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Le quartier Mistral-Lys rouge

Politique de la ville : et si nous reve­nions aux fondamentaux !

Politique de la ville : et si nous reve­nions aux fondamentaux !

TRIBUNE LIBRE – Après les annonces d’Emmanuel Macron concer­nant les ban­lieues, de nom­breuses réac­tions se sont fait entendre. Claude Jacquier, direc­teur de recherche hono­raire au CNRS et pré­sident de l’Observatoire des dis­cri­mi­na­tions et des ter­ri­toires inter­cul­tu­rels (ODTI), pro­pose de prendre de la hau­teur en ana­ly­sant l’his­toire de la poli­tique de la ville à Grenoble et ses enjeux multiples.

Claude Jacquier, directeur de recherche honoraire au CNRS et président de l’Observatoire des Discriminations et des territoires Interculturels

Claude Jacquier, direc­teur de recherche hono­raire au CNRS et pré­sident de l’Observatoire des dis­cri­mi­na­tions et des ter­ri­toires Interculturels

La poli­tique de la ville est à l’œuvre depuis des décen­nies, quel que soit le nom dont elle est affu­blée : habi­tat et vie sociale (HVS) en 1971, déve­lop­pe­ment social des quar­tiers (DSQ) en 1983, déve­lop­pe­ment social urbain (DSU) et poli­tique de la ville en 1988, sans par­ler des décli­nai­sons euphé­mi­sées ou polé­miques (quar­tiers sen­sibles, quar­tiers encla­vés, quar­tiers ghetto, quar­tiers défa­vo­ri­sés, quar­tiers délais­sés, quar­tiers en crise, quand il ne s’agit pas de la simple appel­la­tion géné­rique « les quar­tiers », etc.)

En 1981, Hubert Dubedout a été appelé par Pierre Mauroy pour pré­si­der une com­mis­sion des Quartiers d’habitat social, immé­dia­te­ment siglé, quoi de plus logi­que­ment fran­çais, QHS, si ce n’était que c’était déjà le label des quar­tiers de haute sécu­rité dans les prisons.

Bref, tout ou presque a été dit à pro­pos de cette poli­tique, source de nombre de mal­en­ten­dus ! Alors, une poli­tique de la ville pour quoi faire ? Qui le sait vrai­ment aujourd’hui ? Revenons à ses prin­cipes initiaux.

Commençons par le diagnostic !

La plu­part des ter­ri­toires objets de cette poli­tique sont, avant tout, des « grands ensembles » publics, mais aussi pri­vés, construits dans les trente glo­rieuses (1945−1975), pour com­bler le retard consi­dé­rable pris par les villes fran­çaises. Au milieu des années cin­quante, la moi­tié du parc de loge­ment du pays est alors sans confort, sur-occupé, voire insa­lubre ! Le bidon­ville n’est alors pas une den­rée rare !

Construire au plus vite des ter­ri­toires de pro­mo­tion pro­fes­sion­nelle et rési­den­tielle où se déploie­raient de nou­veaux modes de vie autour de la famille conju­gale (père, mère, deux ou trois enfants), au moins un « bread-win­ner », un loge­ment confor­table, une auto­mo­bile… un chien, un chat. Un American Way of Life à la française !

Dans l’agglomération gre­no­bloise, la pre­mière cein­ture de terres maraî­chères au sud des grands bou­le­vards s’étendant vers Fontaine et Saint-Martin‑d’Hères voit sur­gir des immeubles “modernes” en copro­priété, puis des ensembles de loge­ments sociaux (Teisseire 1958, Mistral 1962, Jouhaux 1964). Suivront, le Village olym­pique (1968), la Villeneuve d’Échirolles et celle de Grenoble à par­tir de 1972.

Une grande par­tie des quar­tiers anciens des com­munes, sou­vent insa­lubres, se vide alors de leur popu­la­tion la plus aisée pour deve­nir des lieux d’accueil des popu­la­tions migrantes qui affluent dans la métro­pole (exode rural, rapa­trié-es et main‑d’œuvre immi­grée en pro­ve­nance des ex-colo­nies). L’appareil indus­triel de la France et de l’Europe en a alors tant besoin.

Hiver 1968 à Grenoble, le centre de presse des Jeux Olympiques, quartier Malherbe © 1968 / Comité International Olympique (CIO)

Hiver 1968 à Grenoble, le centre de presse des Jeux olym­piques, quar­tier Malherbe © 1968 – Comité inter­na­tio­nal olym­pique (CIO)

Contrairement à ce que nous pou­vons lire aujourd’hui, la « poli­tique de la ville » prend nais­sance à la fin des années soixante, suite à la réforme gaul­liste de l’État (créa­tion du minis­tère des Affaires sociales en 1964 et du minis­tère de l’Équipement en 1966, tra­vaux pré­pa­ra­toires du 6plan pour la période 1971 – 1975). Les pre­mières cri­tiques sur « la crise des grands ensembles » (la “sar­cel­lite”) et une néces­saire approche glo­bale du deve­nir des socié­tés urbaines com­mencent à émerger.

