FOCUS – Quelles modalités et itinéraires pour les transports routiers de matières dangereuses sur l’agglomération grenobloise ? Services de l’État, industriels, collectivités, syndicats et associations ont signé une charte commune afin de concilier sécurité des citoyens, protection de l’environnement et impératifs économiques des entreprises.
« Une démarche qui vise à concilier les impératifs économiques et industriels avec la sécurité de nos concitoyens et la préservation de l’environnement ». C’est ainsi que le préfet de l’Isère Lionel Beffre présente la charte sur le transport routier de matières dangereuses dans la région grenobloise. Un document officiellement signé fin octobre 2019 entre représentants de l’État, industriels et collectivités.
Si la volonté d’harmoniser les pratiques et les itinéraires dans le domaine des matières dangereuses semble naturelle, la constitution de la charte n’a pas été un long fleuve tranquille. « Il a fallu quelques années de travail pour arriver à mettre au point cette charte », souligne Bernard le Risbé, conseiller municipal de la Ville de Jarrie et représentant de l’Association des maires de France (AMF). Pour qui le document constitue aujourd’hui un « pas énorme ».
Deux millions de tonnes de matières dangereuses par an
Les besoins sont criants, rappelle de son côté Lionel Beffre avant de livrer les dernières données de trafic disponibles. En 2010, on dénombrait ainsi entre 100 et 200 camions par jour transportant des matières dangereuses sur la région grenobloise. Le transport routier reste le mode de déplacement majoritaire : sur les 2,1 millions de tonnes de matières dangereuses acheminées par an à travers la région, 52 % le sont par la route.
100 à 200 camions, un chiffre important ? « Cela représente peu en pourcentage du trafic, environ 0,3 %, mais c’est tout de même 100 à 200 opportunités d’avoir un risque ! », explique encore le préfet de l’Isère. Un risque d’autant plus élevé que l’agglomération grenobloise n’est pas avare en sites classés Seveso. La préfecture en dénombre 18, soit autant de zones à risque… qui ne manquent pas de susciter des inquiétudes.
Le transport de matières dangereuses est pourtant une nécessité pour une région où l’industrie chimique occupe une place de choix dans l’économie locale. Des entreprises qui exportent et importent nombre de produits, auprès de partenaires basés en Europe ou au-delà.
La concentration est au demeurant remarquable, souligne encore Lionel Beffre : 94 % des flux de transport de matières dangereuses sont générés par… neuf établissements seulement.
Des itinéraires recommandés pour les transports
Le principe de la charte ? Inviter les industriels signataires à utiliser les itinéraires recommandés pour les transports de matières dangereuses, en se basant sur un livret élaboré pour l’occasion. Un livret qui définit des trajets pour plusieurs sites industriels, depuis les plateformes chimiques de Jarrie ou Pont-de-Claix jusqu’aux sites de STMicroelectronics ou même… du centre régional des douanes. Le tout en français, anglais, allemand et italien.
Mais la charte ne concerne pas que les itinéraires. La question du stationnement est également une problématique importante. « On pouvait avoir sur un parking deux camions de matières dangereuses et incompatibles », note ainsi Bernard Le Risbé. Les stations de lavage ou les aires de repos sont, là encore, des éléments pris en compte. De même que les horaires de livraison, en privilégiant des périodes en-dehors des heures de pointe.
Les collectivités ont aussi leur rôle à jouer, en matière de signalisation ou d’infrastructures pour les transporteurs. Pas moins de 27 communes comptent ainsi parmi les signataires de la charte, aux côtés d’une dizaine d’industriels et d’une quinzaine d’entreprises de transports. Sans oublier les paraphes des syndicats CGT, FO et CFDT, ou d’associations comme l’Institut des risques majeurs (Irma) ou Les Associations d’habitants du grand Grenoble (Lahgglo).
Le ferroviaire plutôt que la route ?
Le préfet de l’Isère rappelle toutefois que les transports de matières dangereuses n’ont pas attendu la charte pour être soumis à des contrôles. « Il y avait déjà fort heureusement des réglementations et des contraintes qui s’appliquaient à ces transports », explique Lionel Beffre.
Pourquoi dans ce cas une charte ? « Un socle réglementaire et législatif existe, mais il fallait quand même s’inscrire dans une logique d’amélioration », répond le préfet.
Une amélioration qui prend en compte les PLUI (plans locaux d’urbanisme intercommunaux), les PDU (plans de déplacement urbain) et les Scot (schémas de cohérence territoriale). Tout en conciliant les impératifs économiques, environnementaux et de sécurité induits par ces transports pas comme les autres.
En attendant un recours plus massif au ferroviaire ? La question se pose, lorsque le directeur de la plate-forme industrielle Vencorex Christophe Dansette pointe du doigt des situations pour le moins paradoxales : « Je suis obligé de mettre des containers sur des camions à Grenoble, qui vont ensuite jusqu’à Lyon… pour être mis sur des wagons ! », déplore-t-il. Une preuve, selon lui, qu’il reste encore matière à réflexion en matière de transports de matières dangereuses.