FOCUS – Une nouvelle exposition temporaire est à découvrir au Musée de Grenoble jusqu’au 24 septembre 2023. Elle est consacrée à l’artiste américain Cy Twombly, avec la présentation de ses œuvres sur papier, conçues entre 1973 et 1977. Un travail à la fois mystérieux et fascinant jusqu’alors peu exposé en France.
Il n’est pas toujours évident de pousser la porte d’une institution culturelle et d’accepter de se laisser surprendre. Et, à l’aube de l’été 2023, le Musée de Grenoble n’a évidemment pas le recul suffisant pour juger des conséquences sur sa fréquentation de la nouvelle politique tarifaire décidée par la Ville. Vendredi 2 juin, il n’en a pas moins inauguré une nouvelle exposition temporaire payante, consacrée à Cy Twombly.
Né aux États-Unis en 1928 et mort à Rome en 2011, cet artiste n’avait jusqu’alors inspiré que peu d’expositions en France (si ce n’est à Paris, au centre Pompidou). En mars 2021, le journal Le Monde se faisait d’ailleurs l’écho d’un différend entre ses ayant-droits et le Musée du Louvre. Celui de Grenoble se concentre sur une courte période de la vie de Twombly. Son exposition présente principalement des œuvres sur papier, créées entre 1973 et 1977.
L’idée : « Mettre en évidence l’importance de ce mode d’expression et revenir sur un moment de sa carrière particulièrement fécond dans ce domaine », comme l’explique le Musée. Plus de 80 pièces attendent les visiteurs. Elles viennent principalement de la Cy Twombly Foundation, ainsi que de collections publiques et privées, en France et à l’étranger. Mais le Musée de Grenoble expose aussi un dessin-collage de sa propre collection, qu’il a pu réunir à d’autres d’une même série.
Le dessin comme porte d’entrée vers un univers singulier
Visiter l’exposition, c’est entrer dans un monde. Celui d’un artiste voyageur héritier de l’expressionnisme abstrait américain et pétri d’autres influences, rupestres, archaïques ou “urbaines”. Un artiste détaché du figuratif qui, en son temps, a parfois divisé la critique et suscité des quolibets, voire des mots plus qu’acerbes. Il est d’ailleurs peu probable qu’il fasse désormais l’unanimité.
Approcher Twombly sans a priori, c’est peut-être le meilleur moyen de le découvrir. Avec un repère de date à l’esprit : en 1973, l’artiste a commencé à délaisser la peinture au profit du dessin. De prime abord, il apparaît, au Musée de Grenoble, comme un homme fasciné par la culture antique. Dès la première salle du parcours d’exposition, le nom du poète latin Virgile s’impose au regard.
Les mots sont d’ailleurs presque omniprésents au cours de cette période de travail de l’artiste. Comme en contrepoint, la couleur verte se répète dans certaines œuvres, en écho à l’environnement bucolique dans lequel Twombly aimait s’immerger. C’est en les observant de très près que l’on perçoit au mieux les nuances de chaque création, jusque dans les matières de leur support.
Les figures mythologiques, elles, imprègnent aussi les travaux de Twombly. On retrouve ainsi, sous différents aspects calligraphiques, Apollon, Vénus, Pan, Mars, Orphée, Bacchus ou Dionysos. On découvre également des hommages à des poètes et des références à des peintres ou écrivains. Autant de possibles sources d’inspiration qui paraissent témoigner d’une forme de mélancolie chez l’artiste. Un sentiment à rebours de ce que ces réalisations pouvaient avoir de neuf sur le plan formel.
Les œuvres sur papier que présente le Musée de Grenoble regroupent des dessins, des collages, des portfolios. Comme pour annoncer le prolongement de la carrière de Twombly, une salle accueille même une sculpture – avant les nombreuses autres qu’il créera au cours des années 1980.
Des allusions érotiques… qui correspondent à une époque ?
Que penser de ce travail ? La réponse tient, comme toujours, au ressenti. Il est flagrant qu’une certaine imagerie érotique parcourt une partie des œuvres présentées, de manière presque subliminale toutefois. Il en est ainsi de ses dessins consacrés aux feuilles de ficus ou aux champignons. Cinquante ans plus tard, ces esthétiques susciteront peut-être des controverses, si ce n’est du rejet. Symboliquement, la dernière salle accueille des œuvres qui évoquent des calendriers et reviennent donc sur la notion de temps passé.
Pour faire ressortir l’intérêt artistique de ce qu’il présente, le Musée de Grenoble a opté pour une scénographie épurée. En complément des cartels, quelques textes éclairent les œuvres en les replaçant dans le contexte historique de la vie de l’artiste. D’autres, issus de la littérature ou des écrits théoriques sur Twombly, ont été apposés pour inciter à la contemplation. De quoi prendre la mesure d’un personnage complexe, qui a vécu parfois très à l’écart du monde.
[Photo de Une : Sans titre – 1974 © Cy Twombly Foundation – photo : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble / J.L. Lacroix]
Un trio de commissaires
Deux des commissaires de l’exposition travaillent pour le Musée de Grenoble : Guy Tosatto, le directeur qui quittera ses fonctions d’ici la fin de l’année, et Sophie Bernard, la conservatrice en chef pour l’art moderne et contemporain. Ils ont collaboré avec Jonas Storvse, conservateur en chef honoraire d’arts graphiques du Centre Pompidou (Paris).