Après avoir fait la ville, il s’agit de refaire la ville, avec ses diverses com­po­santes, les lieux, les gens et les ins­ti­tu­tions d’où devraient sur­gir de nou­velles atmo­sphères. Dans l’agglomération gre­no­bloise, ce mou­ve­ment coïn­cide avec le boom démo­gra­phique et l’arrivée au pou­voir de nou­velles élites, plus ges­tion­naires. La liste dans laquelle figure Hubert Dubedout à Grenoble, en 1965, en est l’illustration. Un grand nombre des hommes élus, les femmes y étant ultra-mino­ri­taires, ne sont pas des gre­no­blo-dau­phi­nois. Ils viennent d’ailleurs. C’est la géné­ra­tion des guerres de déco­lo­ni­sa­tion et de la guerre d’Algérie.

Dans l’aménagement des villes, Grenoble devient une réfé­rence et un labo­ra­toire pour le gou­ver­ne­ment cen­tral, tant pour la res­tau­ra­tion des quar­tiers anciens jusqu’alors pro­mis à la démo­li­tion (réno­va­tion urbaine déjà) que pour une approche réin­ven­tée de l’urbanisation. Ainsi, le pro­jet Villeneuve (Echirolles et Grenoble) englo­bant Grand’Place est pensé comme un anti-grand ensemble en offrant tous les équi­pe­ments sociaux, édu­ca­tifs, cultu­rels et com­mer­ciaux dont ces grands ensembles ori­gi­nels étaient démunis.

Autre ter­rain d’innovation gre­no­blois peu men­tionné, la poli­tique d’accueil des popu­la­tions migrantes dont les élu-es avaient com­pris alors la néces­sité, non seule­ment pour la crois­sance éco­no­mique, mais pour renou­ve­ler la dyna­mique socio-démo­gra­phique et cultu­relle de la cité (créa­tion en 1970 de l’Office dau­phi­nois des tra­vailleurs immigrés).

La fin des années soixante-dix marque un reflux. La « petite bour­geoi­sie nou­velle », PBN comme on la qua­li­fiait alors (cadres de l’économie et des ser­vices admi­nis­tra­tifs, publics et pri­vés, ensei­gnants et cher­cheurs, tra­vailleurs sociaux) déserte rapi­de­ment les grands ensembles, « Villeneuve » com­prise, à peine édi­fiée et pour­tant confec­tion­née pour elle. La pro­mo­tion rési­den­tielle en mai­son indi­vi­duelle ou par recon­quête de quar­tiers anciens plus ou moins insa­lubres bat son plein (Saint-Laurent, Brocherie-Chenoise, Très-Cloîtres, Vieux Temple, Berriat).

Ces bas mor­ceaux de la ville pro­po­saient alors des « loge­ments sociaux de fait » pour abri­ter les popu­la­tions migrantes au prix de l’insalubrité. En une ving­taine d’années (1975−1995), cet habi­tat a été “recon­quis” par cette “PBN” éprise de vieilles poutres et de vielles pierres et des amé­ni­tés des centres anciens res­tau­rés et pié­ton­ni­sés. Les popu­la­tions les plus dému­nies, et parmi elles les migrant-es et leur dia­spora, ont quant à elles été évin­cées et pla­cées sur le tobog­gan orienté vers les grands ensembles en voie de déva­lo­ri­sa­tion accé­lé­rée qui leur étaient jusqu’à lors “inter­dits” !

Des guides de l'Office de Tourisme proposent des visites guidées du centre-ville historique de Grenoble. © Pierre Jayet

Des guides de l’of­fice de tou­risme pro­posent des visites gui­dées du centre-ville his­to­rique de Grenoble. © Pierre Jayet

La machine à frag­men­ter n’a pas cessé de s’activer depuis sous forme de trois jeux d’enfants : le chat-per­ché pour les nou­velles classes moyennes s’installant sur les sites métro­po­li­tains les mieux acha­lan­dés en une forme d’élection de domi­cile, le tobog­gan, en orga­ni­sant le glis­se­ment des moins for­tu­nés vers ces grands ensembles, sur­tout loca­tifs, de faible valeur immo­bi­lière qui sont deve­nus des lieux d’assignation à rési­dence pour ceux qui ne peuvent se payer l’accès aux meilleurs mor­ceaux de la ville, le jeu du mis­ti­gri ou du barbu de l’exclusion de toutes celles et de tous ceux dont per­sonne ne veut dans la métro­pole et que les com­munes se ren­voient à coup de quota de loge­ments très sociaux et aujourd’hui de dos­siers Dalo. La poli­tique de la ville n’a jamais mis fin à ces jeux de notre enfance. Au mieux, elle n’a fait que les amé­na­ger, inter­net aidant.

Ces nou­velles classes moyennes ont sur­tout béné­fi­cié alors des faibles valeurs immo­bi­lières de ce patri­moine ancien, consi­déré comme étant en-deçà des normes mini­males d’habitabilité (pas d’eau froide et pas d’eau chaude sur l’évier, toi­lettes sur le pal­lier, pas de salle de bain, pas de chauf­fage cen­tral et pas… d’ensoleillement) qu’elles ont res­tauré sans être acca­blés par une reva­lo­ri­sa­tion rapide des valeurs cadastrales.

