FOCUS – Les salariés de l’Association de gestion des centres de santé grenoblois (Agecsa) manifestaient, ce jeudi 6 avril, devant son siège, galerie de l’Arlequin, pour dénoncer une baisse « brutale » de leur subvention départementale annuelle. Tout en contestant les chiffres, le Département assume de son côté cette réduction de subvention au nom de l’équité territoriale, et indique en outre avoir proposé à l’Agecsa de prendre en charge de nouvelles compétences.
C’est la colère et l’inquiétude qui prédominaient ce matin au siège de l’Association de gestion des centres de santé grenoblois (Agecsa), au 162 galerie de l’Arlequin à Grenoble. S’y étaient rassemblés dès 8 h 30 les salariés, mais aussi des usagers se sentant concernés. Une mobilisation qui aura attiré plus d’une centaine de manifestants.
La cause de leur mécontentement ? Une baisse de 70 % des subventions octroyées à l’Agecsa, qui gère cinq centres de santé dans les quartiers défavorisés de Grenoble. Le Département va en effet opérer une coupe massive dans sa subvention annuelle, qui passerait de « 548 491 euros en 2016 à 156 000 euros pour l’année 2017 ».
« Les salariés et usagers des centres de santé s’opposent fermement à cette baisse de subvention, qui met en danger le droit des habitants à recevoir des soins de qualité et accessibles financièrement », indiquent les contestataires.
La date et l’heure de cette manifestation devant le siège de l’Agecsa n’avaient quant à elles pas été choisies au hasard. Un conseil d’administration était en effet prévu ce jeudi 6 avril à 9 heures, l’idée étant pour les professionnels et leurs patients de faire entendre leur voix et d’être présents « pour accueillir les élus du Département à leur arrivée au conseil d’administration ». Mais les élus en question ne sont finalement pas venus…
Une baisse assumée au nom de l’équité entre les territoires
Frédérique Puissat, vice-présidente du Conseil départemental de l’Isère en charge de l’action sociale et des solidarités, ne reconnaît pas les chiffres avancés. Elle évoque pour sa part un budget annuel de 525 000 euros qui passerait à 363 000 euros.
Subtilité de calcul ? Philippe Pichon, médecin de l’Agecsa et membre de sa commission médicale d’établissement, y voit surtout des « chiffres tordus ». Il indique ainsi que la vice-présidence inclut dans son calcul le budget alloué à de nouvelles missions proposées à l’Agecsa. Mais la subvention annuelle initiale, affirme t‑il, est bel et bien de 156 000 euros.
Frédérique Puissat assume par ailleurs ce choix de baisse de subvention au nom de l’équité entre les territoires : « Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avions une ligne de 525 000 euros pour quatre centres de santé de Grenoble, et une ligne de 50 000 euros pour tout le reste du département… », explique-t-elle.
« Il y a des personnes en grande précarité sur Grenoble, mais il y en a aussi sur Fontaine, sur Vienne, sur Bourgoin-Jallieu et dans d’autres secteurs ruraux ! », insiste la vice-présidente.
Et Frédérique Puissat d’annoncer un plan pour « aider tous les territoires à pouvoir soit garder, soit recruter des médecins », prévu pour janvier 2018. Un plan qui « nécessitera des financements et une reventilation sur tout le département de l’Isère ».
De nouvelles compétences pour l’Agecsa ?
L’Agecsa s’est donc vu proposer par le Département de prendre en charge de nouvelles compétences. À savoir la réalisation des bilans de santé pour les enfants confiés au titre de la protection de l’enfance, ainsi que pour les mineurs non accompagnés.
« Nous sommes en discussion avec l’Agecsa : nous leur avons fait une proposition et nous avons rendez-vous avec eux en mai pour voir s’ils acceptent de le faire », assure Frédérique Puissat.
« Pourquoi pas ? », répond Philippe Pichon, tout en se montrant très réservé. « Combien de consultations, combien d’enfants ? Est-ce qu’on les voit dans nos centres, dans des lieux de vie ? Ce sont des publics que nous avons l’habitude d’accueillir, de prendre en charge, en concertation avec des équipes éducatives, mais quelles modalités ? On ne le sait pas ! »
Autre compétence proposée : le suivi santé des allocataires du RSA de Grenoble, dans le cadre de la mission d’insertion du Département (voir encadré). Là aussi, Philippe Pichon s’interroge. « On nous propose une ligne budgétaire de 47 000 euros pour faire de l’accompagnement des allocataires du RSA. Une fois encore, on ne sait pas exactement quoi, et le peu qu’on en comprend, ça revient à payer une activité médicale à 11 euros de l’heure… »
« Rediscuter pour y voir un peu plus clair »
Par la voix de Philippe Pichon, l’Agecsa s’interroge également sur le calendrier proposé par le Département. « Mme Puissat dit que l’on en rediscute au mois de mai, sauf que le budget est pour 2017… Si l’on se met d’accord en mai, le temps que l’on implémente et mette en place les procédures, nous allons commencer à travailler quand ? En septembre ? Et nous devrions générer 160 000 euros de prestations sur trois mois ? »
« Il y a un peu de colère là-dedans, ajoute avec un certain sens de l’euphémisme Philippe Pichon. La proposition de travailler avec eux, nous l’avons faite en février 2016, et nous voyons arriver en mars 2017 quelque chose qui n’a pas été travaillé en amont et qui fragilise de façon majeure notre public. »
Et Philippe Pichon de plaider en faveur d’un dialogue… rapide. « Ce que nous voulons, c’est rediscuter avec M. Barbier [président du Département, ndlr], Mme Puissat et les autres élus membres du comité d’administration, mais assez rapidement, que l’on y voie un peu plus clair ! Sachant que même 363 000 euros représentent une baisse conséquente, surtout avec des missions supplémentaires… »
L’unanimité des membres du conseil d’administration présents ce jeudi matin a refusé de voter le nouveau budget corrigé. Outre l’interpellation publique, dans la rue comme dans les médias, l’Agecsa a diffusé deux pétitions. L’une, en format papier présente dans les centres de santé, a déjà recueilli plus de 1 150 signatures. L’autre, en ligne sur le site Avaaz, en compte à l’heure actuelle plus de 1 250.
Florent Mathieu
LE BUDGET DE L’OISEAU BLEU DE NOUVEAU AMPUTÉ ?
La proposition faite à l’Agecsa de prendre en charge le suivi de santé des allocataires du RSA de Grenoble n’est pas sans conséquences sur une autre association. En effet, ce suivi serait retiré au Pops, structure émanant de l’Oiseau bleu, association sociale de Gières.
Un retrait qui entraînerait incidemment une baisse des subventions allouées à l’association. Frédérique Puissat le concède : « Ils ne seront pas contents, mais on sort les Grenoblois du dispositif pour aider l’Agecsa. Nous aidons l’Oiseau bleu sur plusieurs dispositifs mais les budgets ne sont malheureusement pas extensibles ! »
En 2016, le Salto, autre structure de l’Oiseau bleu assurant un accompagnement global des personnes sans logement, avait déjà vu sa subvention réduite de manière importante par le Département. Ses salariés et leurs soutiens avaient organisé une soupe solidaire devant l’Hôtel du département. En attendant celle du Pops dans les mois à venir ?