REPORTAGE – Une quarantaine de retraités se sont rassemblés, jeudi 15 juin dans l’après-midi, rue Félix-Poulat à Grenoble, pour protester contre la précarité des plus anciens. Portés par les représentants de l’intersyndicale, ils réclament une revalorisation immédiate de leur pension face à la baisse de leur pouvoir d’achat.
Vêtu d’une chemise à carreaux surmontée d’un béret gris, Robert Moulin, principal de collège à la retraite, affronte sereinement la chaleur étouffante de cette après-midi de juin. Il est venu manifester comme une quarantaine d’autres retraités dans l’hypercentre de Grenoble, aux côtés de tous les représentants de l’intersyndicale.
« Les retraités sont très actifs », lance-t-il d’un air malicieux. « La lutte des classes, c’est une réalité sociale, pas une invention des travailleurs », poursuit l’ancien directeur qui n’entend pas laisser s’éroder sa pension sans réagir. Face à l’inflation galopante et à une perte de pouvoir d’achat de 7,6 % en 5 ans, les retraités figurent en effet parmi les premiers touchés par la précarité.
Choisir entre se nourrir et se soigner
Le drapeau Cgtiste rouge et blanc flottant sur son épaule, le secrétaire des retraités CGT de l’Isère, Yves Richard, montre lui aussi sa consternation devant la hausse des prix et demande une revalorisation immédiate des pensions.
« Tout a augmenté. Les produits de première nécessité sont parfois passés de 15 à 20 % plus chers », s’insurge-t-il. « Certains doivent faire des choix entre bien se nourriture et se soigner. »

Yves Richard, secrétaire des retraités CGT de l’Isère © Sophie Eymard – Place Gre’net
Beaucoup ont ainsi dû modifier leur manière de consommer, à commencer par l’alimentation. « Je regarde systématiquement les prix et achète en promotion, chose qui m’était inimaginable avant », explique Antonine Ronseaux, institutrice retraitée, vêtue d’une longue robe ambrée.
A côté d’elle, son amie Elisabeth Heurtier porte un discours tout aussi alarmiste. « Avec la hausse de l’énergie, mon loyer a augmenté de 4 % et est passé à 900 € », rapporte-t-elle exaspérée, les bras croisés. « Mon mari doit changer son dentier ce qui va lui coûter 1500 €. Avec une pension de retraite à 1200 €, comment ferait-il, tout seul, si je n’étais pas là ? »
Toutes deux sont membres de la Fédération syndicale unitaire (FSU) depuis des années et voient beaucoup de leurs collègues renoncer à leurs activités syndicales après leur passage à la retraite, la cotisation annuelle devenant un coût trop lourd à porter.

Antonine Ronseaux et Elisabeth Heurtier © Sophie Eymard – Place Gre’net
900 € par mois pour les personnes retraitées en situation de handicap
Aux pieds des marches de l’église Saint-Louis, Lionel Marmet arbore fièrement une pancarte fixée sur l’accoudoir de son fauteuil roulant : « Non aux retraites amputées ». Ancien aide-soignant en invalidité depuis près de 10 ans suite à l’amputation de ses deux jambes, il s’inquiète de son avenir en tant que futur retraité en situation de handicap.
« Avec une allocation adulte handicapé de 900€, donc bien en-dessous du salaire minimum, comment fait-on ? », questionne-t-il, atterré. Il n’a pas les moyens de changer son fauteuil qui devrait normalement être remplacé tous les cinq ans. « C’est le dos qui ramasse », concède-t-il, le visage fermé. Son amie Sabine Tournu-Bois, elle aussi en fauteuil, a dû débourser 3000 € de sa poche pour pouvoir se le payer.

Lionel Marmet et Sabine Tournu-Bois © Sophie Eymard – Place Gre’net
Anne Bonhomme, quant-à-elle infirmière à la retraite depuis 2018, subit elle aussi l’inflation de plein fouet. « Je ne suis plus libre d’être ce que je veux », constate-t-elle avec amertume, son gilet rouge FO (Force ouvrière) bien posé sur ses épaules. « Je vois des collègues ASH retraitées contraintes de se remettre à travailler. Pour l’instant, je n’en suis pas encore là mais si ça continue, je vais peut-être être obligée de retourner bosser à l’hôpital. »


