ENTRETIEN - En poste à Grenoble depuis janvier 2019, le procureur de la République Éric Vaillant a fait de la lutte contre le trafic de stupéfiants, avec les violences conjugales, un des axes majeurs de son travail à la tête du parquet. Mais avoue avoir abandonné l'idée d'éradiquer, même très localement, le manège des dealers.
Le 15 mai 2021, le tribunal correctionnel de Grenoble a condamné trois jeunes qui, à Saint-Étienne de Saint-Geoirs, s'adonnaient au trafic de stupéfiants. L'aboutissement d'une enquête ayant permis de démanteler un réseau de revente particulièrement actif au niveau local. À la clé, la saisie de plusieurs milliers d’euros, 300 grammes de cannabis, du matériel de conditionnement pour la revente, des téléphones portables et un véhicule suspecté par les gendarmes d’être utilisé pour le trafic.
Un dossier symbolique à plus d'un titre. D'abord parce qu'il illustre l'emprise du trafic de stupéfiants qui, s'il n'a pas quitté les agglomérations urbaines, a largement investi les campagnes. Ensuite parce qu'avec des peines de deux à trois ans de prison ferme administrées en comparution immédiate, assorties d'interdictions de séjour et d'amendes de plusieurs milliers d'euros, le parquet entend taper vite, si ce n'est fort. Tour d'horizon avec son représentant à Grenoble, le procureur de la République Éric Vaillant.
« Je n’ai jamais vu une ville de cette taille aussi gangrénée et pourrie par le trafic de drogue que Grenoble », avait dit Jean-Yves Coquillat en 2017. Plus de deux ans après votre arrivée, partagez-vous son avis ?
Il est clair que le trafic de stupéfiants est à un très haut niveau à Grenoble – il n'y a pas de doutes là-dessus – mais comme à Nantes, Saint-Étienne ou Bordeaux, par exemple. Toutes les grandes villes sont concernées. Dans l'agglomération, on a identifié 35 points de deal. C'est beaucoup et ils ont une forte activité.
La particularité est qu'on est ici à l'écart de l'axe principal de transit de la vallée du Rhône. La grande route de transit, c'est Lyon-vallée du Rhône. Venir à Grenoble, c'est y venir spécifiquement. Ici, quand on intercepte des véhicules de trafiquants, on sait bien qu'ils viennent pour alimenter le trafic local et on mesure que le marché local de la drogue est important.
A-t-on une idée du chiffre d'affaires généré par le trafic de stupéfiants dans l'agglomération ?
C'est très compliqué à déterminer parce que si cela nous permet d'avoir une idée de l'ampleur du trafic, cela ne nous sert pas de manière opérationnelle dans la lutte que l'on mène contre les trafiquants. C’est pour ça qu’on se contente d’un ordre d’idée. En tout cas, le trafic est rémunérateur et les trafiquants ne sont pas prêts à se priver de tels revenus !
Poursuivez votre lecture
Il vous reste 88 % de l’article à lire. Obtenez un accès illimité.
Vous êtes déjà abonné.e ? Connectez-vous