Elles ont ainsi béné­fi­cié de faibles taxes sur le fon­cier bâti et d’habitation, com­pa­ra­ti­ve­ment à ce qui était alors pra­ti­qué dans les loge­ments modernes des grands ensembles. Elles ont donc su alors s’exonérer de ce qui a été une des causes majeures de la frag­men­ta­tion de nos villes et métro­poles, à savoir l’absence de révi­sion régu­lière mal­gré les pro­messes de tous les par­tis poli­tiques depuis… 1970 (près de cin­quante ans) des bases d’imposition de la fis­ca­lité locale.

Tout cela a per­mis un impres­sion­nant trans­fert de res­sources des habi­tants des grands ensembles, alors neufs et dotés du confort, vers les quar­tiers anciens ou les com­munes rési­den­tielles où se sont per­chées les classes sociales plus aisées. Certains parlent de Robin des bois à l’envers à pro­pos de la pré­si­dence Macron sans voir que ce Mandrin inversé est à l’œuvre depuis les années soixante-dix dans les villes et cela au pro­fit… des “bobos” de droite, de gauche et éco­los qui les ont gou­ver­nées et les gou­vernent encore.

Pour la reva­lo­ri­sa­tion de ce patri­moine, outre la mise en œuvre depuis des années de la poli­tique de la ville assor­tie des finan­ce­ments de l’Anru, il convien­drait d’examiner sérieu­se­ment com­ment frei­ner, sinon arrê­ter la dépré­cia­tion des valeurs immo­bi­lières au sein de ces ter­ri­toires. L’État aurait dû, en par­ti­cu­lier, appli­quer les réformes sug­gé­rées visant l’exonération des ménages de ces quar­tiers de la taxe d’habitation au lieu de n’avoir agi, dans les années quatre-vingt-dix, que sur la seule détaxa­tion des acti­vi­tés en Zones franches urbaines (ZFU).

Une telle exo­né­ra­tion en matière de taxe d’habitation, il y a plus de vingt ans, aurait sans doute contri­bué à rendre ces quar­tiers plus attrac­tifs pour cer­tains rési­dents bien sol­va­bi­li­sés et à aug­men­ter ainsi la valeur mar­chande des loge­ments. La baisse, puis la sup­pres­sion géné­rale de la taxe d’habitation n’aura mal­heu­reu­se­ment pas l’effet dif­fé­ren­tiel qui était escompté alors. [1]

Les pro­ta­go­nistes du récent débat sur la poli­tique de la ville, dont le pré­sident de la République, ont été fort silen­cieux sur cette machine à trier et à exclure. À Grenoble et ailleurs, per­sonne ne parle plus des migrants et des dia­spo­ras de manière posi­tive et le silence en la matière des par­tis de gauche et éco­los est élo­quent : rien dans le bilan annuel de la Métro, rien dans le pro­jet métro­po­li­tain 2030, rien dans le Baro’Métro, rien dans la pla­ni­fi­ca­tion de l’habitat, rien dans les pro­grammes élec­to­raux depuis des années.

Comme dans beau­coup de pays euro­péens, la voie est libre pour la régres­sion sou­ve­rai­niste et xéno­phobe. Et pour­tant, dans Grenoble-Alpes Métropole, ces popu­la­tions « immi­grées » sont plus de 80 000 (13,5 % de la popu­la­tion) – sans comp­ter les enfants et les petits-enfants issus de cette immi­gra­tion –, pré­sentes sur­tout dans les quar­tiers de la poli­tique de la ville. Ces popu­la­tions sont essen­tielles pour le renou­vel­le­ment démo­gra­phique de cette région rur­baine (solde migra­toire et solde natu­rel), per­met­tant d’éviter encore, mais pour com­bien de temps, les mani­fes­ta­tions xéno­phobes et racistes au sein d’une ville stag­nante (comme l’indique le gra­phique ci-des­sous) et vieillis­sante, sou­mise au « papy-mamy boom, ten­dance à laquelle n’ont pas échappé d’autres métro­poles de la région (Clermont-Ferrand, Saint-Étienne).

Evolution de la population de Grenoble, de l'aire urbaine et de la région urbaine hors Grenoble

Évolution de la popu­la­tion de Grenoble, de l’aire urbaine et de la région urbaine hors Grenoble

L’espoir pour cette métro­pole réside dans ce qui a tou­jours été sa chance mais aussi la volonté de ses habi­tant-es au fil du temps : conti­nuer à être une terre d’accueil. Les ter­ri­toires-refuges que sont les quar­tiers dits de la poli­tique de la ville pour les popu­la­tions pauvres, sou­vent migrantes, sont poten­tiel­le­ment des ter­ri­toires-trem­plins pour elles et pour cette cité car les pauvres moné­taires ne sont pas des pauvres d’esprit aux­quels serait seule­ment réservé… le royaume des cieux que pro­mettent les trois reli­gions du Livre.

D’ailleurs, tout ne va pas si mal dans ces ter­ri­toires, contrai­re­ment à ce qu’avancent les diag­nos­tics trop sou­vent à charges de l’Observatoire natio­nal des zones urbaines sen­sibles (Onzus). Cette réa­lité posi­tive de ter­ri­toires trem­plin est pour­tant rare­ment ins­crite à l’actif de cette poli­tique. C’est comme si nous jugions d’une poli­tique hos­pi­ta­lière uni­que­ment à par­tir des gens qui meurent à l’hôpital sans tenir compte des gens qui en sortent soi­gnés et gué­ris. À cette aune, toute poli­tique hos­pi­ta­lière devrait être condam­née et ses finan­ce­ments publics supprimés.

