REPORTAGE VIDÉO - L'intersyndicale iséroise appelait à une nouvelle journée de grève et mobilisation, ce mardi 18 octobre 2022, dans le cadre d'un mouvement national interprofessionnel pour l'augmentation des salaires et la défense du droit de grève. Plusieurs rassemblements étaient ainsi prévus à Grenoble, notamment devant le siège du Medef Isère, avant la manifestation contre la réforme du lycée professionnel, entre la rue Félix-Poulat et le rectorat. Un cortège de 1000 à 2000 manifestants, dont des lycéens et étudiants, à l'instar des élèves du lycée Stendhal qui ont bloqué temporairement l'entrée de l'établissement ce mardi matin.
Dans un contexte social déjà explosif depuis la rentrée, l'annonce par le gouvernement de la réquisition des salariés grévistes des raffineries et dépôts de carburant a mis le feu aux poudres. Un argument supplémentaire pour l'intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Fidl, MNL, VL, Unef) qui appelait, ce mardi 18 octobre 2022, en Isère comme partout en France, à une nouvelle journée de grève interprofessionnelle "pour l'augmentation des salaires et la défense du droit de grève".
Dans l'agglomération grenobloise, plusieurs rassemblements et actions étaient ainsi prévus tout au long de la journée. Un mouvement social d'autant plus vaste qu'une autre mobilisation était initiée en parallèle par les enseignants et élèves de lycées professionnels, ce mardi, contre la "réforme Grandjean".
Au final, ces deux journées d'action, à l'origine distinctes, ont pu s'associer à Grenoble, les syndicats mobilisés pour la revalorisation des salaires appelant à rejoindre la manifestation pour la défense des lycées professionnels, en début d'après-midi.
Des élèves ont bloqué le lycée Stendhal puis rejoint la manifestation
Illustration de cette convergence des luttes : le mouvement naissant dans les lycées isérois. À Grenoble, des lycéens de la cité scolaire Stendhal ont ainsi bloqué, dès 7 heures, l'entrée de l'établissement, et ce, jusqu'en milieu de matinée, tandis qu'au lycée Argouges, des élèves distribuaient des tracts. Mobilisation également dans le reste du département, comme dans les lycées Ferdinand-Buisson (la Nat') à Voiron et Ella-Fitzgerald à Vienne, où se sont tenus des rassemblements et piquets de grève.
"On se mobilise principalement pour deux choses", explique Nathan Weber, co-secrétaire général du Mouvement national lycéen (MNL) Isère. "On suit l'appel à la grève générale lancé par l'intersyndicale interprofessionnelle car on pense qu'il y a une urgence sur les salaires. Et on suit également l'appel à s'opposer à la réforme des lycées pros, qui vient casser une voie professionnelle déjà fragilisée depuis des années."
© Manuel Pavard - Place Gre'net
Ce blocus, poursuit Barbara, lycéenne à Stendhal, vise aussi à "faire valoir des revendications, notamment concernant Parcoursup, une plateforme extrêmement sélective, sur des critères incompréhensibles et très stressants pour les élèves". Elle dénonce par ailleurs "les dotations horaires et les suppressions de postes de professeurs, qui engendrent des classes surchargées et des conditions de travail déplorables". Sans oublier "la réforme du Bac", peu appréciée des élèves.
Entre 1000 et 2000 personnes se sont rassemblées devant le siège isérois du Medef, accusé par un manifestant de "bloquer toute revalorisation des salaires, d'entraver le droit de grève et de soutenir toutes les mesures antisociales du gouvernement".
Une longue liste (non exhaustive) de revendications que les lycéens grenoblois ont pu ensuite exprimer dans la rue, formant un cortège lycéen et étudiant au sein du rassemblement devant le siège du Medef Isère, à Grenoble. L'intersyndicale - à l'exception notable de FO1voir plus bas - avait en effet choisi de se regrouper, à partir de 11 heures, devant ce lieu particulièrement symbolique, afin de mettre le patronat devant ses responsabilités.
