REPORTAGE VIDÉO - Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place de Verdun, ce mardi 19 février, à Grenoble pour protester contre l'antisémitisme. Elles répondaient localement à l'appel de la Licra, relayé par plusieurs organisations syndicales et politiques. L'objectif ? Dire « ça suffit » face à la recrudescence des actes antisémites en France.
La place de Verdun était noire de monde en ce début de soirée du mardi 19 février à Grenoble. En effet, plusieurs centaines de personnes ont répondu à l'appel de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) invitant à se rassembler pour protester contre l'antisémitisme.
Un appel relayé par de nombreuses organisations politiques et syndicales, auxquelles se sont joints de nombreux anonymes. Une manière de dire « ça suffit ! » face à la recrudescence et la banalisation des actes antisémites, en hausse de 74 % en France pour l'année 2018.
Un rassemblement silencieux pour exprimer un ras-le-bol contre l'antisémitisme
Dispersés dans la foule, on pouvait reconnaître de nombreux élus, représentants de partis politiques, d'associations ou d'organisations syndicales. Pour autant, point de discours. Pas plus que de signes ostentatoires d'appartenances politiques.
Les gens se parlaient à voix basse et c'est dans un relatif silence que s'est déroulé ce rassemblement. Quelques pancartes émergeaient. « Non à tous les racismes et xénophobies ! » ou encore « Contre l'antisémitisme, les racismes et leur instrumentalisation ! », pouvait-on lire au-dessus des têtes.
Mais quoi de mieux que quelques images pour montrer l'ambiance de ce rassemblement ? L'occasion aussi de tendre le micro à Aurélien Py, secrétaire général de la Licra Dauphiné-Savoies, rencontré sur place.
« Il faut sortir de la loi de 1881 sur la presse les actes à caractères racistes et antisémites »
Ces dernières semaines, les actes et attaques antisémites se sont multipliés en France. Pour n'en mentionner que certains, rappelons l'arbre en souvenir d’Ilan Halimi scié à la base et le tag sur la vitrine d'un restaurant Bagelstein. Citons encore la découverte de croix gammées tracées sur la représentation du visage de Simone Veil.
Mais ce n'est pas tout. Pas plus tard que ce mardi 19 février, près de quatre-vingt tombes d’un cimetière juif de Strasbourg ont été profanées. C'en est trop pour Aurélien Py, qui tente de dégager quelques-unes des causes de cette recrudescence.
« Je l'explique par les idées extrémistes, qu'elles soient de gauche ou de droite. Mais aussi par cet intégrisme musulman contre lequel il va falloir lutter très durement au cours des prochains mois et des prochaines années », explique-t-il. Le secrétaire général ne se berce d'ailleurs pas d'illusions sur l'éventualité d'autres actes antisémites.
« Ces rassemblements ne peuvent suffire à nous en prémunir […]. Il est temps pour le gouvernement de prendre des mesures à la hauteur des enjeux », appuie Aurélien Py. Légiférer ? Oui, en prenant en compte plusieurs aspects dont les réseaux sociaux, vecteurs de propos antisémites notoires.
« Il faut sortir de la loi de 1881 sur la presse les actes à caractères racistes et antisémites », propose-t-il. Une modification des textes à laquelle il aimerait joindre la condamnation de l'antisionisme. À cet effet, la Licra n'a pas manqué de déposer ses contributions dans le cadre du grand débat national.
Internet : une zone de non-droit sur laquelle il va falloir légiférer
Un exemple concret ? Le futur service national universel (SNU), l'un des engagements d'Emmanuel Macron qui prend forme et va être expérimenté dès ce mois de juin 2019. « Ce SNU d'une durée d'un mois seulement ne servira à rien ! », prédit Aurélien Py. « Il faut qu'il dure au moins douze mois, afin que les jeunes puissent retrouver le goût de vivre ensemble. Le tout avec des mesures d'instruction civique qui soient fortes », estime Aurélien Py.
Autre sujet de préoccupation : la perte des valeurs et de la notion d'autorité chez les jeunes. Pour preuve ? Ne serait-ce que la difficulté qu'éprouvent les enseignants à parler de la Shoa à leurs élèves. Difficulté qui existait déjà en 2004, quand le rapport Obin est sorti. Ce deux ans après les conclusions avancées (et critiquées) dans l'ouvrage Les territoires perdus de la République.
« Depuis lors, rien ou si peu n'a été fait en la matière », regrette Aurélien Py. En cause également, selon le secrétaire général, le développement d'internet, une « zone de non-droit ». Là aussi, « il va falloir légiférer dans les prochains mois », se prend à espérer le membre de la Licra.
Joël Kermabon