REPORTAGE VIDÉO – Sciences Po Grenoble organisait, ce mardi 3 mai, son deuxième « grand oral » du maire de Grenoble, Éric Piolle. Durant deux heures, six universitaires lui ont posé des questions concernant plus spécifiquement « des éléments de débat public peu couverts dans les médias ». L’idée sous-jacente ? Mettre le doigt sur les difficultés ou les manquements observés au cours du mandat de l’édile ces deux dernières années.
« Vous avez rappelé l’historique mais la réponse se fait attendre ! La question que vous posait le professeur était bien posée, alors qu’est-ce que vous proposez comme option ? », relance Richard Monvoisin, l’un des six membres du jury qui enseigne la Pensée critique à l’Université de Grenoble. Éric Piolle accuse à peine le coup, malgré quelques rires dans l’assistance, et corrige illico le tir en réponse à cette première question. La première des six de ce deuxième grand oral organisé au théâtre municipal par Sciences Po Grenoble, en partenariat avec l’Université Grenoble-Alpes.
Eric Piolle est alors interrogé par Ollivier Taramasco, professeur en gestion au Centre d’études et de recherches appliquées à la gestion (Cerag), sur les emprunts toxiques souscrits par la ville de Grenoble et la Métropole. Quelles alternatives choisirait-il ? Attaquer les banques en justice ou bien utiliser le fonds de soutien aux emprunts à risque mis en place par l’État ?
Un nouveau format pour ce grand oral
Grande nouveauté apportée au format du grand oral cette année : les relances de la part du jury. De fait, Sciences Po a revu sa copie après les critiques de la première édition portant notamment sur la longueur de l’exercice et l’impossibilité d’interrompre le maire. Ce qui lui laissait toujours le dernier mot.
« L’idée, c’est d’avoir beaucoup moins de questions. L’année dernière, il y en avait onze et nous avions un peu assommé le public sur la fin. Cette année, il n’y en que six », explique Raul Magni-Berton, enseignant-chercheur à Sciences Po Grenoble et modérateur de la soirée.
Autre innovation, la présence d’un « inter-jury ». Composé de membres issus de la recherche universitaire, ce dernier avait la possibilité d’interrompre le maire pour lui demander des précisions ou le relancer. Une possibilité qu’étrangement n’avait pas l’intervenant qui posait sa question.
Un joker utilisé sur les trois possibles
En cas de panne, trois « jokers » permettaient au maire de demander à un membre de son équipe de répondre à sa place. Eric Piolle n’en a finalement fait usage qu’une fois, lors de la question sur le logement et la précarité, où Alain Denoyelle, conseiller municipal délégué à l’action sociale, a pris le relais.
Après chaque question, jury et public distribuaient bons et mauvais points sous la forme de cartons verts et rouges.
Avec deux questions à chaque fois pour le public : “La réponse du maire est-elle convaincante ?” et “Êtes-vous d’accord avec cette même réponse ?” « Une nuance qui a son importance » selon Raul Magni-Berton, qui a précisé à l’assistance, hilare : « On peut ne pas être convaincu par la réponse mais néanmoins être d’accord… ou inversement ».
Quid des six questions posées par les six experts universitaires ? Outre qu’elles recouvraient un champ très large, elles étaient très anglées, précises et, comme on pouvait s’y attendre de la part des têtes pensantes de Science Po, très étayées, fruits d’analyses souvent techniques.
Les thématiques abordées ? Le logement et la précarité, le patrimoine, l’eau potable, l’innovation, la police et la sécurité et les emprunts toxiques. Une particularité cependant, Sciences Po Grenoble a tenu à faire en sorte qu’elles concernent plus spécifiquement « des éléments de débat public peu couverts dans les médias ». Une manière de promouvoir l’utilité de l’Université « dans son rôle de diffusion des connaissances et d’analyse des enjeux politiques, économiques, sociaux ou juridiques », explique l’institut.
« Je trouve qu’il y a beaucoup de verbiage »
L’élu a été interpellé à plusieurs reprises par le jury sur certaines « circonvolutions » rhétoriques – dixit l’un de ses membres – empruntées par ses réponses. Mais aussi sur le manque de précision de certains de ses arguments. De fait, l’élu s’est pris quelques cartons… rouges. En particulier sur la question concernant le logement et la précarité. Et ce, autant par le jury que par le public.
Au nombre des reproches du jury sur cette réponse du tandem Éric Piolle – Alain Denoyelle (son joker) : « Je trouve qu’il y a beaucoup de verbiage », « Vous avez répondu à une question qui ne vous était pas posée »…
Raul Magni-Berton, en bon modérateur, a calmé le jeu : « C’était une question difficile et la réponse était difficile. »
Une opinion confirmée par un autre membre du jury, Gioacchino Viggiani, professeur en mécanique au laboratoire Sols, Solides, Structures – Risques (3SRs). Le professeur a ainsi déclaré avoir apprécié la franchise du maire quand ce dernier a affirmé : « C’est un sujet où la municipalité est objectivement en difficulté. »
« Nous n’avons pas vraiment eu le temps de préparer grand chose ! »
Au final, les cartons verts ont, cette fois encore, eu le dessus, Éric Piolle n’ayant pas réellement été mis en difficulté par ses interrogateurs. Ce n’était d’ailleurs manifestement pas leur but et le fait qu’il soit possible de relancer le maire a nettement contribué à fluidifier et enrichir les échanges.
Les questions lui avaient-elles été communiquées à l’avance ? Éric Piolle répond par la négative. « Nous avons juste reçu la veille un mot mentionnant les grandes lignes qui seraient abordées : patrimoine, logement sécurité… Nous n’avons pas vraiment eu le temps de préparer grand chose ! », assure-t-il.
À l’issue de ces deux heures de grand oral, Éric Piolle nous livre quelques impressions.
Reportage Joël Kermabon
D’autres grands oraux à suivre
« C’est une belle réussite ! », se félicite Jean-Charles Froment, le directeur de Sciences Po Grenoble, qui ne manque pas d’idées pour la prochaine édition. « Nous allons voir, au chapitre des questions qui ont été posées, comment l’élargir [le grand oral, ndlr] et encore plus mobiliser la communauté universitaire », ajoute-t-il. « C’est dans la régularité, sur le temps long qu’il faut agir. Ce qui nous permettra, d’autant plus, de suivre l’évolution des propos du maire et de pouvoir aussi le questionner sur cette évolution-là », conclut Jean-Charles Froment.
Premier bilan, à chaud, de la soirée.
Reportage Joël Kermabon
Joël Kermabon
N.B. : L’intégralité du grand oral 2016 sera prochainement disponible en vidéo sur la chaine Youtube de Science Po Grenoble.
NUIT DEBOUT : L’INVITÉ SURPRISE
Nuit debout – ou plutôt devrait-on dire les Poètes debout – s’est invité au grand oral de Sciences Po.
Le petit groupe a en effet tenu à lire un poème rédigé collectivement devant l’assistance, en prologue de la soirée. Avant d’inviter le public à rejoindre l’assemblée populaire de Nuit debout tous les soirs à 18 heures, puis de s’éclipser sous les applaudissements nourris du public.