Saint-Martin-le-Vinoux : la lutte s’am­pli­fie aux jar­dins de la Buisserate contre “l’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion”

Saint-Martin-le-Vinoux : la lutte s’am­pli­fie aux jar­dins de la Buisserate contre “l’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion”

 

REPORTAGE – La mobilisation s'amplifie contre la construction d'immeubles à la place des jardins de la Buisserate à Saint-Martin-Le-Vinoux. Dans la nuit du 4 au 5 septembre dernier, six jeunes ont été interpellés pour association de malfaiteurs alors qu'ils tentaient de s'installer sur le terrain. Depuis, des vigiles empêchent l'accès aux jardins et surveillent le lopin de terre 24 heures sur 24.

 
 
Ce dimanche 13 septembre à Saint-Martin-Le-Vinoux, une trentaine de personnes sont présentes aux abords de la voie ferrée à hauteur du 138 rue Félix-Faure. Habituellement, ils se donnent rendez-vous aux jardins, juste en face, entre les barres d'immeubles décrépies. Mais depuis une semaine des vigiles gardent les entrées en permanence.
 
Hélène habite dans le quartier depuis huit ans. Elle venait régulièrement arroser le jardin avant que l'accès ne soit définitivement bloqué. "Jusqu'à présent les vigiles passaient en voiture. Ils ne rentraient pas dans les jardins la plupart du temps. Parfois, quand on arrosait les haricots ils nous demandaient de sortir, ce que l'on faisait", explique t-elle.
 

Les habitants cultivaient les jardins de la Buisserate jusqu'à ce que l'accès soit restreint la semaine dernière. © Tim Buisson - Place Gre'net


 
Mais dans la nuit du 4 au 5 septembre dernier, la brigade anti-criminalité de Grenoble a interpellé six jeunes gens. Tous ont passé 60 heures en garde à vue et sont désormais soumis à un contrôle judiciaire strict.
 

"On assiste à ce que l'on considère comme un délire policier autour de ces six soi-disant zadistes qui sont rentrés dans les jardins le week-end dernier", s'insurge Maude, du collectif Avenir des terres. Si l’initiative n'a pas été coordonnée par le collectif, elle réitère son soutien aux personnes arrêtées.
 
 

Une artificialisation des terres qui ne passe pas

 
Réunis sous une tente de fortune, la trentaine de personnes se presse autour du thermos de café et des jus de fruits. Ils observent les vigiles à une dizaine de mètres d'eux à l'ombre des arbres sur lesquels ils cueillaient des pommes et des figues quelques jours auparavant seulement. "Ce jardin, c'est un bien commun qu'il faut préserver, surtout avec les enjeux actuels de réchauffement climatique", clame Hélène qui s'était proposée pour s'occuper des poules.
 

Hélène habite le quartier depuis huit ans et s'occupe du jardin depuis quelques mois. © Tim Buisson - Place Gre'net


 
Ancien élu du groupe RCGE (Rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes) en 2014 à Grenoble avant d'en être exclu deux ans plus tard, Guy Tuscher partage ces préoccupations. Et pointe la dichotomie entre les paroles et les actes des élus de la métropole.
 
"J'ai bien regardé ce qui était dans le nouveau Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) voté par la majorité Piolle et par la métropole qui autorise encore et toujours une consommation des terres agricoles et des espaces en pleine terre. Ils ont prévu une légère diminution de cette consommation mais pas de beaucoup, ce qui est vraiment absolument aberrant quand on veut faire une écologie efficace », analyse t-il.
 
 

La mairie compte bien mener le projet à son terme

 
Cette artificialisation des terres entraîne de nombreuses conséquences pour l'environnement selon un rapport de France Stratégie : destruction de la biodiversité, augmentation du niveau de pollution et de CO2. Des conséquences qui ne passent pas à l'heure de la prise de conscience écologique.
 

Plusieurs associations et collectifs défendent les jardins, Jérémie d'Alternatiba ANV / Cop21 mais également France nature environnement, Les Amis de la Terre Isère et le collectif Avenir des terres. © Tim Buisson - Place Gre'net


 
Mais la mairie compte bien mener le projet à son terme. En décembre dernier, la municipalité s'agaçait déjà contre les rassemblements pour sauver le jardin triangulaire coincé entre la voie ferrée et les reliefs de la Chartreuse. Depuis la fin du confinement, la mobilisation s'amplifie. Et semble avoir pris un nouveau tournant la semaine dernière.
 
