Belledonne : la faune sau­vage mena­cée par le réchauf­fe­ment cli­ma­tique… et le tourisme

Belledonne : la faune sau­vage mena­cée par le réchauf­fe­ment cli­ma­tique… et le tourisme

FOCUS – Une sai­son en enfer ? Et si, doré­na­vant, l’été mena­çait les ani­maux sau­vages des Alpes fran­çaises ? Entre séche­resses, tem­pé­ra­tures cani­cu­laires et tou­risme esti­val, la mon­tagne n’est pas épar­gnée par les acti­vi­tés humaines. Cette trans­for­ma­tion du pay­sage impacte l’en­semble du monde vivant. Poussée par la néces­sité, la faune tente de s’a­dap­ter… sans tou­jours y par­ve­nir. L’exemple de Belledonne.

« Le réchauf­fe­ment cli­ma­tique est par­ti­cu­liè­re­ment pro­noncé dans les zones de mon­tagne, et le mas­sif de Belledonne n’est pas épar­gné. » Un constat alar­mant, déjà dressé par l’Office natio­nal de la chasse et de la faune sau­vage (ONCFS) dans un rap­port de 2017. En trente ans, le mas­sif a ainsi connu une aug­men­ta­tion de 1,8 °C sur la période prin­ta­nière, dans le cadre du réchauf­fe­ment cli­ma­tique généré par les acti­vi­tés de l’homme.

Mais ce n’est pas tout… « Actuellement, les Alpes sont sou­mises à deux modi­fi­ca­tions pro­fondes et rapides », explique ce même rap­port. D’une part, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique bou­le­verse pro­gres­si­ve­ment leur éco­sys­tème. Les gla­ciers dis­pa­raissent et la fonte nivale s’o­père de plus en plus tôt dans l’an­née, tan­dis que les séche­resses s’in­ten­si­fient. D’autre part, l’é­vo­lu­tion des acti­vi­tés humaines trans­forme rapi­de­ment les paysages.

Un chamois en haut d'un sommet de Belledonne.

Entre la sai­son tou­ris­tique et les vagues de séche­resse, les ani­maux sau­vages pri­vi­lé­gient la haute alti­tude. © Ancelin Faure – Place Gre’net

Si les pâtu­rages reculent, le tou­risme, lui, s’in­ten­si­fie. Il requiert de nou­velles infra­struc­tures, modi­fie les espaces natu­rels et altère pro­fon­dé­ment la bio­di­ver­sité en mon­tagne, notam­ment en été.

Les habi­tats mon­ta­gnards alpins subissent ainsi une double pres­sion. Le rap­port sou­ligne une perte d’ha­bi­tat ver­ti­cal : le réchauf­fe­ment cli­ma­tique altère la bio­di­ver­sité en alti­tude et les acti­vi­tés pas­to­rales dégrade celle de l’é­tage du bas. Mais aussi une perte hori­zon­tale : le tou­risme et les amé­na­ge­ments réduisent les espaces pré­ser­vés pour les ani­maux sauvages.

Des espèces alpines mena­cées pour dif­fé­rentes rai­sons… liées à l’homme

La clas­si­fi­ca­tion d’une espèce en « mena­cée » est géné­ra­le­ment mul­ti­fac­to­rielle. Et il est dif­fi­cile de déter­mi­ner pré­ci­sé­ment l’im­pact de tel ou tel fac­teur sur la faune des mas­sifs alpins, selon Anaëlle Atamaniuk, membre de la Ligue pour la pro­tec­tion des oiseaux en Isère.

Par exemple, un dan­ger qui pèse sur un oiseau peut être lié à la chasse, aux tem­pé­ra­tures, à la séche­resse, aux acti­vi­tés humaines, à ses pré­da­teurs ou à ses res­sources en nour­ri­ture. Notamment à la raré­fac­tion des insectes, donc la pré­sence dépend elle-même de la dis­po­ni­bi­lité en eau…

Un oiseau volant au dessus du massif de Belledonne.

Un vau­tour fauve sur­vole le mas­sif de Belledonne. © Ancelin Faure – Place Gre’net

Cependant, plu­sieurs études scien­ti­fiques de longue haleine ont mis en évi­dence des para­mètres clés de l’é­vo­lu­tion de la bio­di­ver­sité en mon­tagne. Et les obser­va­tions empi­riques sou­lignent toutes le rôle majeur de l’homme.

