FOCUS – Installé depuis le 9 avril sur le parvis de la MC2 Grenoble avec la bénédiction de la majorité d’Éric Piolle, le mouvement citoyen Nuit debout poursuit son occupation pacifique du domaine public. Une situation qui ne manque pas de faire réagir les oppositions municipales.
« C’est parce que je suis l’adjointe à la tranquillité publique que j’ai autorisé l’occupation du domaine public. Il n’y a pas de soucis sur le site, les organisateurs sont tout à fait conscients du voisinage, l’espace d’occupation est bien tenu et il n’y a pas de difficultés notables ». Tel est le constat que dresse Élisa Martin, première adjointe en charge de la tranquillité publique.
Cette dernière se rend quasi quotidiennement sur le site du parvis de la MC2 où la mouvance Nuit debout, autoproclamée « mouvement citoyen », a pris ses quartiers depuis le 9 avril dernier.
Des visites discrètes mais néanmoins attentives, selon l’élue, où le dialogue avec les occupants reste « permanent et constructif ». Une posture bienveillante qui n’est pas vraiment du goût de tous, en particulier des groupes Les Républicains – UDI – Société civile et Front national.
Une autorisation limitée dans le temps
« C’est une autorisation de police administrative, elle est donc forcément limitée dans le temps », indique Élisa Martin. Qui souligne que ce sont les occupants qui décideront de la suite du mouvement.
« C’est eux qui vont décider du rythme et des moyens dont ils se dotent pour essayer d’élargir le cercle de discussions avec les Grenoblois. C’est eux qui décident ce qu’ils vont faire et comment ils ont envie de le faire », ajoute-t-elle.
De fait, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’autorisation municipale a été une nouvelle fois prolongée. Elle parviendra à son terme ce vendredi 22 avril.
Élisa Martin revient sur la position de la majorité municipale concernant l’occupation de l’espace public de la MC2 et sur l’intérêt, plus ou moins affiché, que le groupe majoritaire porte à ce mouvement citoyen.
Un soutien appuyé donc ? L’élue tempère. « Sans dire que nous encourageons ce mouvement, nous le saluons, ça c’est certain ! Nous en sommes heureux et on s’en nourrit mais… en restant à notre place », conclut Élisa Martin.
« Ce n’est pas aux Grenoblois de financer tout ça ad vitam æternam »
C’est devenu un peu comme une antienne. Les élus de l’opposition, notamment celle de gauche, n’ont pas été tenus au courant comme ils auraient du l’être. C’est du moins ce que relève, dans un premier temps, Jérôme Safar, le président du groupe Rassemblement de gauche et de progrès. « Nous n’avons pas eu la copie des arrêtés municipaux donnant l’autorisation de campement, ainsi que celles qui concernent les liaisons eau et électricité », constate l’élu.
Quant à la gestion des déchets, il se montre quelque peu inquiet : « On ne sait plus très bien s’il y a du ramassage d’ordures tous les jours ou pas. Bref, ce n’est pas très clair », ajoute-t-il.
Des considérations plutôt administratives, somme toute. Mais l’élu revient derechef sur le terrain politique. « Il va falloir que l’on regarde précisément quel est l’intérêt municipal à tout ça parce qu’il ne faut pas faire n’importe quoi », s’inquiète Jérôme Safar.
« Moi, je dis attention ! La récupération politique serait une très mauvaise idée et ce n’est pas aux Grenoblois de financer tout ça ad vitam æternam », lance l’élu. Si la finalité de Nuit debout ne lui saute pas aux yeux, le mouvement suscite chez lui une certaine curiosité et il juge les questions posées légitimes.
« Je m’interroge sur cette décision prise en catimini »
« Je viens d’écrire à Éric Piolle, le maire de Grenoble, pour lui demander quels sont les critères qui ont présidé à sa décision de financer ce rassemblement sur des fonds publics, avec l’argent des Grenoblois », annonce Matthieu Chamussy, le président du groupe Les Républicains – UDI – Société civile. L’élu de droite s’insurge, tout comme Jérôme Safar, contre la méthode employée par la majorité municipale : « Je m’interroge sur cette décision prise en catimini, qui ne fait pas l’objet d’une délibération du conseil municipal de ce soir [lundi 18 avril 2016, ndlr]. »
Matthieu Chamussy dénonce une décision que le maire de Grenoble aurait prise « tout seul, dans son coin », surprenante pour « un homme qui se réclame du débat ».
Mais c’est surtout sur le choix des critères qu’il enfonce le clou. « Si demain, d’autres rassemblements porteurs d’idées différentes de celles d’Éric Piolle s’organisent, est-ce qu’il prendra les mêmes décisions ? »
« J’ai bien noté que plusieurs adjoints d’Éric Piolle étaient présents dans les manifestations, qu’il était lui-même présent dans une assemblée générale et qu’il y avait pris la parole. » Autant de signes révélateurs, à son sens, d’une tentative de « récupération politique à des fins électorales ». Une attitude choquante pour l’élu.
Quid de la finalité du mouvement ? Matthieu Chamussy reste circonspect, c’est le moins que l’on puisse dire, en pointant une certaine « dérive » et une vision déformée de la liberté de parole et la démocratie chez les partisans de Nuit debout.
« On sent bien qu’ils aiment un peu souffler sur les braises ! »
Le Front national, quant à lui, n’est guère surpris du soutien apporté par l’équipe d’Éric Piolle au rassemblement devant la MC2. « Cela ne nous étonne pas spécialement. Il est clair que la municipalité est dans une opposition virulente à tout ce qui se fait, à toutes les choses un tant soit peu organisées. On sent bien qu’ils aiment un peu souffler sur les braises ! », déclare Alain Breuil, conseiller municipal du groupe Front national.
« On l’a bien vu lors de certains conseils municipaux lorsqu’ils ont laissé parler une fois les Roms, une autre fois les mal logés… C’est vrai que c’est dans leur attitude politique », tance l’élu frontiste.
Laissant la rhétorique de côté, Alain Breuil n’y va pas par quatre chemins : pour lui, passer une nuit debout n’est pas forcément pénible pour des gens visiblement bien peu fatigués par le travail. L’élu s’interroge également sur les objectifs du mouvement.
Joël Kermabon