"De notre côté, il y avait quand même une volonté aussi de faire monter la pression parce qu'on sait qu'il y a un risque de chantier qui est imminent", confie Jérémie d'Alternatiba / ANV Cop 21. D'autres associations soutiennent la mobilisation pour les jardins de la Buisserate, notamment France nature environnement, le collectif Avenir des terres ou encore les Amis de la Terre.
 

Deux habitants en pleine récolte sur les jardins de la Buisserate quelques jours avant l'arrivée des vigiles. © Tim Buisson - Place Gre'net


 
Amorcé par l'ancien maire Yannick Ollivier (LR) dans le cadre de l'EPFL (Etablissement public foncier local) juridiquement propriétaire du terrain, le projet est désormais soutenu par son successeur Sylvain Laval (Divers gauche). Emplacement stratégique pour cette parcelle située à côté du tramway qui relie la ville à Grenoble depuis 2015.
 
En tout, 88 appartements devraient voir le jour dont 34 logements sociaux. Ce qui permettrait à la commune d'atteindre les 25% de logements sociaux prévus par la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain). Une aubaine pour le nouvel édile. Sauf que sur les 5 000 m2 de jardins disponibles aujourd’hui, seuls 700 m2 seraient conservés après la construction des immeubles. Et c'est là que le bât blesse.
 
 

Des animations toute la semaine près des Jardins de la Buisserate

 
Malgré un accès restreint, les habitants, les associations et le collectif de défense des jardins ont planché sur un programme d'animation. Sessions de jardinage, fabrication de confitures, formation à la désobéissance civile ou encore écoutes collectives, les activités sont nombreuses. "Cette semaine a vocation à préfigurer ce que pourraient être les jardins une fois libérés du projet immobilier", s'enthousiasme Maude du collectif Avenir des terres.
 
Pour l'occasion des affiches oranges et rouges sur lesquelles on peut lire "En cas de menace : Tout le monde aux jardins" ont été imprimées. Quelques-unes ont déjà été placardées à Grenoble, notamment dans le quartier Saint Bruno. Sans compter la distribution de programmes aux passants.
 

Des affiches ornent les grilles qui bloquent l'accès aux jardins de la Buisserate. © Tim Buisson


Deux vigiles veillent désormais jour et nuit afin que personne ne franchisse les barrières qui entourent la parcelle. "Je comprends que les habitants veuillent de la verdure en ville surtout en cette période post confinement, mais le compromis de vente a été signé depuis presque trois ans », explique Vincent Rémy, directeur général de l'EPFL.
 
C'est lui qui a instauré une "surveillance rapprochée" afin de sécuriser les lieux avant le terrassement. Terrassement dont il ignore la date de commencement. « Pour stopper le projet, il faudrait que la ville rachète le terrain ce qui coûterait plusieurs millions d'euros », précise t-il. Les vigiles ont ordre d'appeler la police en cas de franchissement.
 
 

"Peut-être qu'on va le faire quand même mais il va falloir qu'on s'organise"

 
"Si on doit passer 60 heures de garde-à-vue pour terrorisme pour arroser des tomates, évidemment c'est un petit peu intimidant. Peut-être qu'on va le faire quand même mais il va falloir qu'on s'organise », glisse Jérémie d'Alternatiba ANV / COP 21. Seul Raphaël, ancien résistant de 96 ans dont le Postillon dressait le portrait l'hiver dernier, peut encore accéder à sa cabane de fortune au milieu du jardin.
 
L'ancien employé de Merlin Gerin, groupe racheté dans les années 2000 par Schneider Electric, bénéficie d'un traitement de faveur et peut encore s'occuper des arbres et des plantes qu'il cultive depuis plus de 70 ans. Pour combien de temps encore ?
 

Tim Buisson

 

Simon Grange

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  1. La gauche aime le tout béton, pas les espaces verts !

    sep article
  2. La gauche aime le tout béton, pas les espaces verts !

    sep article

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