Car c'est bien "le blocage patronal qui crée aujourd’hui la pénurie de carburants", affirment les syndicats. Et parmi les 1000 (selon la police) à 2000 (selon la CGT) manifestants rassemblés sur le boulevard Foch, beaucoup, à l'image de Sylvain, technicien de maintenance quadragénaire, pointaient "le rôle néfaste du Medef".
L'organisation patronale est ainsi accusée de "bloquer toute revalorisation des salaires, d'entraver le droit de grève et de soutenir toutes les mesures antisociales du gouvernement", détaille celui qui se décrit comme un "salarié au bout du rouleau". "Le Medef, ce sont des gens qui sont hors sol", raille son collègue Fabrice. "L'inflation, la hausse des prix de l'électricité, du carburant, etc, ça ne les touche pas vraiment. Pourtant, ils osent refuser un coup de pouce pour les salaires."
FO a préféré organiser son propre rassemblement devant la préfecture
Seul bémol dans cette quasi-unanimité syndicale, l'absence remarquée de FO, pourtant signataire de l'appel à la grève au niveau national. L'Union départementale FO de l'Isère avait ainsi dédaigné le rendez-vous devant le Medef, préférant faire cavalier seul et organiser son propre rassemblement sur la place de Verdun, à partir de 10 heures.
Le syndicat estime en effet que "ne pas manifester devant la préfecture revient à épargner le gouvernement, totalement responsable de la situation". Car pour la cinquantaine de militants FO réunis place de Verdun, "c'est bien le gouvernement qui décide de remettre en cause le droit de grève dans le cadre de réquisitions de salariés".
Les deux mobilisations ont fusionné pour la manifestation
Les différents syndicats se sont néanmoins tous retrouvés en début d'après-midi pour converger vers la rue Félix-Poulat d'où s'élançait la manifestation contre la réforme Grandjean sur l'enseignement professionnel, prévue de longue date à l'initiative de la FSU. Les manifestants présents devant le siège du Medef sont donc venus gonfler les rangs des élèves et enseignants de lycées professionnels.
Deux mobilisations qui ont ainsi fusionné dans les rues du centre-ville, derrière une nouvelle banderole de tête. Le cortège de 1000 à 2000 personnes - chiffre similaire à celui observé devant le Medef - a ensuite défilé, en passant par la cité administrative, jusqu'au rectorat où une délégation devait être reçue.
Selon le rectorat, "le taux de participation au mouvement de grève dans l’académie de Grenoble est de 5,55 %, dont 1,02 % pour les enseignants du premier degré et 10,08 % pour ceux du second degré".
Débrayage d'une heure chez Air Liquide à Sassenage
Cette journée d'action ne se limitait toutefois pas aux rassemblements et manifestations organisés par l'intersyndicale. Des mouvements de grève ont notamment touché le secteur public, comme à la SNCF ou dans les écoles (cantines et accueil périscolaire), mais aussi les entreprises et établissements privés.
Exemple chez Air Liquide, à Sassenage, où quelque 120 salariés ont débrayé sur le parvis durant une heure, entre 14 et 15 heures. Réunis à l'appel de la CGT, ceux-ci demandent "une augmentation générale de 10 % pour tous" ainsi que "le paiement des heures de grève" - suite notamment à leur mouvement national de janvier 2022. Et les grévistes avertissent la direction : sans retour positif de sa part, ils appelleront à une nouvelle journée de mobilisation ce mercredi 19 octobre.
Quelque 150 salariés en grève à la clinique Belledonne
Le mécontentement a également gagné la clinique Belledonne, à Saint-Martin-d'Hères. Environ 150 salariés (soit un tiers de l'effectif) se sont rassemblés dès 7 heures, devant cet établissement appartenant au groupe Elsan, à l'initiative du syndicat CFDT Santé-Sociaux de l'Isère. Une "mobilisation historique puisque le secteur de l'hospitalisation privée à but lucratif n'a pas connu de grève d'ampleur nationale depuis 40 ans", se félicite le syndicat.
Tous les secteurs de la clinique étaient représentés : les soins ambulatoires, la chirurgie, la réanimation, les blocs opératoires ou encore l’entretien. Leurs revendications ? "De meilleurs salaires et des conditions de travail décentes pour une meilleure prise en charge des patients", précisent les salariés grévistes.