FOCUS – Le microscope électronique en transmission (MET) a été inauguré ce mardi 13 juin 2023 à l’Institut Néel du CNRS (Centre national de recherche scientifique) de Grenoble. Ses trois financeurs que sont l’Institut spécialisé dans la recherche fondamentale de matière condensée, le leader mondial de l’aluminium Constellium et la Région Auvergne Rhône-Alpes ont vanté les capacités de cet outil de pointe chiffré à 3,8 millions d’euros. Il permettra de sonder la matière à l’échelle atomique afin de développer à terme de nouveaux matériaux pour l’industrie automobile, l’aéronautique ou même l’emballage.
Transpercer la matière pour étudier un échantillon 100 à 1 000 fois plus petit qu’un cheveu. Voici de quoi peut se targuer le microscope MET, nouveau bijou technologique inauguré le 13 juin à l’Institut Néel de Grenoble et au sujet duquel ses investisseurs ne tarissent pas d’éloges. « C’est l’un des meilleurs au monde », se félicite ainsi Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS.
« Il permettra de donner beaucoup d’informations sur la structure des atomes, mais aussi de développer des nouvelles méthodes d’analyse à très basse température, ou même de nouvelles techniques de pointe ».
Constellium, le CNRS et la Région AuRA ont inauguré un microscope de pointe capable d’entrer dans la matière à l’échelle atomique. © Gilles Galoyer
L’entreprise Constellium/C‑TEC et l’Institut Néel du CNRS portent à bout de bras ce projet depuis 2015, s’unissant à nouveau pour mutualiser leurs financements et mettre en commun leurs savoir-faire respectifs.
« Cette collaboration sort un peu du cadre de Constellium, qui avait l’habitude de travailler avec des scientifiques du même domaine », admet, ravi, Sylvain Henry, directeur C‑TEC du centre de recherche et d’innovation de Constellium. « Ici, les expertises sont connexes mais chacun a des choses à apprendre de l’autre. »
Un MET à haute définition mais aussi multitâches
Alors que Constellium est passé maître dans le développement de solutions innovantes relatives à l’aluminium, l’Institut Néel se distingue dans le magnétisme, la supraconductivité, la cristallographie ou même l’optique. Les deux partenaires, réunis dans une « collaboration non exclusive », travailleront donc sur des thématiques propres ou partagées.
Plusieurs écrans placés dans une salle à part permettent de visionner l’échantillon à distance. © Sophie Eymard – Place Gre’net
À la différence du Microscopes électroniques à balayage (MEB) qui donne une vision plus large de la matière, le Microscope électronique à transmission (MET) donne la possibilité d’observer un échantillon à très grande résolution.
Au-delà de sa grande précision nanométrique, le MET est multitâches : Il permet de manipuler un même échantillon en utilisant des techniques différentes, là où il aurait fallu l’usage de plusieurs microscopes auparavant.
« On peut tout faire sur la même quantité de matière infime », explique avec entrain Stéphanie Kodjikian, ingénieure de recherche CNRS à l’institut Néel. « De cette façon, on ne perd pas la géolocalisation [l’endroit exact de l’examen microscopique sur cette portion d’échantillon, NDLR] comme avec les changements de machines. »
Un outil pour fabriquer des matériaux industriels optimisés
Mais quelle en est l’utilité concrète à l’échelle industrielle ? « Le but est de comprendre les besoins du client pour ensuite les traduire avec les matériaux », expose Sylvain Henry, de Constellium. « Cela nous permet ensuite de savoir quelle structure de matière est nécessaire pour arriver à ce résultat-là. »
Les chercheurs ne perdent donc pas de vue les exigences et les défis des gros producteurs industriels de l’aéronautique par exemple, qui se disputent des alliages de métaux toujours plus performants, plus légers ou mieux recyclables.
Constellium, le CNRS et la Région AuRA inaugurent un microscope de pointe capable d’entrer dans la matière à l’échelle atomique. © Gilles Galoyer
L’équipe de scientifiques traite ce dernier point avec le plus grand intérêt. « Nous voulons fabriquer des alliages super-performants à partir de déchets, sans downcycling », précise Stéphanie Kodjikian, postée à côté du microscope. « Le but est donc de ne perdre aucune matière. On va créer par exemple un nouvel avion à partir du démantèlement d’un autre avion, et non pas à partir d’autre chose. »
Mais installer un outil de cette envergure a exigé toute une logistique bien rodée : la machine est posée sur quatre gigantesques radiers de béton pesant chacun entre 800 et 1 500 tonnes pour éliminer toute vibration. À cette échelle-ci, le moindre claquement de mains à proximité pourrait en effet perturber la qualité de la prise d’information.
Un engin doté d’un panel aussi étendu de possibilités implique aussi inévitablement une utilisation très complexe : pour le moment, seulement six scientifiques en maîtrisent toutes les subtilités.