FOCUS – Après la victoire surprise de François Fillon au premier tour de l’élection primaire de la droite et du centre, les états-majors s’organisent et s’observent. À l’orée du deuxième tour, le ton de la campagne s’est singulièrement durci. De quoi faire réagir les soutiens isérois des deux candidats restant encore en lice.
Les urnes ont parlé ce dimanche 20 novembre. Contre toute attente, François Fillon, l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy est parvenu à s’imposer avec 44,1 % des voix lors du premier tour de la primaire de la droite et du centre. Il caracole ainsi très largement en tête devant ses poursuivants, après un combat des chefs où on le donnait – notamment dans les sondages – pour battu.
Plus de quatre millions de Français ont voté
Une confrontation où il a dû ferrailler contre les argumentaires très droitiers fourbis par Nicolas Sarkozy, l’ancien président de la République et ceux, plus pondérés, du maire de Bordeaux, Alain Juppé. Ce dernier, en appelant quant à lui au rassemblement, avait peut-être comme arrière-pensée d’attirer à lui les suffrages de la droite modérée et du centre. Avec le résultat que l’on sait.
Autre surprise de ce premier scrutin : la participation qui a poussé plus de quatre millions de Français à se rendre dans les bureaux de vote pour exprimer leurs suffrages.
Toujours est-il qu’une fois la première surprise du dépouillement passée, le score inattendu de François Fillon a quelque peu bousculé les états-majors des candidats, qu’ils soient sortis en tête du scrutin ou bien recalés. En l’occurrence, leurs courroies de transmission en Isère, leurs soutiens ou porte-parole de la première heure qui, bien que parlant en leur nom, donnent aussi en filigrane leurs consignes pour le deuxième tour. C’est notamment le cas de Matthieu Chamussy, conseiller municipal Les Républicains et soutien de Bruno Le Maire.
Mais aussi de Jean-Pierre Barbier, le président du département de l’Isère, qui soutenait quant à lui Nicolas Sarkozy. Les deux hommes ont annoncé très vite et sans ambiguïté aucune leur ralliement au camp de François Fillon. Matthieu Chamussy se félicitant même « d’avoir la chance d’avoir à choisir entre deux hommes d’État » au second tour.
« Nous sommes dans une situation proche de l’explosion »
« Arriver en tête et avec un écart aussi important a été une véritable surprise », confie quant à lui le sénateur de l’Isère Michel Savin, qui soutient François Fillon. Il balaie l’assertion selon laquelle son poulain aurait pu bénéficier de voix d’extrême droite. « J’entends ce discours depuis quarante-huit heures, s’agace le sénateur […] La position de François Fillon est très claire, il combat les idées du Front national. » Pour lui, rien de choquant à ce que certains partisans des extrêmes, de gauche comme de droite, soient venus participer à cette primaire.
« Ce qui me choque le plus, ce sont ceux qui affichent un engagement politique à gauche, qui disent qu’ils vont voter en 2017 pour un candidat de gauche et qui viennent voter à cette primaire […], ce n’est pas réglo ! », tacle Michel Savin.
Quant à la politique d’austérité, que prône François Fillon – politique critiquée, entre autres détracteurs, par son rival et que d’aucuns comparent avec celle qu’a menée en son temps Margaret Thatcher au Royaume-Uni –, Michel Savin estime qu’elle est plus que nécessaire. « Vous pensez qu’aujourd’hui la situation du pays n’est pas catastrophique ? […] Nous sommes dans une situation proche de l’explosion […] Les mesures que propose François Fillon sont des mesures courageuses. Il ne raconte pas que tout va bien et qu’on va raser gratis ! », s’enflamme le sénateur.