Les bilans éva­lua­tifs de la poli­tique s’intéressent au stock de popu­la­tion qui y vit mal (pré­caires, chô­meurs, vic­times diverses, etc.), éven­tuel­le­ment à ceux qui arrivent dans un grand état de déla­bre­ment, rare­ment à ceux qui s’y plaisent et encore plus rare­ment à ceux qui en sortent et qui s’en sortent bien, notam­ment grâce à la qua­lité de la poli­tique de la ville, de ses pro­grammes et de ses projets.

La poli­tique de la ville, fina­le­ment qu’est-ce que c’est ?

Contrairement à ce qui a été dif­fusé au fil du temps et encore récem­ment, la poli­tique de la ville ne se réduit pas à des finan­ce­ments : « Combien de mil­liards d’euros va-t-on mettre sur la table ? » La poli­tique de la ville est une poli­tique publique ou, plu­tôt, elle se vou­lait une com­bi­na­toire de mul­tiples poli­tiques publiques dites sec­to­rielles (urba­nisme, loge­ment, éco­no­mie, social, édu­ca­tion, culture, sport, sécu­rité, etc.), ce que l’Union euro­péenne appelle une « poli­tique inté­grée de déve­lop­pe­ment sou­te­nable com­mu­nau­taire ». C’est ce qu’elle a rare­ment pu être, la France n’ayant jamais su épou­ser ce que les meilleures pra­tiques euro­péennes (best prac­tices) sug­gé­raient, peut-être parce qu’elles ont été éla­bo­rées par des fran­co­phones. J’ai été l’un d’eux !

Prenons garde tou­te­fois à la forme prise par ces poli­tiques publiques ! Derrière le dra­peau de l’intérêt géné­ral qui est brandi à chaque fois, elles portent avant tout des inté­rêts finan­ciers domi­nants et excluants. Nous le voyons avec le débat actuel sur la poli­tique agri­cole. Celle-ci ne sert pas les inté­rêts des Européens, ni ceux des consom­ma­teurs, ni ceux des petits pro­duc­teurs directs, mais avant tout ceux de l’appareil agro-indus­triel, voire qui sait celui exclu­sif de l’agrochimie des pes­ti­cides et de pro­duits phytosanitaires.

Toutes les poli­tiques publiques s’affichent ainsi fic­ti­ve­ment. Combiner ou inté­grer diverses poli­tiques publiques pour­raient être une manière de jugu­ler ces dérives, en fai­sant, comme le sou­hai­tait les pères fon­da­teurs de la doc­trine libé­rale, s’opposer l’ambition à l’ambition pour abou­tir éven­tuel­le­ment à un vrai inté­rêt géné­ral. Cela n’apparaît guère dans les pro­po­si­tions qui ont été for­mu­lées à pro­pos de la poli­tique de la ville par les divers pro­ta­go­nistes des débats récents, ni par celles du pré­sident de la République qui ne des­sinent au mieux qu’un cata­logue de mesures jux­ta­po­sées, par­fois cosmétiques.

La bonne stra­té­gie à mettre en œuvre n’est pas for­cé­ment d’augmenter les moyens finan­ciers. Ce hochet est agité à chaque fois que ces ter­ri­toires sont la proie d’émotions. Il s’agit de faire en sorte que la poli­tique de la ville entre enfin… en poli­tique et, pour cela, elle doit être une poli­tique de droit com­mun qui consi­dère enfin les habi­tants de ces ter­ri­toires comme des citoyens à part entière, auprès des­quels les élu-es viennent cher­cher un man­dat élec­to­ral, contre­par­tie de leurs savoir-faire gestionnaire.

Ce n’est plus le cas depuis fort long­temps. Quel est l‘intérêt géné­ral pour­suivi par cette poli­tique publique appelé « poli­tique de la ville » ? Est-ce que cela pour­rait être l’intérêt des habi­tants de ces ter­ri­toires, sou­vent pas même citoyens car étran­gers, sou­vent non ins­crits sur les listes élec­to­rales et, quand ils le sont, le plus sou­vent abs­ten­tion­nistes et, de ce fait, non repré­sen­tés poli­ti­que­ment ? Nous pou­vons en dou­ter ou il fau­drait que les élu-es se soient trans­formé-es tout à coup en bonnes et belles âmes. Il y en a, certes !

Dans mon quar­tier du Village olym­pique, 10 % seule­ment de la popu­la­tion en âge de voter ont par­ti­cipé aux réjouis­sances élec­to­rales lors des muni­ci­pales de 2014. Et que dire lors des autres consul­ta­tions bien moins mobi­li­sa­trices ? À Très-Cloitres, où je tra­vaille, la situa­tion est pire. Il en est sen­si­ble­ment de même dans tous les quar­tiers prio­ri­taires de la poli­tique de la ville (QPV). Nous sommes dans un suf­frage cen­si­taire d’un nou­veau type qui fait litière de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Qu’y peut la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive pré­sen­tée comme une solution-illusion ?

