FOCUS – La Mesure a ouvert ses portes le 13 mai 2022 au 2 rue de Strasbourg à Grenoble. Une initiative pour lutter contre les emballages répondant à une nécessité environnementale d’après Nicolas Noir, propriétaire de cette épicerie vrac. Entre produits bruts et artisanaux, café et animations, plongée dans cette nouvelle boutique « laboratoire ».
« Je suis convaincu qu’il n’y a pas d’autres solutions que le vrac pour réduire les emballages, mais aussi le gaspillage », estime Nicolas Noir, gérant de l’épicerie La Mesure. En effet, 2900 emballages sont jetés chaque seconde en France. Les emballages à usage unique sont ainsi devenus l’une des principales problématiques environnementales de notre époque.
Avec son épicerie, Nicolas Noir accompagne ses clients dans leur passage au vrac. Mais « après quelques semaines d’ouverture, je n’ai pas encore atteint les objectifs que je m’étais fixés », admet-il. De ce constat, le propriétaire tire plusieurs explications. Le contexte inflationniste, d’abord. La Mesure n’est pas la seule boutique qui a connu, rue de Strasbourg, une période difficile à l’orée des vacances scolaires.
« Il n’y a pas que chez moi que cela ne fonctionne pas. J’ouvre, c’est d’autant plus difficile. Mais je suis dans une rue plutôt marchande. Autour, j’ai des gens qui sont là depuis parfois trente ans et mai a été leur plus mauvais mois », constate à regret Nicolas Noir. Une inflation qui inquiète et pousse les Français à consommer moins.
Le vrac a également subi les affres de la crise sanitaire. « Après une croissance à deux chiffres en 2019 et en 2020, il y a eu un coup d’arrêt avec le Covid-19 », explique-t-il. Enfin, les réalités de la demande. Seuls 0,5 % de la population consomme aujourd’hui des produits en vrac de manière régulière.
Mais Nicolas Noir est confiant pour son secteur : « Je pense que la loi Climat et résilience va faire beaucoup pour nous ». Une loi promulguée le 22 août 2021 et dont l’article 11 tend à ce que, d’ici le 1er janvier 2030, 20 % de la surface de vente soient consacrés à la vente en vrac dans les commerces dont la surface est supérieure à 400 m².
« L’idée pré-faite que le vrac c’est sale »
Avec cette niche, des rayons sont peu à peu apparus il y a quelques années dans les supermarchés. Des grandes et moyennes surfaces souvent bien en peine de gérer ces espaces. Ce qui, de fil en aiguille, a contribué à faire germer dans les esprits « l’idée que le vrac, c’est sale, car dans les grandes surfaces, c’est vide, c’est sale et il y en a par terre », déplore Nicolas Noir.
« Mettre une boîte de petits pois dans un rayon et laisser le client autonome, ce n’est pas le même travail que de gérer des silos à remplir et à nettoyer tous les jours au vinaigre blanc d’alcool ou que d’aller conseiller et servir le client », souligne le gérant de l’épicerie. Et ce n’est pas un jugement de valeur, ce n’est simplement pas du tout leur modèle économique. »
Dans son épicerie La Mesure, il a installé les derniers systèmes de silos de distribution. Pour les liquides, des pompes où les gens viennent se servir « sans que cela laisse des gouttes ». Un mode de distribution qui a de quoi plaire : sentiment de propreté instantané !
« Je ne suis pas une adepte du vrac, avoue Rachel, rencontrée devant l’épicerie. Ce qui m’embête le plus, c’est que je n’ai pas les contenants à chaque fois. Je trouve ça lourd. » Pour Rachel comme pour beaucoup d’autres, vrac rime avec bocaux en verre.
Un cliché bien ancré dans l’imaginaire collectif, et contre lequel Nicolas Noir entend bien lutter. « Il y a toujours des gens attachés à ces bocaux. J’en ai dans la boutique, mais j’invite les gens à en sortir. Il ne faut pas croire que le plastique est un problème. C’en est un lorsqu’il se retrouve dans les océans. »
Les contenants en plastique proposés par Nicolas Noir sont développés et produits par Vrabox à Chambéry. Des boîtes recyclables, durables et faites en polypropylène sans bisphénol, ni phtalate, adaptées tant au transport qu’au stockage des denrées.
