REPORTAGE VIDÉO - Entre 20 000 et 56 000 manifestants - respectivement selon la police et les syndicats - ont défilé à Grenoble, jeudi 23 mars 2023, à l'occasion de la neuvième journée d'action nationale contre la réforme des retraites, débutée par de nombreux blocages dans la matinée. Une mobilisation au moins équivalente et sans doute même légèrement supérieure à l'affluence record du 7 mars. Particulièrement déterminés après l'utilisation du 49.3 par le gouvernement et l'intervention d'Emmanuel Macron, les manifestants promettent de nouvelles actions en fin de journée.
Environ 20 000 manifestants ont défilé, ce jeudi 23 mars 2023, à Grenoble selon la police, 56 000 selon les syndicats. On n'avait plus vu autant de monde dans les rues depuis la manifestation record du 7 mars1entre 20 500 et 53 000 manifestants. Déjà montée d'un cran après le recours au 49.3, puis le rejet des motions de censure, la colère des opposants à la réforme des retraites s'est encore intensifiée depuis l'intervention télévisée, mercredi 22 mars, d'Emmanuel Macron. D'où le succès de cette neuvième journée de mobilisation nationale.
Dans l'agglomération grenobloise, les actions ont démarré, comme lundi 20 et mardi 21 mars, dès le lever du jour. Peu après 7 h 30, des étudiants ont ainsi organisé plusieurs blocages sur le campus de Saint-Martin-d'Hères. Des poubelles ont été disposées sur la chaussée et sur les voies du tramway, aux Taillées comme près de l'avenue Gabriel-Péri, pour barrer les différents accès à l'Université Grenoble Alpes (UGA).
Blocages sur le campus et dans des lycées
Le tram B, seule ligne fonctionnant ce jeudi - les lignes A, C, D et E étant à l'arrêt complet -, n'a ainsi pas pu circuler pendant une partie de la matinée, jusqu'à la levée des blocages, vers 10 h 30. "Macron passe en force avec le 49.3, donc on durcit le mouvement", justifie Malo, secrétaire du syndicat UEG (Union des étudiant.e.s de Grenoble). Objectif : "Ne pas bloquer simplement les bâtiments mais également les accès du tram et routiers, afin de discuter avec les automobilistes."
Les différents accès au campus étaient bloqués par des poubelles et barrières ce jeudi 23 mars au matin. © Manuel Pavard – Place Gre’net
Actions similaires du côté des lycéens. Les lycées Stendhal et Louise-Michel, à Grenoble, et Pablo-Neruda, à Saint-Martin-d'Hères, ont également été bloqués ce jeudi matin, à l'appel notamment du syndicat Isère émancipation lycéenne et du Mouvement national lycéen (MNL). Des élèves partis ensuite grossir les rangs du cortège lycéen et étudiant à la manifestation.
Barrage filtrant à Champagnier, sur la RN85
Le trafic, déjà très dense autour de Grenoble en raison de la grève massive sur le réseau M'Tag et des blocages routiers des étudiants, était encore davantage perturbé au sud de l'agglomération. Des syndicalistes CGT et FO ont en effet mis en place un barrage filtrant sur la RN85, au niveau du rond-point de Champagnier.
Plusieurs lycées, dont Louise-Michel à Grenoble, étaient également bloqués, à l'appel notamment du syndicat Isère émancipation lycéenne et du MNL. © Page Facebook de Grenoble en lutte (capture d'écran)
Conséquences : une circulation au ralenti - et par moment totalement à l'arrêt - entre Vizille et la jonction avec l'A480, au Pont-de-Claix. Bison futé comptabilisait notamment plusieurs kilomètres de bouchons sur cet axe, aux alentours de 9 heures. Et ce, dans les deux sens de circulation.
Des syndicalistes ont mis en place un barrage filtrant à Champagnier, sur la RN85, où le trafic était au ralenti toute la matinée. © Page Facebook de Solidaires Isère (capture d'écran)
Après cette matinée de mobilisation intense, marquée par des blocages, actions et piquets de grève dans différents secteurs - comme à la MC2, dont le bâtiment était orné d'une banderole "MC2 en grève" -, militants et syndicats se sont donné rendez-vous à 14 heures à l'angle de l'avenue Alsace-Lorraine et du cours Jean-Jaurès pour le départ de la manifestation.
Lycéens et étudiants en nombre parmi les manifestants à Grenoble
Derrière la traditionnelle banderole de l'intersyndicale "Retraite à 64 ans, c'est non !", les dizaines de milliers de manifestants ont rejoint la place de Verdun, en passant par les grands boulevards, puis le centre-ville via la rue Jean-Bistési. Un défilé où l'arrivée des sapeurs-pompiers de l'Isère a été chaudement acclamée.
Les étudiants de l'école d'architecture, mobilisés depuis des semaines, ont concocté un char, qui précédait le cortège lycéen et étudiant. © Manuel Pavard – Place Gre’net
Proche de la tête de manifestation, les étudiants de l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Ensag), mobilisés depuis des semaines contre la dégradation de leurs conditions d'étude, se sont fait remarquer par leur char inventif, concocté spécialement pour l'occasion. Un char qui précédait l'imposant cortège des lycéens et étudiants.
Des jeunes tout aussi remontés que leurs aînés et défilant en chantant quasiment non stop, aux cris de "Grenoble, soulève-toi !" ou "Jeunes, déter' et révolutionnaires !" À plusieurs reprises, au niveau de l'arrêt de tram Condorcet ou sur le boulevard Foch, les manifestants se sont arrêtés pour scander le slogan "Siamo tutti antifasciti". Une référence à la découverte, durant le week-end, de tags antisémites visant l'ex-élu PCF de Fontaine Édouard Schoene.
La suite du programme sur la place de Verdun
Parmi les manifestants, beaucoup déroulaient les mêmes arguments, à l'instar de Thibault et Marion, couple d'enseignants : "On était déjà très déterminés et en colère avec le 49.3 déclenché par le gouvernement, un vrai passage en force", expliquent-ils. "Mais le discours de Macron à la télé a encore jeté de l'huile sur le feu. Son mépris est incroyable. C'est comme s'il n'entendait pas la rage de la rue !"
Arrivés sur la place de Verdun, terme de la manifestation, peu après 16 heures pour la tête de cortège, et une bonne demi-heure plus tard pour ceux fermant la marche, les manifestants ont ensuite pris position des lieux, entre les stands des syndicats. Rassemblement et pique-nique sur la place sont prévus jusqu'au soir... Avant une nouvelle manifestation sauvage ?