FOCUS – Dans le cadre d’un mouvement national de grève, plus de 200 étudiants en médecine se sont rassemblés sur le parvis Belledonne du CHU de Grenoble ce vendredi 28 octobre 2022 en début d’après-midi. Après l’adoption, via le 49.3, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les manifestants ont dénoncé son article 23 prévoyant la mise en place d’une quatrième année d’internat à réaliser dans les déserts médicaux.
Le gouvernement est passé en force, ce mercredi 26 octobre 2022, en validant via l’article 49.3 – donc sans le vote des députés – le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023. Un texte dont l’article 23 instaure la mise en place d’une quatrième année d’internat en ambulatoire, à effectuer en priorité dans les zones dites sous-denses, c’est-à-dire les déserts médicaux. Cette disposition s’appliquera aux étudiants en médecine commençant leur troisième cycle à la rentrée de l’année universitaire 2023.
De quoi susciter l’ire des quelque 200 étudiants en médecine, internes et externes, qui dans le cadre d’un mouvement national de grève lancé par l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) se sont rassemblés ce vendredi 28 octobre, en début d’après-midi, sur le parvis Belledonne du CHU de Grenoble. Dans leurs rangs, outre des étudiants de la région grenobloise, figuraient des manifestants venant d’autres contrées de l’Isère, de Savoie et de Haute-Savoie.
Ce que condamnent les futurs médecins, c’est avant tout la méthode du gouvernement. « La volonté d’instaurer une quatrième année d’internat n’a jamais été celle des étudiants mais bien celle des enseignants et de l’État », expose Yannis Galacteros au nom des internes en médecine de Grenoble.
« Toutes les négociations menées par nos organisations depuis 2018 sur le contenu de cette réforme ont été balayées pour mettre au centre de cette 4e année d’internat la question de l’accès aux soins. On a ainsi basculé d’une logique de formation à une logique purement budgétaire. »
« Nous refusons de pallier le manque de médecins »
Désormais, le couperet est tombé et, outre la méthode, les étudiants voient d’un très mauvais œil la perspective de devoir effectuer cette quatrième année dans les zones peu denses en médecins. Ce alors même, souligne une manifestante, « que plus de cinq millions de Français n’ont pas de médecin traitant ».
Aussi, explique un interne, « nous refusons de pallier le manque de médecins. C’était prévisible et nous ne voyons pas pourquoi nous devrions en payer le prix ». De plus, renchérit un autre carabin, « ce n’est pas logique de former des internes qui vont juste rester le temps de leur formation dans ces zones rurales alors que la patientèle a essentiellement besoin d’un suivi à long terme assuré par des médecins aguerris ».
Les manifestants dénoncent de surcroît les conditions dans lesquelles ils devront effectuer cette quatrième année. En effet, selon Fany Lefebvre, représentante des externes en médecine de Grenoble, « les conditions d’une formation de qualité ne sont pas remplies ». À ce titre, la jeune externe pointe le manque de maîtres de stage pour l’accompagnement sur le terrain, tout autant que la nature des contenus pédagogiques, pour l’heure encore inconnue.
S’ajoutent à ces craintes des incertitudes sur les modalités d’organisation comme la rémunération, les indemnités de transport et les possibilités de logement dans ces zones sous-dotées. Pour autant, « ce n’est pas que les étudiants ne veulent pas aller dans les déserts médicaux, insiste-t-elle. Nous ne sommes pas réticents, mais l’obligation de cette 4e année d’internat supplémentaire n’arrangera rien à l’affaire. Le vrai problème, connu de longue date, c’est la répartition des médecins généralistes sur tout le territoire. »
« On va se battre jusqu’au bout », assurent les organisations représentatives
« Nous voyons bien que nous sommes sur des choses qui cristallisent les débats et les humeurs, commente Yannis Galacteros. Le gouvernement doit entendre à quel point nous sommes opposés à ce texte introduisant dans le PLFSS1Projet de loi de financement de la Sécurité sociale des éléments trop coercitifs ». D’ailleurs, précise-t-il, « le Conseil constitutionnel pourrait très bien annuler ce cavalier législatif2Un article qui introduit des dispositions qui n’ont rien à voir avec le sujet principal traité par un projet de loi. car cette mesure de quatrième année d’internat est anticonstitutionnelle ».
En attendant, l’Isni et l’Isnar-IMG3 Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale. qui devraient annoncer une nouvelle date de manifestation nationale se prennent à espérer que la navette parlementaire avec l’examen du texte par le Sénat et le retour du texte à l’Assemblée, leur sera favorable. Aussi les organisations représentatives promettent-elles de « se battre jusqu’au bout contre cette 4e année d’internat ».