Alors, une poli­tique de la ville au ser­vice de quels inté­rêts ? Le véri­table lobby por­teur de ces inté­rêts est, par pro­cu­ra­tion, le mou­ve­ment HLM qui a besoin de ces finan­ce­ments (aide per­son­na­li­sée au loge­ment, APL, prêts aidés, finan­ce­ments Anru, cré­dits de la poli­tique de la ville, garan­ties des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales) pour évi­ter une grave crise finan­cière ! Par exemple, plus de 50 % du patri­moine d’Actis est en QPV, 50 % des loca­taires sont éli­gibles à une APL qui n’a de per­son­na­li­sée que le nom car c’est le bailleur qui la per­çoit directement.

L’encours des emprunts de ce sec­teur auprès des finan­ceurs dont la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) était de l’ordre de 160 mil­liards d’euros en 2015, le double de ce qu’il était en 2006, des prêts de long terme (30−40 ans) qui sont gagés sur de l’épargne courte, celle des ménages (livret d’épargne). Le rem­bour­se­ment des emprunts dépend de la capa­cité des orga­nismes à déga­ger des res­sources loca­tives. Faut-il encore que les loge­ments ne soient pas vacants et que leurs loca­taires soient sol­vables ! Ainsi, à la fin des années quatre-vingt, Actis est passé tout près de la catastrophe !

Bref, il y a là des inté­rêts essen­tiels à sau­ve­gar­der, ceux de la CDC, ceux des bailleurs, ceux des épar­gnants sur­tout, qui ont peu à voir avec l’intérêt immé­diat des habi­tants de ces quar­tiers. Ainsi la poli­tique de la ville et ses finan­ce­ments, comme d’ailleurs l’APL dont le bud­get a explosé depuis sa créa­tion en 1977, aurait sur­tout visé à évi­ter une crise finan­cière pou­vant rui­ner l’épargne popu­laire et la confiance dans le monde poli­tique. Quand nous par­lons d’intérêt géné­ral, il faut bien en pré­ci­ser la nature !

Évolution du montant total des aides en milliards d'euros constants / Évolution du montant et des bénéficiaires des APL

Évolution du mon­tant total des aides en mil­liards d’eu­ros constants / Évolution du mon­tant et des béné­fi­ciaires des APL

Ce serait oppor­tun de mettre fin aux cré­dits spé­ci­fiques finan­çant la poli­tique de la ville dont on dit, “fake news” de plus, qu’ils sont « déver­sés » à gros bouillon sur ces quar­tiers, soit disant pour com­pen­ser les écarts de trai­te­ment par rap­port aux quar­tiers mieux lotis. [2] N’était-ce d’ailleurs pas la pers­pec­tive ini­tiale de voir l’extinction pro­gres­sive de ces cré­dits spé­ci­fiques, au fur et à mesure du retour de ces quar­tiers, suc­cès de cette poli­tique aidant, dans le droit commun.

Malheureusement, jamais une seule fois n’a été mis en œuvre un bilan ana­ly­tique com­pa­ra­tif et incon­tes­table de la richesse poten­tielle et des ser­vices ins­tal­lés dans ces ter­ri­toires (la pre­mière ten­ta­tive de l’assemblée natio­nale date de ces der­niers jours avec le bilan com­pa­ra­tif dressé pour la Seine Saint-Denis). En fait, la mise en place de ces cré­dits spé­ci­fiques (hors finan­ce­ments excep­tion­nels de l’Anru) a généré une véri­table usine à gaz d’une com­pli­ca­tion extrême, au point que nous pou­vons nous deman­der si une grande par­tie des finan­ce­ments spé­ci­fiques, dits de rat­tra­page, n’a pas sur­tout servi à finan­cer tout un appa­reillage bureau­cra­tique qui, au final, ne délivre qu’un goutte à goutte aux gens qui en ont le plus besoin.

Cette logique du finan­ce­ment de rat­tra­page n’a été qu’une mesure assis­tan­cielle de plus qui n’a guère sus­cité de dyna­miques de pro­jet alors que c’était pour­tant un des objec­tifs majeurs de cette poli­tique. Progressivement, ces cré­dits spé­ci­fiques qui devaient abon­der des cré­dits de droit com­mun insuf­fi­sants ont été uti­li­sés pour col­ma­ter la baisse sys­té­ma­tique de ces mêmes cré­dits. L’additionnel est devenu sub­sti­tu­tif. Les émeutes de 2005 dans les ban­lieues peuvent s’expliquer aussi ainsi après les pro­fondes coupes bud­gé­taires du gou­ver­ne­ment Raffarin.

À l’origine, la poli­tique de la ville n’avait pour objec­tif, au sein de ces com­mu­nau­tés-ter­ri­toires, ni de faire « tabula rasa » de lieux (place, l’environnement) consi­dé­rés comme cri­mi­no­gènes, ni de dis­soudre les gens (social, the people) – comme disait iro­ni­que­ment Brecht, bref cette vile popu­lace qui a ruiné bien des Républiques selon l’expression de Thiers –, mais bien de rendre plus effi­caces les ins­ti­tu­tions (l’économique et le poli­tique) issues de l’ancien monde.

