TRIBUNE LIBRE – Grenoble à Cœur avait signé une première tribune dressant un constat sévère des résultats de la politique cyclable mise en place, suite aux premiers résultats de l’enquête mobilités de l’agglomération grenobloise. Avec cette seconde tribune, le collectif s’interroge sur « comment faire pour que Grenoble capitale verte ne soit pas seulement un événement de com’ ».
Grenoble à Cœur s’est adressé à la ministre de l’Écologie avec pour demande de s’assurer que Grenoble réalise de véritables investissements permettant d’évaluer son évolution, pour au moins la moitié des 4 millions d’euros que versera l’État. Ce afin que « Grenoble capitale verte » ne s’évalue pas seulement en nombre de réunions et de discours, mais plutôt par des actions de fond et des chiffres mesurés et objectifs.
C’est dans cet esprit que Lisbonne, « capitale verte » de 2020, a investi dans la constitution d’un réseau de 658 capteurs et 80 stations de mesures de la qualité de l’air, des nuisances sonores et des microclimats urbains.
Pour l’instant, Grenoble a prévu de dépenser 13,4 millions d’euros pour « capitale verte » (tout en empruntant 14 millions en 2022…), dont seulement 17 % d’investissement dans des travaux divers.
Le dioxyde d’azote
Dans un recours contre l’État, une association s’est adressée à la plus haute juridiction française sur la question de la pollution au NO2. Parmi les villes initialement sur le banc des accusés, neuf ont su réagir à temps : Metz, Montpellier, Nancy, Nice, Rennes, Rouen, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulon. Tandis que Grenoble est l’une des cinq villes finalement responsables de la condamnation de l’État pour dépassement des seuils de NO2.
Dans ce contexte déshonorant pour une « capitale verte », pourquoi Grenoble n’a‑t-elle qu’une seule station de mesure « urbaine trafic » (terminologie Atmo) ? Clermont-Ferrand, par exemple, en a trois pour une population nettement inférieure. À ce manque, s’ajoute la honte de l’absence d’étude d’impact environnemental de « Cœur de Ville Cœur de Métropole » (CVCM).
Aussi ; l’évolution de la pollution au NO2 dans les rues de Grenoble est-elle vue au travers de calculs virtuels, bien plus que connue par de vrais chiffres mesurés. Avec toutes les erreurs que cela implique. Ces manques sont-ils satisfaisants pour une « capitale verte » ?
L’unique station de mesure « urbaine trafic » d’Atmo Grenoble, située boulevard Foch, au sein de la capitale verte. DR
Le trafic
Quelles sont les conséquences de la non-fluidité du trafic sur la pollution ? Négatives écrit le Cerema : « les émissions sont importantes à très faible vitesse (jusqu’à 30 km/h environ), ce qui signifie que les situations de congestion du trafic routier sont très pénalisantes du point de vue de la qualité de l’air. »
Pourquoi ne sont-elles toujours pas évaluées à Grenoble, alors que c’est d’évidence nécessaire ? En effet, selon Inrix, Grenoble est la 5e ville la plus embouteillée de France alors qu’elle était 10e en 2016. « CVCM » a accru la congestion de 13% montre le « Inrix Congestion Index », passé de 3,8 en 2016 à 4,3 en 2017. TomTom, autre société experte en analyse du trafic, a classé Grenoble en n°4 des villes les plus congestionnées en 2018, 2019 et 2020 !
Quels sont précisément les taux de congestion sur les axes les plus empruntés ? Avec quelles conséquences sur la qualité de l’air, pour les usagers et pour les riverains ? Des équipements gagneraient à être mis en place pour que cela soit mesuré, accompagnés de moyens internet permettant au citoyen d’accéder aux chiffres en toute transparence.
Le chauffage au bois
Le trafic est principalement émetteur de NO2, le chauffage au bois essentiellement de particules fines PM2,5. Leur concentration dans l’air n’a pas baissé pendant le confinement, et elles sont le polluant à l’origine des problèmes de santé et de mortalité prématurée les plus importants. Quel est l’impact sanitaire de la pollution de l’air ? Grenoble à Cœur a interrogé Santé publique France.
