DÉCRYPTAGE - Le tribunal administratif de Grenoble a suspendu, ce mercredi 25 mai 2022, l'article 10 du nouveau règlement des piscines municipales autorisant le port du burkini. Saisi par le préfet de l'Isère, par le biais d'un déféré laïcité, le juge a estimé que la délibération, adoptée par le conseil municipal le 16 mai, "portait gravement atteinte au principe de neutralité des services publics". Mais la Ville de Grenoble a annoncé dans la foulée qu'elle ferait appel de la décision devant le Conseil d'État.
La décision est tombée peu avant 20 heures, ce mercredi 25 mai 2022, avant d'être confirmée, quelques minutes plus tard, par le tribunal administratif de Grenoble. Dans un communiqué publié sur son site internet, celui-ci indique avoir "suspendu l’exécution de l’article 10 du nouveau règlement des piscines de Grenoble autorisant l’usage de maillots de bains de type burkini". Le tribunal avait été saisi par le préfet de l'Isère Laurent Prévost, lundi 23 mai, par le biais d'un déféré laïcité. Une nouvelle procédure permise par la loi "séparatisme" du 24 août 2021.
Le tribunal administratif a examiné, ce mercredi 25 mai 2022, la requête du préfet, avant d'ordonner la suspension de l'exécution de l'article 10 du règlement des piscines autorisant le burkini. © Manuel Pavard - Place Gre'net
La suspension de l'article le plus controversé de la délibération, adoptée par le conseil municipal le 16 mai dernier, n'a sans doute pas fini de faire parler. D'une part car le nouveau règlement intérieur des piscines grenobloises devait entrer en vigueur le 1er juin 2022. D'autre part car c'était la première fois qu'un préfet utilisait le déféré laïcité, sur instruction du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, pour contester le vote d'une collectivité.
"Les auteurs de la délibération ont gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public"
Quid du motif ? "En permettant aux usagers du service public communal des piscines de Grenoble de porter des tenues “non près du corps”, sous la seule condition qu’elles soient moins longues que la mi-cuisse - comme c’est le cas notamment du burkini -, c’est-à-dire en dérogeant à la règle générale d’obligation de porter des tenues ajustées près du corps pour permettre à certains usagers de s’affranchir de cette règle dans un but religieux, les auteurs de la délibération litigieuse ont gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public", explique le juge des référés.
Une justification "lunaire" et une décision "clairement islamophobe", réagit Soumeya, membre du syndicat des femmes musulmanes de l'Alliance citoyenne. La militante se dit ainsi "totalement sidérée" par ce jugement.
Une justification "lunaire" et une décision "clairement islamophobe", réagit Soumeya, membre du syndicat des femmes musulmanes de l'Alliance citoyenne. La militante se dit ainsi "totalement sidérée" par ce jugement. "Tous les juristes nous disaient pourtant que c'était impossible, que ça ne pouvait pas passer", assure-t-elle. "Pour le préfet, c'était osé d'attaquer la délibération sur la laïcité car ça n'a rien à voir."
Des militantes du syndicat des femmes musulmanes, "sidérées" par la décision du tribunal, sont venues assister à l'audience ce mercredi 25 mai. © Manuel Pavard - Place Gre'net
Soumeya juge la décision du tribunal "alarmante" car celle-ci pourrait bien faire jurisprudence. "Ça ouvre la voie à plein de choses", redoute-t-elle. "C'est la première fois que cette possibilité de la loi séparatisme est appliquée. Maintenant, on a vraiment peur de voir jusqu'où ça va aller. D'ailleurs, notre avocate est aussi sidérée que nous !"
Un règlement aménagé "pour satisfaire des revendications religieuses et à des fins électoralistes"
Avant de délibérer, le tribunal administratif avait entendu les arguments des différentes parties lors de l'audience, débutée vers 15 h 30. C'est Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur, qui a pris la première la parole pour le compte du préfet. Selon elle, la question posée par la délibération n'est "pas celle de la liberté religieuse". Mais plutôt "la possibilité pour un service public d'aménager des règles de fonctionnement communes pour satisfaire des revendications religieuses et à des fins électoralistes".
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2 commentaires sur « Grenoble : le tribunal administratif suspend l’autorisation du burkini dans les piscines municipales, la Ville fait appel devant le Conseil d’Etat »
Voilà que grâce à un Maire très médiatique (!!!) Grenoble qui devait être Capitale verte en 2022 est devenue Capitale du burkini. Quelle avancée !
Ce dessin de Chaunu dans Ouest France vaut mieux que tous les discours tordus des promoteurs du burqini.