Organisées en silos bureau­cra­tiques étanches, inca­pables d’assurer les régu­la­tions trans­ver­sales des divers inté­rêts contra­dic­toires pré­sents sur ces ter­ri­toires, ces ins­ti­tu­tions ont ren­forcé leurs pra­tiques rou­ti­nières et les logiques cor­po­ra­tistes sec­to­rielles. Ces ins­ti­tu­tions et les savoir-faire de leurs ser­vants sont deve­nus au fil du temps par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­ciles à adap­ter, à réfor­mer et à trans­for­mer pour en faire de véri­tables ser­vices publics au ser­vice du public.

Ces ins­ti­tu­tions, nous le voyons mieux aujourd’hui avec un pré­sident et un gou­ver­ne­ment déter­mi­nés à bous­cu­ler les choses, résistent à la loi et au décret. Déjà dans les années soixante, un socio­logue, Michel Crozier avait éta­bli qu’on ne gou­verne pas la société et ses ins­ti­tu­tions par décret. Qui s’en sou­vient ? L’histoire de l’aménagement de nos com­munes et de nos villes est l’histoire de l’intérêt bien com­pris à coopé­rer entre les acteurs par­fois en conflits devant débou­cher sur une meilleure inté­gra­tion de leur gou­ver­nance (ambi­tion des poli­tiques inté­grées de déve­lop­pe­ment sou­te­nable com­mu­nau­taire que prône l’Union euro­péenne depuis 1995).

Trois types de coopé­ra­tions majeures ont vu le jour suc­ces­si­ve­ment et coha­bitent : la coopé­ra­tion conflic­tuelle hori­zon­tale née à la fin du XIXe siècle, à qui l’on doit tous les grands équi­pe­ments et réseaux com­mu­naux et inter­com­mu­naux, la coopé­ra­tion conflic­tuelle ver­ti­cale, née dans les années soixante, une coopé­ra­tion multi-niveaux (poli­tique contrac­tuelle), la coopé­ra­tion conflic­tuelle trans­ver­sale, à tra­vers les silos, en cours depuis les années quatre-vingt-dix, la plus dif­fi­cile à mettre en œuvre et qui devrait être le cœur stra­té­gique de la poli­tique de la ville. Qui le sait vraiment.

Les différentes composantes d'une communauté-territoire

Les dif­fé­rentes com­po­santes d’une communauté-territoire

Convaincus de cela, les réfor­ma­teurs de l’époque, les com­mis­sions du Plan au niveau natio­nal, ou le mou­ve­ment asso­cia­tif au niveau local avaient com­pris qu’il fal­lait pro­cé­der autre­ment pour lever ces obs­tacles. Pour ce faire, ils pro­po­saient, comme dans les entre­prises, d’inventer de nou­veaux biens et ser­vices en met­tant en mode pro­jet les divers appa­reils pour remo­bi­li­ser autre­ment leurs forces vives anky­lo­sées, voire para­ly­sées par les routines.

La poli­tique de la ville avait pour objec­tif essen­tiel, nous l’avons oublié (voir rap­port Dubedout de 1984), grâce à ce mode pro­jet, sinon de lever ces obs­tacles ins­ti­tu­tion­nels, au moins de les contour­ner au mieux et, qui sait, de les sub­ver­tir dans une recherche d’efficacité créa­trice. Conspirateurs des réformes recherchent com­plices dans les ins­ti­tu­tions, disait-on !

Il fal­lait pour cela mobi­li­ser des pro­fes­sion­nels hybrides, des métis, des héré­tiques, des cli­ni­ciens, des jar­di­niers (les mes­na­gers d’Olivier de Serres [3], les mes­na­gères, aussi et sur­tout, termes à la racine de mana­ge­ment et d’aménagement), des pro­fes­sion­nel-les, chef-fes de pro­jet habiles à se fau­fi­ler dans les pro­cé­dures et à se jouer des impasses bureau­cra­tiques. Qui le sait, à l’heure où les bate­leurs poli­ti­ciens squattent les estrades du théâtre de la ville, au détri­ment de celles et ceux qui y vivent et y tra­vaillent en cher­chant à ini­tier de nou­veaux agen­ce­ments créa­tifs de valeurs plus sou­te­nables ins­crites dans des chaînes mondialisées.

Là est sans doute, en France, le vrai raté de la poli­tique de la ville et il est de taille ! Il tient au peu de consi­dé­ra­tions accor­dées aux com­mu­nau­tés rési­dentes, sou­vent des com­mu­nau­tés de migrants et leurs dia­spo­ras de diverses ori­gines géo­gra­phiques, qui vivent et irriguent ces ter­ri­toires plus que jamais bran­chés sur le monde, et plus encore, aujourd’hui, à l’heure d’internet. Ces ter­ri­toires que de brillants “experts” fran­çais avaient, un jour, décrété « encla­vés ». Dans ce mot tabou en France de com­mu­nauté, nous avons oublié ce que la “com­mu­nity” anglo­phone, tant valo­ri­sée ailleurs, y com­pris dans les autres pays fran­co­phones doit au vieux fran­çais “com­mu­nité” et com­mune, comme nous avons oublié ce que l’anglicisme “empo­werment”, dont on use et abuse désor­mais, devait au vieux fran­çais “empo­voir­ment” ou “empouair­ment”.

