ENTRETIEN - Pour respecter les normes de la qualité de l'air à Grenoble, il faudrait bannir tous les véhicules diesel d'avant 2006. Et restreindre circulation et stationnement sur un territoire courant de la Presqu'île au campus universitaire et de l'Isère à la rocade Nord… Aux grands maux les grands remèdes ? Grenoble va cet automne tester l'éco-pastille automobile. Mais pour être efficace, le dispositif doit être progressif, accompagné et bien contrôlé, prévient le politologue spécialiste des questions climatiques Stéphane La Branche.
Chercheur associé au laboratoire Pacte de Grenoble, Stéphane La Branche est un des spécialistes en France de la gouvernance énergétique et climatique.
Coordinateur de la chaire Planète énergie climat de l’IEP de Grenoble, cet enseignant-chercheur québecois est également un des membres du Giec en 2013-2014. Ce « climatologue de la société » s’intéresse plus particulièrement aux freins, obstacles et moteurs de changement institutionnel et de changement des comportements face au changement climatique.
L’occasion de se pencher avec lui sur la question des mobilités et des transports sous un angle climatique.
Les certificats de la qualité de l’air expérimentés cet automne à Grenoble visent les véhicules les plus polluants avec, en vue, des restrictions de circulation et de stationnement. Contraindre plus qu’inciter. N’a-t-on pas le choix ?
La qualité de l’air n’est pas une question d’environnement mais une question de santé. On connaît les risques. C’est 40.000 décès prématurés chaque année en France. Inciter ne suffit donc pas.
L’incitation marche bien pour environ 10 % de la population et relativement bien pour 10 % encore. Vingt pour cent de la population peut donc être influencée, si on raisonne sur le court terme.
L’incitation marche mieux sur le long terme, la contrainte sur le court terme même si les gens râlent… Mais une contrainte mal expliquée, sans incitations, peut se traduire par des freins. Les gens ne veulent pas de grands discours et de grandes théories. Ils veulent des choses simples. Il faut être pragmatique et opérationnel.
Quand on parle qualité de l’air, la contrainte est donc la bonne solution ?
Sur certains enjeux, la contrainte fonctionne. Quand on regarde la qualité de l’air à Grenoble, qui est une des villes les plus polluées de France, il y a un impact. L’abaissement de la vitesse à 70 km/h sur autoroute en cas de pic de pollution, par exemple. Cela fonctionne quand même un peu car les automobilistes ralentissent. Ils ne respectent pas les 70 km/h mais ils ne sont pas non plus à 90 km/h. Ils roulent à 80…
Avec l’éco-pastille, Grenoble mise sur des mesures « dynamiques et progressives ». C’est la condition sine qua non, selon vous ?
Après une étude auprès de 950 personnes menée en 2013 conjointement avec la Métro et Science Po Grenoble, on avait proposé qu’une première Zapa (zone d’actions prioritaires pour l’air) soit entièrement tournée vers la communication et la sensibilisation. Faire une Zapa par phases, avec une première phase pédagogique sans contraintes avant de passer à l’étape suivante… Cela n’a pas été accepté par le conseil de la Métro.
Les mesures phare de la Zapa ont été rejetées depuis mais les connaissances tirées de cette étude ont été utiles. A Grenoble, personne ne se déplace uniquement à vélo. Seuls les automobilistes utilisent un seul mode de déplacement.
Or, quand on emprunte plusieurs modes de déplacement, il faut être stratégique dans la façon de planifier ses déplacements. D’où la mise en place d’un service dédié à la mobilité (la plateforme en ligne Métromobilité aujourd’hui, ndlr).
L’éco-pastille est souvent vue comme une mesure discriminatoire car elle va toucher les foyers les plus modestes, équipés des véhicules les plus anciens et donc les plus polluants… Les primes à la casse et autres bonus peuvent-il réduire ces inégalités ?
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