FOCUS – Après deux mois de confinement, la nature a repris ses droits dans les parcs et jardins de Grenoble. Fleurs sauvages et insectes font leur apparition. La municipalité a décidé d’en profiter pour revoir la gestion de ses espaces verts en privilégiant le respect des écosystèmes.
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Le confinement a perturbé l’entretien des espaces verts de la ville de Grenoble. Pendant deux mois, le travail des agents municipaux a en effet été réduit au strict minimum. À savoir, le nettoyage des parcs, l’arrosage des jeunes arbres et l’élagage des branches présentant un danger pour la population.
À partir du 18 mai, les travaux d’entretien des espaces verts ont pu progressivement reprendre. En particulier la tonte ou la fauche des pelouses destinées à un usage récréatif et la taille des arbustes gênants la circulation, tout en laissant plus de place à la nature sauvage en ville.
Une flore sauvage visible en ville
« Avec le confinement, nous découvrons l’émergence d’une nouvelle biodiversité et nous avons décidé d’en profiter pour revoir notre rapport à la nature en ville. Nous réfléchissons pour voir comment préserver cette nature qui s’est développée en ville quand l’humain était confiné. Nous espérons permettre à ces havres de biodiversité de prospérer. Nous allons laisser des espaces verts moins contrôlés, moins façonnés par l’homme », annonce Éric Piolle, le maire écologiste de Grenoble.
En favorisant la nature en ville, la municipalité dit vouloir s’inscrire pleinement dans la transition écologique. À l’exception de certains parcs patrimoniaux (jardin des Dauphins, place de Verdun, jardin de ville, jardin des plantes), l’ensemble des parcs et jardins de la ville aura ainsi désormais un espace dédié à la gestion naturelle.
« L’enjeu pour le service des espaces verts est de permettre aux Grenoblois de bénéficier d’espaces naturels, explique Lucille Lheureux, adjointe aux espaces publics et à la nature en ville. « L’idée c’est de donner un peu plus de place à la nature sauvage, c’est-à-dire avec pas ou très peu d’interventions de l’homme. Dans les semaines qui viennent, on trouvera en ville des prairies, des zones non fauchées et des fleurs sauvages et les insectes qui les accompagnent. »
Et de préciser : « Nous souhaitons laisser plus de place au fleurissement spontané pour revoir fleurir des fleurs des champs en ville et réduire progressivement la place de l’horticulture. »
À Grenoble, les espaces verts occupent 440 hectares, soit 23 % de la surface communale. Parmi eux, 240 hectares sont des espaces verts publics. Autant de parcs et jardins que les 230 agents d’entretien devront entretenir différemment. L’objectif ? Permettre le développement d’un écosystème urbain vivant et diversifié.
« L’entretien de cette nature moins maîtrisée va être plus difficile et plus exigeant pour les agents, estime Lucille Lheureux. C’est un savoir-faire et des compétences nouvelles que va acquérir le service des espaces verts. Ce sera un travail beaucoup plus subtil. [Il s’agira de] dégager certains espaces, tout en préservant ces écosystèmes nouveaux et les petits insectes qui y habitent. »
Une révolution pour les agents d’entretien des espaces verts
La fin du confinement n’a pas donné lieu à un fauchage massif des espaces verts municipaux. Le fauchage est raisonné et localisé. La place de Verdun, par exemple, a fait l’objet d’un traitement rapide par tonte et d’autres espaces sont fauchés tardivement. Cette nouvelle approche de la nature en ville oblige les 139 agents affectés à l’entretien des parcs et jardins à travailler différemment.
« C’est un travail qui pourrait être comparé à un peintre impressionniste qui va travailler par petites touches, de manière très minutieuse », explique Benoît Walbrou, responsable du service espaces verts de Grenoble.
« L’idée est d’avoir une approche subtile et de réfléchir aux lieux où il est nécessaire de tondre et à ceux où on peut laisser la nature s’exprimer. »
C’est une petite révolution pour les agents mais aussi pour les habitants, qui découvrent des espaces verts et des jardins riches en biodiversité. Un changement qui pourrait toutefois déplaire à certains, qui pourraient associer ces nouvelles méthodes à un manque d’entretien.
« C’est une approche différente mais nos parcs et jardins seront beaucoup plus riches en biodiversité que ce qui existait auparavant. » Pourquoi ne pas l’avoir fait alors plus tôt ? « Il y a un an, si nous avions eu cette idée, nous aurions sans doute eu des réticences des concitoyens, justifie Benoît Walbrou. Le confinement a montré la richesse de ces espaces verts et nous permet de lancer cette transformation. »
Une nouvelle biodiversité à observer
Ces nouveaux espaces moins contraints par l’homme permettent l’apparition de nouvelles espèces d’oiseaux, de papillons et d’insectes, que la municipalité compte observer avec l’aide d’associations locales. « Nous découvrons une faune riche qui s’est installée dans ces champs urbains. Le service des espaces verts est engagé dans une démarche d’observation des insectes, des oiseaux et des papillons avec l’aide de l’association Gentiana et avec Le Tichodrome [seul centre de sauvegarde de la faune sauvage en Isère, ndlr]», souligne Lucille Lheureux.
Une nouvelle biodiversité – plus de 170 espèces d’oiseaux, plus de 60 espèces de papillons de jour, 7 espèces de libellules et 30 espèces de mammifères – que la Ville espère conserver.
« Les Grenoblois ont pu profiter du chant des oiseaux pendant le confinement grâce aux 500 nichoirs installés en ville, financés par le budget participatif. On espère bien que ça continue après le confinement », s’enthousiasme Éric Piolle.
Léa Meyer