Bref, en France, nous pré­fé­rons ce pauvre mot alibi de « par­ti­ci­pa­tion » dans une poli­tique de la ville qui, en ces ter­ri­toires, nous l’avons dit n’est jamais vrai­ment entrée… en poli­tique. Les élu-es éta­tiques et locaux en charge de ces enjeux n’ont jamais consi­déré les habi­tants et les acteurs de ces quar­tiers comme étant capables d’élaborer et de mettre en œuvre des pro­jets de déve­lop­pe­ment. Une anec­dote révé­la­trice. Lors de la pro­gram­ma­tion euro­péenne 2014 – 2020, la Commission a pro­posé des finan­ce­ments valo­ri­sant le déve­lop­pe­ment local conduit par les com­mu­nau­tés (Community-led Local Developpement).

La France via la Datar, aujourd’hui le CGET, n’a pas retenu cette oppor­tu­nité sai­sie par d’autres pays, consi­dé­rant que de telles ini­tia­tives n’existaient pas en ce pays (sic) et qu’il n’y avait pas lieu de sol­li­ci­ter les finan­ce­ments euro­péens en la matière.

Grenoble-Alpes Métropole et ses com­munes n’ont pas fait le choix de s’appuyer sur les popu­la­tions rési­dentes de ces quar­tiers, sur leurs com­mu­nau­tés, sur les migrants et sur les dia­spo­ras qui y résident. Comment les élu-es et les tech­ni­ciens de la Métro peuvent-ils évo­quer les 40 000 habi­tants des deux Villeneuves, ce « futur » centre de la région rur­baine, sans jamais faire réfé­rence aux carac­té­ris­tiques anthro­po­lo­giques de leurs popu­la­tions ? D’où viennent-elles, qui sont-elles, que font-elles, com­ment envi­sagent-elles leur deve­nir et celui de leurs enfants ?

Comment peut-on envi­sa­ger le deve­nir d’un ter­ri­toire métro­po­li­tain en fai­sant une telle impasse sur une réa­lité qui s’exprime désor­mais en une cer­taine pusil­la­ni­mité, dans un débat où dominent expli­ci­te­ment les posi­tions régres­sives de la droite extrême et de l’extrême droite, bien inca­pables de défi­nir une pers­pec­tive pour ces territoires.

La seule pers­pec­tive est-elle, comme le sug­gère la loi Lamy, qui défi­nit les ter­ri­toires prio­ri­taires par leur niveau de pau­vreté, leur reva­lo­ri­sa­tion en fai­sant tabula rasa des immeubles occu­pés par les plus impé­cu­nieux et l’élimination de ce peuple de pauvres, soit en le recon­dui­sant à la fron­tière ou en le dis­sé­mi­nant dans la région rurbaine ?

Cette option a été ten­tée jadis dans les quar­tiers anciens des centres com­mu­naux (quar­tiers République, et Mutualité à Grenoble). Elle a été stop­pée en par­tie entre 1965 et 1983, au pro­fit de la conser­va­tion du cadre bâti et du main­tien sur place des popu­la­tions rési­dentes (Très-Cloîtres, Brocherie, Chenoise). L’ambition de la métro­pole gre­no­bloise serait-elle de rede­ve­nir le quar­tier géné­ral de la peti­tesse, qua­li­fi­ca­tif que lui attri­buait Stendhal ?

Manifestation culturelle internationale Arts Plastiques / parents enfants "La Grande Lessive" au sein de la crèche Mutualité à Grenoble le 23 mars 2017. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Manifestation cultu­relle inter­na­tio­nale Arts plas­tiques – parents enfants « La Grande Lessive » au sein de la crèche Mutualité à Grenoble le 23 mars 2017. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

Conclusion

La seule option désor­mais pos­sible pour la poli­tique de la ville est de faire ce qui a tou­jours été au cœur de l’histoire des cités, à savoir s’appuyer sur leurs forces vives, même sur celles les plus dépré­ciées aujourd’hui. N’en déplaise à celles et ceux qui, sous dif­fé­rents registres, ont peur d’être sub­mergé-es par les vagues migrantes, n’en déplaise à celles et ceux qui en parlent trop et mal et à celles et ceux qui n’en parlent plus, les villes fran­çaises et notam­ment Grenoble, ont vécu et ont sur­vécu grâce à ces flux de migrants, forces vives arri­vées adultes en ce pays, qui ne lui ont rien coûté et qui assurent, au quo­ti­dien, la pro­duc­tion de ses biens et ser­vices qui rebute tant les natio­naux au point qu’il y ait une pré­fé­rence aujourd’hui pour le chô­mage, le RSA ou les res­sources de l’économie de braconnage.

Forces vives aussi qui per­mettent le renou­vel­le­ment démo­gra­phique en sou­te­nant leur taux de nata­lité et leur solde natu­rel. Les villes qui l’ont oublié le paient d’un lent mais cer­tain déclin. Ce sont ces popu­la­tions migrantes et les dia­spo­ras, et notam­ment les femmes, daronnes et poto­mi­tans (mot haï­tien qui désigne le pilier cen­tral qui sou­tient la char­pente de la mai­son), figures géné­ra­le­ment négli­gées par les poli­tiques publiques à la fran­çaise, qui vont faire de ces ter­ri­toires délais­sés des com­mu­nau­tés-ter­ri­toires trem­plins pour nos métropoles.

