FOCUS – Passation de pouvoir à la tête de la fédération iséroise du Front national. Thibaut Monnier remplace Mireille d’Ornano aux manettes, suite à son “éviction”. Une mise à l’écart consécutive au soutien assumé de la secrétaire départementale à Jean-Marie Le Pen lors de l’hommage rendu à Jeanne d’Arc le 1er mai dernier. Une attitude analysée comme une manifestation d’hostilité envers la branche du parti incarnée par Marine Le Pen.
Mireille d’Ornano et Thibaut Monnier. © Joël Kermabon – Place Gre’net
« Mon “éviction” » n’en est pas une dans le sens où, de toute façon, je devais passer la main dans les six mois. C’était dans les tuyaux que Thibaut me remplace », se défend Mireille d’Ornano, députée européenne et désormais ex-secrétaire départementale du Front national de l’Isère. Celle qui, durant six ans, a tenu les rênes du parti de Marine Le Pen en Isère se voit contrainte de rendre son tablier.
C’est ainsi que, ce lundi 9 mai, Mireille d’Ornano a transmis le témoin des responsabilités frontistes départementales à son successeur, Thibaut Monnier, ex-secrétaire départemental du Front national du Jura.
Un grave manquement aux consignes du parti
Une phraséologie à la limite de l’esquive, peut-être une manière de noyer le poisson, de rendre les choses plus dicibles ? Toujours est-il que ce 1er mai, Mireille d’Ornano était bien présente place des Pyramides à Paris, aux côtés d’autres cadres fidèles à Jean-Marie Le Pen lors de son hommage à Jeanne d’Arc. Ce qui n’a pas eu l’heur de plaire aux instances dirigeantes du parti, tout particulièrement à Marine le Pen, sa présidente.
Mireille d’Ornano et Thibaut Monnier. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Un grave manquement aux consignes qui a coûté son poste au cadre frontiste. « Je ne suis pas exclue du Front national mais mise hors jeu », précise encore l’élue.
Mireille d’Ornano abandonne donc les manettes beaucoup plus précipitamment que prévu. Pourquoi l’eurodéputée devait-elle de toute façon passer la main ? En raison des nouvelles directives édictées par le Front national.
« La règle veut qu’un secrétaire départemental reste cinq ans et puis on en change. Il faut aussi du sang neuf, du renouvellement et je crois pour ma part que c’est bien », tente de se rassurer Mireille d’Ornano. De fait, après quinze années dans les Alpes de Haute-Provence et six autres en Isère, la députée européenne, qui aura bientôt 65 ans, décrit un poste usant. « Cela demande énormément de travail, surtout dans une très grosse fédération comme celle de l’Isère qui comprend dix circonscriptions », témoigne-t-elle.
« Je savais à quoi je m’exposais »
En participant à cet événement, Mireille d’Ornano savait à quoi elle s’exposait. « Je savais ce que je faisais en allant avec Jean-Marie Le Pen. Jean-Marie le Pen, pour moi, c’est honneur, fidélité, loyauté et gratitude », explique-t-elle. L’expression d’une vraie reconnaissance « pour cet homme qui m’a permis pendant trente ans à ses côtés d’avoir été élue à trois reprises conseillère régionale et une fois parlementaire européen ». Et d’ajouter, manifestement émue : « Je me devais d’être près de lui pour, peut-être, son dernier hommage à Jeanne d’Arc et je ne me voyais pas faire autrement. »
Statue de Jeanne d’Arc sur la place des Pyramides à Paris. © François Trazzi
La responsable politique a même pris soin d’informer Marine le Pen de ses intentions par SMS. Dans sa réponse, qui ne s’est pas fait attendre, la présidente n’y est pas allée par quatre chemins : « Mireille, ta présence au discours politique que tiendra Jean-Marie Le Pen sera évidemment analysée comme une hostilité au Front national et à sa présidente. C’est également ainsi que l’entendront les adhérents du FN et les électeurs qui t’ont élue ».
Une décision que Mireille D’Ornano respecte et ne conteste pas. « Nous sommes un parti d’ordre. J’ai évalué le risque et je ne regrette pas mon attitude », affirme-t-elle. Pour autant, elle n’en avoue pas moins regretter que Marine Le Pen n’ait pas compris le sens de sa démarche. « On ne peut pas jeter le bébé et l’eau du bain. C’est toute une histoire, le Front national ! Mais je suis un bon soldat et je resterai jusqu’à ce qu’elle gagne. » Et l’élue frontiste d’ajouter, sans rancune et comme pour se persuader : « Je sais qu’elle sait qu’elle peut compter sur moi, même s’il s’est passé tout ça ».