L’animation au cœur du projet
Parmi ses clients ? Peu de jeunes, surtout des plus de 35 ans, des femmes, des mères de familles. Nicolas Noir le rappelle : « Imaginer aujourd’hui que le vrac, le bio, le local soient moins chers que la grande distribution, c’est se mettre un doigt dans l’œil car ce n’est pas possible. Mais j’aimerais vraiment ouvrir le vrac au plus grand nombre. »
Et, pour ce faire, il essaye de trouver des solutions pour « sensibiliser, acculturer » le public. Nicolas Noir a ainsi organisé dans sa boutique une rencontre le 1er juin pour expliquer comment faire ses courses en vrac. Et le 15 juin une animation sur ce même thème. « Il faut être dans la pédagogie. Et l’animation est une bonne solution, les gens peuvent échanger entre eux. »
Comment fabriquer soi-même ses produits ménagers et cosmétiques ? Que faire avec des lentilles corail ou du quinoa ? Autant de thématiques à aborder durant les prochaines animations à découvrir sur sa page Facebook.
Dernière spécificité, et pas des moindres : la torréfaction de café. Associé à la Brûlerie des Alpes, Nicolas Noir propose une belle gamme de thé et de cafés, un café du mois. Bientôt, du café à emporter. « C’est un point singulier de la boutique, assez attendu par ici car il n’y a pas de torréfacteur dans le coin. »
Une boutique « laboratoire »
Avant l’aventure La Mesure, Nicolas Noir était dans la direction adjointe d’une entreprise du bâtiment. Dans ce secteur, il a pu travailler sur les questions du développement durable et de l’économie circulaire.
« J’étais assez frustré les dernières années. Je voyais que le sujet n’avançait pas, qu’il y avait un écart entre de bonnes intentions et la réalité opérationnelle du terrain. Je voulais voir autre chose. Puis c’est le hasard des rencontres, entre autres avec la personne qui a créé Packtic [plateforme et application vrac pour les professionnels et consommateurs de produits sans emballage, ndlr], qui m’a fait toucher du doigt le vrac et de me dire : pourquoi pas ouvrir un magasin ? », raconte-t-il, sourire aux lèvres.
Nicolas Noir est effectivement associé dans la start-up grenobloise qui développe une application d’emballage numérique. Au cœur de celle-ci, l’enjeu de la traçabilité. « On s’est dit qu’il fallait absolument que les emballages disparaissent, mais que l’information reste. On travaille sur la logique de marketing [numérique]. Le principe, c’est de mettre des QR codes pour que les gens puissent retrouver l’ensemble de l’information des produits. »
L’application, véritable étagère virtuelle, permettra ainsi au consommateur de retrouver la composition du produit, le numéro de lot, les allergènes, la date d’achat et de péremption. « Je vais voir comment les gens vivent ça. Je suis bien conscient que tous les clients ne sont pas des geeks. Il faudra trouver un équilibre. » La Mesure va être le premier magasin en France à la tester.
2 réflexions sur « La Mesure, une nouvelle épicerie à Grenoble pour une autre vision du vrac »
C’est compliqué de faire du vrac à Grenoble avec tous les mites alimentaires. Pour y lutter l’épicier en vrac de notre quartier conseille d’acheter les quantités dont on a besoin dans les deux-trois jours. Mais ceci implique une logistique qui n’est pas compatible avec le rythme de vie de tout le monde :/
Mettez vos denrées dans des boîtes hermétiques, vous règlerez le problème des mites. Si jamais elles se développent, elles restent cantonnées a une boîte, limitant ainsi les dégâts.
La contrainte c’est de mettre toutes ses denrées en boîtes hermétiques. Mais dites vous que vous y gagnerez aussi en rangement.
Et pensez aussi au noix non décortiquées qui trainent dans un saladier, elles adorent ça.