Des ralliements dus au « brutal changement de stratégie d’Alain Juppé »
A l’orée du second tour, Michel Savin se montre réservé. Point de triomphalisme, pas plus que de pronostics sur les chances qu’a son candidat de l’emporter. « Je suis toujours très méfiant et concentré entre deux tours d’une élection. Il y a un mois, personne n’aurait parié un centime sur François Fillon qu’il arrive au second tour et soit en tête », expose Michel Savin. Qui ne manque pas de souligner que les ralliements autour de sa candidature sont de plus en plus nombreux.
« Ceux des candidats [Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, Frédéric Poisson, ndlr] mais aussi ceux de personnalités qui viennent du centre, notamment Hervé Morin du Nouveau Centre, de beaucoup de parlementaires UDI et même, en Isère, des conseillers régionaux UDI et Société civile Lionel Filippi et Sandrine Chaix ou encore du maire de Sassenage Christian Coigné », énumère Michel Savin.
La raison de ces récents retournements ? « Toutes ces personnes sont très déçues du brutal changement de stratégie dans lequel s’inscrit Alain Juppé depuis bientôt le début de la semaine », explique, navré, le sénateur. Qui convient néanmoins « qu’il a commencé à calmer le jeu ».
« Maintenant, ce sont deux projets qu’il faut comparer »
Le candidat Alain Juppé a obtenu 28,6 % des suffrages à l’échelon national. Avec un tel écart de voix avec son concurrent, le deuxième tour serait-il perdu d’avance pour le maire de Bordeaux ? Richard Cazenave, conseiller municipal Les Républicains et député honoraire, son porte-parole en Isère, n’est pas de ceux qui partent perdants.
« Le deuxième tour c’est une autre élection, sinon il fallait ne faire qu’un tour ! Maintenant, ce sont les deux candidats restants qui sont sous le feu des projecteurs. Ce sont deux projets qu’il faut comparer en rétablissant les vérités, en soulignant les différences », explique l’élu.
Alain Juppé (au centre) en grande conversation avec Matthieu Chamussy et Richard Cazenave. © Alain Thiriet
Mais pas seulement. « Il faut également alerter sur les risques du projet concurrent ! Si les projets ne sont pas si différents dans leur nature, ils le sont dans le degré de décision », complète le porte-parole d’Alain Juppé.
Un exemple ? « Nous considérons comme étant inapplicable l’idée de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires.
C’est malheureusement dans la continuation d’une tradition bien française que de promettre des choses qui ne pourront pas être tenues », se désole Richard Cazenave. Pour ce dernier, ce sont autant de doutes et d’ombres portées sur l’ensemble du programme de François Fillon. « Pour nous, ce programme risque de mettre en péril le nécessaire réarmement de notre chaîne sécuritaire car il nous faut recruter des magistrats, des policiers, des gendarmes, des soldats… », ajoute, inquiet, Richard Cazenave.
« Les programmes ? Personne ne les lit ! »
Pour la suite ? Là non plus, pas de projection hasardeuse. « Les pronostics ne sont pas, a priori, favorables mais l’on s’est aperçu que les électeurs s’emploient à les démentir. Je ne sais pas quelle sera l’issue… Ce que je sais, c’est que le débat est utile parce qu’il ne s’agit pas d’aller à la présidentielle avec un projet qui nous mette en situation de faiblesse pour gagner cette élection », commente le porte-parole.
L’occasion aussi pour Richard Cazenave d’exprimer une certaine amertume. À son sens, dans cette élection, on ne débat pas assez, voire pas du tout, sur le fond, regrette-t-il.
« Les programmes ? Personne ne les lit ! Et après on raconte que les politiques sont superficiels. Mais c’est le jeu médiatique qui est superficiel ! », s’indigne l’élu.
« Total : on va encore mettre en place un mec qui, avec Sarkozy, avait promis monts et merveilles, qui n’avait rien foutu et on recommence ! », s’emporte Richard Cazenave, qui avoue pour le coup être un peu énervé. « Nous sommes vraiment trop c… nous les Français, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise… », conclut-il, cette fois-ci complètement dépité.
Joël Kermabon