FOCUS - Le général Hervé de Courrèges, nouveau commandant de la 27e Brigade d'infanterie de montagne (BIM), rencontrait la presse locale le 10 septembre 2020. L'occasion d'évoquer, entre autres, l'actualité de la brigade à travers le prisme des soubresauts géopolitiques et des engagements de la France, notamment au Mali.
Le général Hervé de Courrèges, commandant de la 27e BIM depuis le 29 juin 2020 après le général Pierre-Joseph Givre, recevait la presse locale ce jeudi 10 septembre.
Après avoir détaillé sa biographie, le général de brigade s'est livré à des considérations sur les enjeux internationaux : renseignement militaire, soubresauts internationaux, luttes d'influence des nations, état des forces terrestres, innovations technologique...
Mais aussi opérations extérieures, sécurité intérieure avec Sentinelle, risque terroriste et situation au Mali. Autant de sujets qu'Hervé de Courrèges a abordés sous l'éclairage teinté de géopolitique que lui confère son cursus, notamment sa formation à la prestigieuse École de guerre. Avant de revenir sur l'actualité de la brigade alpine dont il a désormais la charge pour deux ans.
Baccarat 2020 : une vaste opération aéroterrestre pour « valider les savoir-faire »
L'actualité “chaude” de la brigade, c'est l'exercice interarmes Baccarat 2020. En l'occurrence, la quatrième édition d'une vaste opération aéroterrestre en conditions réelles qui a démarré ce lundi 14 et s'achèvera le 24 septembre. De quoi, pour la 27e BIM, perfectionner ses méthodes d’intervention en milieu montagnard, tout autant que se familiariser avec du matériel de dernière génération.
Ainsi, 27 unités regroupant pas moins de 1 500 soldats et 350 véhicules – dont 38 hélicoptères de combat – seront-elles déployées au cours de cet exercice grandeur nature. L’opération est coorganisée par la 4e brigade d’aérocombat de Clermont-Ferrand et la 27e brigade d’infanterie de montagne.
« Notre environnement montagneux nécessite la maîtrise de la troisième dimension [...]. Cela implique un travail de parfaite intégration entre les troupes au sol et les hélicoptères », expose Hervé de Courrèges.
En d'autres termes, résume le général, un exercice sur le thème de « l'aérocombat en montagne au profit des unités déployées ». L'objectif ? « Valider les savoir-faire », ainsi que les modes d’action face à un ennemi conventionnel. Le tout étant entendu que ce dernier dispose de matériels de dernière génération, « capable de mener un combat symétrique de haute intensité ».
Former des forces de sécurité maliennes crédibles
L'actualité de la 27e BIM se déroule aussi au Mali, où l'état-major poursuit la projection de ses effectifs. Pour Hervé de Courrèges, seules trois conditions pourraient permettre l'amélioration de la situation dans la bande sahélo-saharienne. À savoir, « une meilleure gouvernance du pays, un développement économique et une meilleure sécurité ».
Mais, objecte l'officier général, « nos armées ne sont que sur le troisième segment. Si nos diplomates ne parviennent pas à réunir ces conditions, nous n'arriverons pas à remplir les ventres ». Le ticket de sortie ? « Ce n'est qu'en construisant et en formant des forces de sécurité maliennes crédibles sur place qu'on s'en sortira », augure Hervé de Courrèges. C'est bien là toute la mission militaire de l'Union européenne (EUTM Mali) ayant pour mandat de contribuer à la formation des forces armées maliennes. »
Les systèmes d'information, clés de voûte d'une « mue capacitaire », selon le gal de Courrèges
« J'ai trouvé une brigade en très bon état au regard de son savoir-faire opérationnel. Maintenant, ce qui a changé c'est, depuis 2015, Sentinelle qui a considérablement sollicité la brigade », poursuit Hervé de Courrèges. En effet, estime-t-il, « si l'armée est bien là dans son rôle de protection du citoyen, on se rend compte que la brigade ne peut pas continuer à se préparer pour autre chose. » À savoir pour l'apprentissage des milieux montagneux et exposés au grand froid et pour le combat en montagne.
Le tout dans le contexte d'une « mue capacitaire », où l'Armée de terre s'oriente vers les nouvelles technologies dans le cadre du projet de réorganisation de l’Armée de terre. Pas seulement à travers la vitrine des équipements les plus visibles comme le Griffon1Un véhicule de transport de troupes bourré de technologies et doté d'un nouveau dispositif anti-mines, souligne le général, « car la clé de voûte de tout cela ce sont les systèmes d'information ».
Tel le Système d'information et de communication Scorpion (Sics), un outil que la brigade a la charge d'expérimenter et de valider, soit sur la bande sahélo-saharienne, soit en Côte-d'Ivoire.
L'espace informationnel considéré comme un espace de combat
« La 27e BIM a son milieu spécifique, elle opère sa mue dans un environnement qu'il faut bien percevoir. Ce que l'on vit chez nous – les sujets sociaux, une société plus violente, l'atteinte à l'autorité... –, à l'échelle internationale, c'est exactement la même chose », analyse Hervé de Courrèges.
« Nous avons un paysage international qui se recompose, des alliés qui jouent leur jeu, comme la Turquie, et des structures onusienne et européenne un peu bousculées par tout ça », récapitule le général. Qui n'oublie pas, la jugeant préoccupante, « la guerre de l'information et de l'influence » que mènent les nations via les médias internationaux.
Et pour cause, explique-t-il, « nos démocraties sont face à des adversaires qui s'apprêtent à les faire tomber sans tirer un seul coup de feu ! » Ainsi, considère le commandant de la 27e BIM, « l'espace informationnel est devenu aujourd'hui un espace de combat ».
En conséquence, appuie le militaire, « nous devons mieux doter nos armées pour occuper ce champ de bataille ».
Quoi qu'il en soit, explique Hervé de Courrèges, « mon devoir, c’est de prévoir et de me préparer au pire qui serait de faire une vraie guerre face à un adversaire ayant la même capacité que nous, voire plus ».
Joël Kermabon
1 Un véhicule de transport de troupes bourré de haute technologie et doté d'un nouveau dispositif anti-mines.
Quid de la chaire « Conflits, innovation et montagne » ?
Conscient que Pierre-Joseph Givre, son prédécesseur, a lancé beaucoup de choses, Hervé de Courrèges estime en être le dépositaire et souhaite « les faire fructifier plus que les densifier ». En effet, « nous sommes dans un temps très court de commandement et l'on ne doit pas toujours chercher à faire du neuf. Je suis dans ce temps-là », indique-t-il.
Au nombre des projets de l'ancien commandant, l'idée de la création d'une chaire, baptisée « Conflits, innovation et montagne ». Une initiative gravitant autour du thème de l’Homme en milieux extrêmes menée en partenariat avec l'Université Grenoble-Alpes.
Un an après, qu'en est-il ? « Je n'ai pas encore rencontré le président de l'UGA mais j'entends bien poursuivre ce projet. Cependant, nous devons encore en fixer les contours, ne serait-ce que pour savoir qui va tenir cette chaire », indique le haut gradé.
Reste qu'Hervé de Courrèges croit beaucoup au pont entre les mondes universitaire et militaire. « Quand nous, l'armée, nous nous inscrivons dans un horizon temporel de dix ans, nous sommes obligés de penser large et loin », assure-t-il.
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Très dommage pour Grenoble que lui ou quelqu’un comme lui ne se soit pas présenté à l’élection municipale.
Très dommage pour Grenoble que lui ou quelqu’un comme lui ne se soit pas présenté à l’élection municipale.