Thibaut Monnier à la barre de la fédération de l’Isère
Place aux jeunes ! Le parti a besoin de nouvelles énergies car il y a du pain sur la planche pour préparer les élections présidentielle et législatives. C’est donc le secrétaire départemental de la fédération du Jura Thibaut Monnier, 29 ans, diplômé en Droit immobilier et en Relations internationales formé à Saint-Cyr, habitant depuis peu à Vienne, qui sera à la barre du FN 38 dès la fin du mois de mai.
Thibaut Monnier. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Parmi ses autres casquettes, celles de conseiller régional de l’Allier à la région Rhône-Alpes-Auvergne – où il avait été quelque peu parachuté par les instances du FN – et de secrétaire général du collectif des Jeunes patriotes actifs Audace.
Thibaut Monnier ne débarque pas en terra incognita. « Je connais très bien le département que j’ai sillonné en tous sens au cours de mes activités professionnelles [promotion immobilière, ndlr]. Je connais très bien les maires de l’Isère et j’ai une lecture politique et économique du département assez intéressante », se fait fort de préciser le nouveau secrétaire départemental.
« Je serai d’ailleurs candidat à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) pour les prochaines élections consulaires de juin », précise-t-il, démontrant ainsi son implication dans le tissu économique local. Sur le plan politique, ses récentes activités dans le cadre de la région lui ont permis de connaître les élus régionaux du Front national ainsi que leurs lieutenants locaux.
« Je serai candidat aux législatives de 2017 »
Le nouveau secrétaire se dit être déjà très actif. « Nous présenterons le nouveau bureau avec les fonctions de chacun et ses objectifs extrêmement précis avant la fin du mois », annonce Thibaut Monnier. « Nous avons un planning d’activités extrêmement chargé. J’ai déjà réuni le bureau pour planifier les objectifs et les actions. Notamment la communication des noms des candidats aux législatives, leur préparation, leur formation », explique-t-il, tout en précisant que cela ne se fera pas avant la rentrée.
Une chose est sûre, cependant, Thibaut Monnier sera candidat aux élections législatives de 2017. « En tant que responsable de la fédération de l’Isère, je me dois de donner l’exemple. Ma formation à Saint-Cyr m’a appris que la seule autorité ne passe que par l’exemplarité du chef », explique-t-il. Et de poursuivre, surfant sur l’analogie militaire : « Si je ne me présente pas, comment mobiliser les troupes et les coordonner ? », questionne le secrétaire départemental.
Un grand meeting avec une personnalité du parti
Dans ses cartons, est également prévu « un grand meeting avec une personnalité du parti ». Marine Le Pen ? Pas sûr, et ce pour des questions d’agenda. « Ce sera vraisemblablement Marion Maréchal-Le Pen, une amie qui m’est chère, qui me fera ce plaisir de venir nous rendre visite », se réjouit-il à l’avance. « Nous nous connaissons bien. Elle m’a beaucoup aidé dans le cadre de la création du collectif Audace. Et, encore tout récemment, sur la rédaction des amendements relatifs à la loi El Khomri », précise-t-il.
Le groupe FN lors du conseil municipal du 18 avril 2016. Mireille d’Ornano et Alain Breuil. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Au nombre de ses autres projets pour la fédération frontiste départementale, la création d’une toute nouvelle structure.
« Ce sera le bureau des élus qui rassemblera nos élus isérois. Son rôle ? Produire des communiqués sur les questions de politique locale sur lesquelles le parti ne tranche pas au niveau national, comme par exemple le Center Parcs », explique Thibaut Monnier. Une structure dont il pense confier la présidence… à Mireille d’Ornano.
« Cela va être mon travail que d’être dans la continuité du travail effectué par Mireille d’Ornano. Je me dois de trouver les pépites locales pour relever la bannière. J’aurai à cœur d’aller les chercher partout dans le département ». Mais attention ! Pas de faux pas pour l’ancien élève de Coëtquidan. « Je reprends le flambeau en Isère. J’exécuterai les injonctions de la présidente », affirme-t-il martialement.
Joël Kermabon