DÉCRYPTAGE – Un chiffre d’affaires en chute libre, des réformes qui ne voient pas le jour, des problèmes de gouvernance, de stratégie économique et de gestion sociale… Les nombreux dysfonctionnements de Voies Ferrées du Dauphiné (VFD) lui ont valu d’être une nouvelle fois épinglée par une juridiction. Après les observations de la Chambre régionale des comptes du 13 décembre dernier, la Cour des comptes a rappelé dans son rapport annuel les problèmes de gestion de la société d’économie mixte (Sem) de transport de voyageurs.

Cars des VFD en attente à la gare routière de Grenoble. DR
Malgré l’ouverture de capital, la Sem « n’a pas réussi à s’adapter à l’environnement concurrentiel dans lequel elle évolue, faute en particulier d’avoir diminué ses coûts et diversifié son portefeuille de clients », constate la Cour des comptes. Un environnement marqué par l’arrivée sur le marché de Car postal, filiale de La Poste suisse à la politique tarifaire agressive. Aujourd’hui, la Cour des comptes estime que les réformes appelées par la Chambre régionale des comptes n’ont toujours pas été effectuées. Conséquence : entre 2008 et 2011, le chiffre d’affaires de VFD a chuté d’environ 59 à moins de 43 millions d’euros.
Le département « en position de force »
Au banc des accusés : le Conseil général, qui est à la fois actionnaire (à 80,56 %), client principal et principal fournisseur de VFD. Une triple casquette qui le met en « position de force », constate la juridiction. Selon cette dernière, la masse salariale héritée du fonctionnement en régie est trop importante. La Cour des comptes note que « les frais de personnel représentent 60 % de ses charges ». En cause : la gestion de la transformation de VFD en Sem par le département, qui n’a ni organisé de licenciements collectifs, ni mis fin aux accords salariés, par crainte d’un conflit social.
Car du réseau Transisère assurant une navette jusqu’à Lyon. DR
Le préfet de l’Isère évoque, lui, un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé au comité d’entreprise le 20 juin 2013. Plan prévoyant la suppression de 28 postes. « La baisse de la masse salariale, suite au PSE, et la diminution des dépenses devraient permettre le retour à l’équilibre du bilan 2014 de la Sem VFD » écrit-il dans sa réponse au rapport.

André Vallini, président du Conseil général de l’Isère. CC Phœnix rouge – Wikipédia
Une « position de force » du Conseil général qui pourrait aussi expliquer pourquoi les VFD n’ont pas demandé réparation quand la collectivité a attribué les lignes les plus rentables à la concurrence et modifié, voire supprimé quelques lignes. Conflit d’intérêts Cette mauvaise gestion se concrétise par une politique peu offensive en terme commercial. On prendra ici l’exemple de la région lyonnaise, où VFD se montre peu active, malgré le fait qu’elle bénéficie d’un dépôt à Vénissieux. Et pour cause : cette inaction pourrait s’expliquer par le rôle primordial joué par Keolis dans l’exploitation du réseau du Grand Lyon. « Bien qu’aucun partage territorial n’ait été officiellement formalisé avec Keolis, l’implantation locale de ce groupe, notamment en tant qu’attributaire de la délégation de service public des transports urbains sur le périmètre du Grand Lyon, a pu dissuader la société d’économie mixte d’exploiter toutes les opportunités commerciales existant dans ce département ». Autre limite de la politique commerciale de la Sem : le soutien accordé à cinquante projets culturel et sportif « étrangers à son objet social ». Pour la Cour des comptes, la Sem a donné « une importance excessive à ces opérations ».
Le département, bientôt seul responsable du passif de VFD ?
L’assistance technique, pour laquelle la Sem a versé 2,3 millions d’euros entre 2007 et 2011 à Keolis est, quant à elle, « très peu sollicitée ». Une assistance technique qui a pourtant décidé le département à ouvrir le capital de VFD. Dans un courrier datant du 13 juin 2013, André Vallini écrivait que la transformation de VFD en Sem visait à « apporter à la société une expertise technique en vue d’améliorer sa compétitivité ». Depuis la signature du contrat d’assistance technique avec Keolis en 2007, les prestations liées n’auraient été ni planifiées ni suivies.
© Paul Turenne – placegrenet.fr
