d’être perçu comme l’Institut d’études polémiques.
Peut-être, certains chercheurs devraient-ils opérer une distinction entre opinion et savoir, une remarque qui vaut d’ailleurs dans beaucoup d’autres domaines, y compris la politique ou le journalisme.
Peut-être, d’autres enseignants devraient-ils prendre le parti d’adresser leurs critiques en interne, avant de se tourner directement vers la presse nationale.
Malgré des dysfonctionnements certains, Sciences Po Grenoble a beaucoup apporté à son territoire comme à son université, et il serait dommage de jeter le bébé avec l’eau du linge sale. »
Chaque lundi midi, retrouvez la chronique L’Écho des médias sur RCF Isère (103.7 FM à Grenoble) en partenariat avec Place Gre’net. (Cliquer sur l’image pour accéder à toutes les chroniques.)