Belledonne est un mas­sif alpin par­ti­cu­liè­re­ment affecté par les acti­vi­tés humaines. Or, il héberge plu­sieurs espèces emblé­ma­tiques. En par­ti­cu­lier, le tétras-lyre, la mar­motte, le bou­que­tin et le chamois.Que deviennent-ils dans ce contexte difficile ?

Le dan­ger du tou­risme exces­sif en Belledonne : le tétras-lyre menacé

Le tétras-lyre est une espèce d’oi­seau carac­té­ris­tique des Alpes. Les déboi­se­ments et l’ac­ti­vité agri­cole inten­sive détruisent son éco­sys­tème. Or, la végé­ta­tion lui est indis­pen­sable pour se nour­rir, se repro­duire et dormir.

Il souffre en outre beau­coup du « déran­ge­ment hiver­nal et notam­ment du ski sau­vage », alerte Anaëlle Atamaniuk. En effet, le tétras-lyre se construit un abri sous la neige (quand il y en a !), où il passe la plu­part de ses jour­nées. Cependant, les acti­vi­tés humaines l’o­bligent à se dépla­cer régu­liè­re­ment et à four­nir un effort sup­plé­men­taire, dans une période où la neige recouvre toute la végétation.

Le reste de l’an­née, le déran­ge­ment par les chiens non atta­chés ou les pro­me­neurs accen­tue encore le péril qui pèse sur lui. Résultat : la popu­la­tion « ne se porte pas très bien dans le dépar­te­ment », déplore ainsi Anaëlle.

Une zone de tranquillité pour les tétras lyre en Belledonne.

Une zone de tran­quillité pour les tétras-lyre en Belledonne. © Ancelin Faure – Place Gre’net

Conscientes du pro­blème, cer­taines com­munes ont ins­tauré des zones de quié­tude où sont inter­dites les acti­vi­tés sus­cep­tibles de déran­ger le tétras-lyre. De nom­breux pan­neaux sont ins­tal­lés afin de pré­ve­nir skieurs et randonneurs.

Les mar­mottes des Alpes déjà fra­gi­li­sées par le dérè­gle­ment climatique

Les mar­mottes subissent, quant à elles, essen­tiel­le­ment les consé­quences du réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Avec un hiver doux et une fonte des neiges pré­coce, l’hi­ber­na­tion se com­plique en effet pour ces ron­geurs. D’une part car la couche de neige iso­lante pour leur ter­rier s’a­me­nuise, les pro­tège donc moins, et les rend vul­né­rables. D’autre part car elles doivent alors trou­ver des res­sources lorsque la végé­ta­tion n’est pas encore développée.

Un trou de marmotte en montagne.

Un trou de mar­motte. Dans cer­tains ter­ri­toires, ses sif­fle­ments se font désor­mais rare­ment entendre. © Ancelin Faure – Place Gre’net

En Isère, la mar­motte « se porte plu­tôt bien », selon Anaëlle Atamaniuk. Mais ce n’est pas le cas sur l’en­semble du ter­ri­toire. En Savoie par exemple, les cher­cheurs de l’Université de Lyon 1 ont conclu à une dimi­nu­tion du nombre de mar­mot­tons chaque année. La cause ? Sans conteste le réchauf­fe­ment du cli­mat selon les scientifiques.

Le réchauf­fe­ment cli­ma­tique cause d’hy­bri­da­tion du lièvre variable ?

L’anormale hausse des tem­pé­ra­tures consti­tue un réel défi pour la sur­vie du lièvre variable, dont la cou­leur de pelage change en fonc­tion des sai­sons, pas­sant du gris en été au blanc en hiver. En effet, « avec le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, le lièvre com­mun remonte petit à petit dans les étages de mon­tagne et ren­contre plus le lièvre variable », détaille le rapport.

L’hybridation engen­drée pour­rait, à terme, mena­cer le lièvre variable. Des études sont tou­jours en cours afin de suivre les ten­dances démo­gra­phiques des popu­la­tions. Cependant, il a déjà dis­paru de la Chartreuse depuis plu­sieurs décen­nies indique la LPO Isère.

Les bou­que­tins de Belledonne mena­cés par le réchauf­fe­ment climatique ?

« Espèce ayant dis­paru de l’Isère suite à une forte pres­sion de la chasse jus­qu’au XIXe siècle, le bou­que­tin des Alpes a fait son retour dans les Alpes isé­roises grâce à des efforts de réin­tro­duc­tions », rap­pelle Nature Isère. Protégé, il ne subit plus la pres­sion de la chasse, et semble coexis­ter, dans les Alpes, avec les pra­ti­quants de la montagne.