Sur la base des chiffres publiés dans le n°34 du magazine municipal, il se calcule facilement que la « Zone faibles émissions » réduira les PM2,5 de 4 %, ce qui est minuscule en comparaison des 61 % qu’émet le chauffage au bois à Grenoble. C’est plus dérisoire encore en tenant compte des multiples publications qui indiquent que les émissions polluantes sont plus cancérigènes avec le bois qu’avec les carburants.
De fait, le chauffage au bois est donc l’ennemi n°1 des poumons des Grenoblois. La priorité devrait être de réduire son impact sanitaire. Il faudrait pour commencer travailler à réellement l’évaluer.
Le chauffage urbain
Il consomme 100 000 tonnes d’arbres par an, auxquelles s’ajoutent désormais les 85 000 tonnes de la nouvelle centrale Biomax. Vivants, ces arbres captaient du CO2. Brûlés, ils en émettent 63 % de plus que le gaz, selon un rapport de l’office fédéral suisse de l’environnement. Concernant la pollution, Greenpeace Canada accuse le bois d’être pire que le charbon.
Contrairement aux idées simplistes, l’énergie bois est donc bien loin d’être neutre pour l’environnement ! Quelle est l’empreinte carbone réelle du chauffage urbain grenoblois et quelle est sa responsabilité dans la pollution de l’air ? Comment une « capitale verte » peut-elle réduire ces émissions ? À Grenoble d’investir pour devenir ville pionnière sur ces questions.
Une des pistes majeures serait de destiner le bois préférentiellement à la construction, ce qui stocke du carbone au lieu de le brûler, en plus de diminuer l’énergie que dévore la production de ciment. Il pourrait même à l’avenir y avoir du « béton de bois » si l’entreprise iséroise soutenue par Lafarge réussit son pari.
Le commerce
Au centre-ville, « CVCM » a fait que « du jour au lendemain nous avons constaté une baisse de clientèle et du chiffre d’affaires. Des commerçants ont dû baisser le rideau ou déménager à cause de la baisse de fréquentation et l’impossibilité pour leurs clients de venir chercher la marchandise. » a confirmé l’ex-président de Label Ville1Sud Radio, 29/09/2021.
En périphérie, des centres commerciaux s’agrandissent et même se créent ! L’adjoint au commerce a défendu l’agrandissement de Grand’Place et la majorité municipale a refusé de demander l’arrêt de Neyrpic, validant ainsi ce que le promoteur a clairement annoncé : « Nous visons en premier lieu les habitants de la vallée du Grésivaudan, car ils ont aujourd’hui du mal à accéder à l’hyper-centre ».
Est-ce cela une « capitale verte » ? Quel est l’impact environnemental du transfert des commerces vers la périphérie ? La nécessité d’une étude sérieuse, qui aurait dû être faite avant « CVCM », s’impose désormais. Ainsi que l’investissement dans des parkings-relais, qui pourraient être connectés au centre-ville par des navettes zéro émissions.
Le futur centre commercial Neyrpic, en périphérie du « cœur de ville cœur de métropole » lors d’une réunion publique en octobre 2017. © Giovanna Crippa
Quels investissements ?
Pour qu’elle réussisse, l’écologie grenobloise devrait être caractérisée par des indicateurs mesurables et mesurés qui permettraient d’avancer objectivement. Ce n’est pas le cas actuellement, alors que cette méthode correspondrait bien aux gènes de la ville, dont la culture est fortement scientifique.
Il n’est pas trop tard pour corriger la démarche et faire en sorte que Grenoble s’équipe d’outils de mesure de son évolution. En plus des investissements, cela représente aussi des moyens humains et d’enquête.
Grenoble à Cœur a proposé bon nombre de pistes permettant d’agir : stations Atmo, équipements de mesure fine de la congestion avec évaluation des diverses conséquences, incidence sur la santé du chauffage au bois et réduction de celle-ci, « béton de bois », impact environnemental du transfert des commerces vers la périphérie, parkings-relais et navettes. Ainsi que la publication des données sur un site internet, afin que la population et les élus de Grenoble et d’ailleurs puissent en tirer des enseignements.
Rappel : Les tribunes publiées sur Place Gre’net ont pour vocation de nourrir le débat et de contribuer à un échange constructif entre citoyens d’opinions diverses. Les propos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opinions des journalistes ou de la rédaction et n’engagent que leur auteur.
Vous souhaitez nous soumettre une tribune ? Merci de prendre au préalable connaissance de la charte les régissant.