FOCUS – En associant les arts aux sciences, l’Hexagone de Meylan se démarque souvent par son originalité. Jérôme Villeneuve et son équipe annoncent une saison culturelle 2023 – 2024 en deux temps et n’ont encore communiqué que sur la première partie. Ce qui ouvre déjà un vaste champ des possibles, entre théâtre, danse, opéra, cirque et arts numériques.
Aphélie, nom masculin : par opposition à périhélie, point de l’orbite d’une planète le plus éloigné du Soleil. Jérôme Villeneuve, son directeur, a choisi ce terme savant pour désigner la première partie de la saison 2023 – 2024 de l’Hexagone, qui s’étend d’octobre 2023 à mars 2024. La saison écoulée ? « Avec un taux de remplissage moyen de 65%, on ne s’en sort pas mal, mais on espère faire un peu mieux », confie le directeur.
L’heure est venue de « s’essayer à un autre rythme, une oscillation entre voir venir et aller vers ». La seconde partie de saison – de mai à juillet – se construira progressivement cet automne, en s’adaptant aux « réalités économiques, conjoncturelles et artistiques ». L’Hexagone prévoit alors de sortir de ses murs mais c’est d’abord “chez lui” qu’il accueillera le public.
Un lancement de saison festif a eu lieu jeudi 14 septembre 2023. L’occasion d’inaugurer Data Cityscape, une installation lumineuse qui rend visibles les consommations d’énergie et de données numériques du bâtiment.
À l’Hexagone, la musique comme une source d’étonnement constant
Aphélie va développer une grande diversité de propositions. Fidèle à lui-même, l’Hexagone continue de conjuguer les sciences et les arts. Il présentera des œuvres hybrides liées à la musique, au théâtre, à la danse, au cirque et aux arts numériques. Sans oublier d’en réserver quelques-unes au jeune public – tel Murmur, un show circassien prometteur, à découvrir du 28 novembre au 1er décembre.
Le premier temps fort sur scène sera musical, avec le retour de Leïla Martial le 6 octobre. Accueillie en résidence, cette musicienne formée au jazz présentera Jubilä, « un solo pour vocaliste multi-timbrée ». Cette douce folie est à la fois du théâtre et de la danse, de l’opéra et du cirque, de l’exploration sonore et du show burlesque.
Musique toujours, avec la venue de Gaspar Claus, le 12 décembre. Ce violoncelliste aux sources d’inspiration multiples sera à Meylan pour présenter son premier album solo. Tancade s’annonce plus doux, mais tout aussi virtuose que les compositions qui l’ont précédé.
En première partie, l’Hexagone a programmé Astérismes, un concert participatif. Le principe : « Une performance sonore et musicale projetée sur l’ensemble des téléphones portables du public ». Où l’utilisation d’un outil honni des audiophiles doit permettre de créer une forme tout à fait originale.
Du théâtre pour questionner le monde et faire réfléchir
D’originalité, les spectacles théâtraux à venir n’en manqueront pas. Jérôme Villeneuve a confiance en Frédéric Ferrer, qui délivrera l’épisode #2 de Borderline(s) Investigation le 9 novembre. En deux petites heures, l’intention du vrai-faux conférencier est ainsi d’interroger l’avenir de l’espèce humaine. Pas question toutefois de plomber les spectateurs : l’idée est de parler des solutions existantes et, surtout, d’exposer les faits dans leur dimension la plus absurde possible.
Cette démarche est peut-être aussi celle de Nicolas Heredia, l’auteur d’À ne pas rater (les 23 et 24 janvier 2024). D’essence quasi philosophique, cette pièce pose avec humour la question des engagements et des choix. Parmi eux : le choix… de venir voir un spectacle ! Il sera ainsi établi qu’assister à une représentation théâtrale suppose de “sacrifier” bon nombre d’activités possibles au même moment.
Dans une dimension plus poétique sans doute, les esthètes prêteront un regard attentif à Anywhere (les 27, 28 et 29 mars 2024). Ce spectacle d’Elise Vigneron s’inspire du personnage d’Œdipe et se penche sur ses changements intérieurs. Pour cela, l’artiste manipule une marionnette de glace qui, évidemment, fond au cours de la représentation. « Une invitation à vivre une expérience de la perte, de la chute, du cheminement et de la métamorphose », nous promet-on.
Des chorégraphies où l’humain s’affirme et côtoie parfois la machine
Pour sublimer l’art de la danse, comme le fait La Rampe, l’une de ses salles partenaires, l’Hexagone comptera également sur la puissance de spectacles symboliques. Mer plastique, programmé le 19 décembre, en est probablement un. Sa chorégraphe, Tidiani N’Diaye, recouvre la scène de déchets colorés pour « dessiner une scénographie majestueuse et chatoyante, où les corps exultent ».
Sa création est aussi, bien sûr, « un puissant message d’alerte qui questionne les enjeux politiques d’aujourd’hui ». Pour en discuter, les artistes ont prévu une rencontre avec le public en marge de leur représentation.
Autre moment très attendu : Forces, un spectacle « hypnotique » qui arrivera de Belgique le 16 janvier 2024. Avec trois danseuses au plateau, on s’approchera ici d’une forme de rituel tribal. « En partant du tout petit, le spectacle a vocation à grandir, détaille Jérôme Villeneuve. Le mouvement se libère et embarque avec lui l’énergie des spectateurs. Le public contribue ainsi à la transe ». L’idée serait dès lors de « célébrer le pouvoir de vivant », avec trois femmes présentées comme des « chamanes guerrières cyborgs ».
Est-ce aussi pour son rapport à la technologie que Huang Yi est invité à Meylan les 14 et 15 mars 2024 ? C’est probable. Le chorégraphe taïwanais a fait évoluer la forme de son spectacle depuis près de dix ans. Adepte de la danse et des arts visuels, il s’explique sur sa rencontre avec Kuha, un bras robotisé. Une manière d’interroger la relation de l’homme avec la machine, annoncée à la fois comme intelligente et poétique. La double qualité de nombre des spectacles qui rythmeront la première partie de saison de l’Hexagone.
[Photo de Une : Echo Chamber, création musicale et d’arts visuels de Marc Messier]
D’autres surprises et le retour des soirées #AV
La liste complète des spectacles d’Aphélie est en ligne sur le site de l’Hexagone. L’équipe affirme « se montrer curieuse » et revendique sa capacité à expérimenter. « C’est une chance de pouvoir le faire », souligne Jérôme Villeneuve.
Parmi les autres grands noms annoncés pour 2023 – 2024 : ceux de Virginie Despentes et Béatrice Dalle. Avec des partenaires musiciens, les deux femmes collaborent pour Troubles, une lecture de textes d’autrices depuis les années 1960 « en phase avec les sujets de l’époque » (9 décembre).
Descendu avec succès de la planète France Inter, l’humoriste Guillaume Meurice, lui, atterrira à Meylan les 2 et 3 février 2024. Vers l’infini (mais pas au-delà) l’associe avec l’astrophysicien Éric Lagadec pour un voyage à travers l’univers… et la bêtise humaine. Une idée de l’infini ?
Dans un tout autre registre, l’Hexagone renouera avec ses soirées #AV. Le principe est simple : de petites formes qui associent musique électro et projection d’arts visuels. Trois dates sont retenues pour ces expérimentations artistiques : le 16 novembre 2023, puis les 19 janvier et 8 mars 2024. Le Québécois Martin Messier sera le premier invité de ces spectacles uniques en leur genre. Des moments qui se vivent mieux qu’ils ne se racontent.