L’avenir est à ces nomades-séden­taires, à cette géné­ra­tion de 30 – 45 ans, qui a l’âge de ces quar­tiers et qui en a appris tous les codes depuis le ber­ceau, nou­veaux codes de cette ville à venir qui nous échappent tota­le­ment. Les vrais res­pon­sables de pro­jets dans ces com­mu­nau­tés ter­ri­toires, ce sont eux et plus cer­tai­ne­ment… elles. Elles n’attendront pas qu’on leur donne l’autorisation de s’émanciper pour reprendre un mot-clé présidentiel.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est leur bré­viaire. « La loi n’a le droit de défendre que les actions nui­sibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empê­ché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » dit l’article 5. Dans un pays où les ins­ti­tu­tions ont ten­dance à consi­dé­rer que tout ce qui n’est pas auto­risé est inter­dit, cela valait d’être rappelé.

Et s’il venait l’idée à quelqu’un en ces bureau­cra­ties de les entra­ver, elles savent que « la société a le droit de deman­der compte à tout agent public de son admi­nis­tra­tion » (article 15 de la DDHC). Comme nous pou­vons le consta­ter à la lec­ture de ces quelques articles igno­rés et affi­chés en grand sur la façade de l’ODTI en plein cœur du QPV de Très Cloîtres, point n’est besoin d’un plan pour s’autoriser à agir. La poli­tique de la ville, c’est savoir s’autoriser.

Autorisons-nous sans attendre de sau­veur suprême mais aussi sans deve­nir la proie ou le jouet des bra­con­niers rur­bains dans ces ter­ri­toires qui ont ten­dance à échap­per aux ins­ti­tu­tions de la république !

Claude Jacquier, direc­teur de recherche hono­raire au CNRS et pré­sident direc­teur géné­ral de l’ODTI

[1] La mise en œuvre de la détaxa­tion des entre­prises en zones franches urbaines (taxe pro­fes­sion­nelle et coti­sa­tions sociales) a été déci­dée afin de main­te­nir les entre­prises dans les quar­tiers, d’en atti­rer de nou­velles et d’y favo­ri­ser l’offre d’emploi en direc­tion des habi­tants. Alors mis­sionné par la Commission natio­nale pour le déve­lop­pe­ment social des quar­tiers, dite Commission Dubedout, puis par la DIV sur les affaires euro­péennes concer­nant la poli­tique de la ville (Quartiers en Crise, Pic Urban, puis Urbact), j’avais sug­géré au délé­gué inter­mi­nis­té­riel à la ville, le pré­fet Francis Idrac (1994−96) de pro­cé­der tout autre­ment en exo­né­rant les habi­tants de ces quar­tiers de la taxe d’habitation, ce qui aurait pu, sinon faire reve­nir de nou­veaux ménages plus sol­vables, au moins arrê­ter l’hémorragie en assu­rant une reva­lo­ri­sa­tion des biens immo­bi­liers. Idrac m’avait alors répondu que c’était faire fi de l’égalité des citoyens devant l’impôt. À l’époque, on par­lait beau­coup d’entreprises citoyennes et je lui avais demandé ce qu’il pen­sait de cette inéga­lité devant l’impôt impo­sée aux autres entre­prises citoyennes. La cli­nique du Mail et d’autres entre­prises dans l’immeuble Cipra avaient béné­fi­cié des détaxa­tions et avaient alors sablé le cham­pagne. Que sont ces entre­prises et leurs emplois deve­nus sur ce quartier ?

[2] Rappelons ici que les cré­dits spé­ci­fiques de la poli­tique de la ville n’ont, en cumulé depuis les années quatre-vingt, guère dépassé les mon­tants consa­crés au ren­floue­ment du Crédit lyon­nais. Et ne par­lons pas des sommes gigan­tesques enfour­nées dans le règle­ment de la crise finan­cière de 2007 et au ren­floue­ment du sys­tème ban­caire. Le peuple des quar­tiers vaut moins que le people des action­naires. Too small to sur­vive ver­sus Too big to fail ! Autre slo­gan rénové de notre République ?

[3] Serres Olivier de (2001), Le théâtre d’agriculture et mes­nage des champs dans lequel est repré­senté tout ce qui est requis et néces­saire pour bien « dres­ser, gou­ver­ner, enri­chir et embel­lir la mai­son rus­tique », Actes Sud (édi­tion conforme à celle de 1804 – 1805, pre­mière édi­tion 1620)

Rappel : Les tri­bunes publiées sur Place Gre’net ont pour voca­tion de nour­rir le débat et de contri­buer à un échange construc­tif entre citoyens d’o­pi­nions diverses. Les pro­pos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opi­nions des jour­na­listes ou de la rédac­tion et n’engagent que leur auteur.

Vous sou­hai­tez nous sou­mettre une tri­bune ? Merci de prendre au préa­lable connais­sance de la charte les régis­sant.

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