Le bouquetin des Alpes, une espèce protégée.

Le bou­que­tin des Alpes, une espèce pro­té­gée. © Ancelin Faure – Place Gre’net

Cependant le réchauf­fe­ment cli­ma­tique influe direc­te­ment sur son mode de vie, constate l’ONCFS. Par exemple, « sur les ongu­lés de mon­tagne, le cli­mat a d’abord un effet direct, lié à la dépense éner­gé­tique via la thermo-régu­la­tion ou les dépla­ce­ments dans la neige et les adap­ta­tions com­por­te­men­tales ». De plus, il a aussi un effet indi­rect en modi­fiant la végé­ta­tion. Avec des séche­resses suc­ces­sives, la res­source en herbe, pré­cieuse, se raréfie.

Herbivore, le bouquetin aime vivre en haute altitude à condition qu'il puisse trouver de la verdure.

Herbivore, le bou­que­tin aime vivre en haute alti­tude à condi­tion qu’il puisse trou­ver de la ver­dure. © Ancelin Faure – Place Gre’net

Dès lors, selon le rap­port, un prin­temps chaud dimi­nue­rait les chances de sur­vie des femelles l’an­née d’a­près. Et un été chaud amoin­dri­rait celles des mâles l’an­née sui­vante. Un dan­ger pour ces bovi­dés. En défi­ni­tive, « nos résul­tats vont tous dans le sens d’un effet néga­tif du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, mais les méca­nismes en jeu ne font pour l’instant que l’objet d’hypothèses », conclut le rapport.

Les cha­mois som­més de s’a­dap­ter au tou­risme et au réchauf­fe­ment climatique

À l’o­ri­gine, le cha­mois est un ani­mal de la forêt. Herbivore, son alti­tude de pré­di­lec­tion se situe entre 600 et 2300 m d’al­ti­tude. C’est-à-dire au niveau des espaces boi­sés et des zones pastorales.

La faune de Belledonne menacée par l'activité humaine. Un chamois proche de la forêt.

Contrairement aux idées reçues, le cha­mois n’est pas exclu­si­ve­ment un ani­mal de haute mon­tagne. © Ancelin Faure – Place Gre’net

Cependant, dans les Alpes, les acti­vi­tés humaines l’ont repoussé en hau­teur. La sai­son tou­ris­tique dérange en outre cet ani­mal de mon­tagne, chassé et donc crain­tif. Il fuit les che­mins de ran­don­née pour les som­mets, moins fré­quen­tés. Un com­por­te­ment cou­teux sur le plan éner­gé­tique. Il passe ainsi moins de temps à accu­mu­ler des réserves pour se pré­pa­rer à l’hiver.

Une horde de chamois sur la neige

Dérangés par l’homme, les cha­mois pri­vi­lé­gient les hau­teurs de Belledonne. © Ancelin Faure – Place Gre’net

Et ces der­nières années, la séche­resse a encore ampli­fié ce phé­no­mène de dis­per­sion de l’ha­bi­tat. Les tem­pé­ra­tures cani­cu­laires, le manque d’eau et l’ab­sence de végé­ta­tion poussent ainsi les cha­mois à mon­ter tou­jours plus haut, à la recherche de fraî­cheur. Mais cer­tains doivent aussi redes­cendre en forêt pour s’a­breu­ver durant la sai­son esti­vale et, sur­tout, en automne.

Pour l’ins­tant, ces adap­ta­tions for­cées per­mettent aux cha­mois de trom­per le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Et leur régime ali­men­taire diver­si­fié faci­lite ces chan­ge­ments d’ha­bi­tats. Mais pour com­bien de temps encore ? Aucune étude ne peut le pré­dire avec certitude.

Comment favo­ri­ser la bio­di­ver­sité autour d’une mai­son en montagne ?

• Limiter les tontes des gazons

• Mettre un bac d’eau dans son jar­din ou son bal­con pour les oiseaux

• Laisser grai­ner les fleurs

• Créer des haies diversifiées

Les règles à res­pec­ter en mon­tagne pour un tou­risme responsable :

• Attacher son chien ou ne pas le lais­ser cou­rir après les ani­maux sauvages

• Rester sur les sen­tiers bali­sés et faire atten­tion à ne pas déran­ger les animaux

• Éviter les bruits excessifs

• Ne pas lais­ser de déchets der­rière soi

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Ancelin Faure

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