FIL INFO – Les jugements concernant l’affaire Mila sont tombés mercredi 7 juillet 2021. Après avoir critiqué, à plusieurs reprises, l’islam sur les réseaux sociaux, la jeune femme avait subi un cyberharcèlement massif. Le tribunal correctionnel de Paris a condamné onze de ses cyberharceleurs à des peines de prison avec sursis.
Sur les treize personnes jugées le 3 juin 2021 devant le tribunal correctionnel de Paris, onze ont finalement été condamnés à des peines allant de quatre à six mois de prison avec sursis1Depuis 2018, les cyberharceleurs risquent jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.. Des faits commis à l’automne 2020, après la publication d’une vidéo dans laquelle l’adolescente iséroise critiquait l’islam.
L’un des cyberharceleurs, qui avait appelé à faire « sauter » Mila, a été relaxé faute de preuves et un autre a bénéficié d’un vice de procédure. Plusieurs prévenus étaient jugés pour deux infractions : cyberharcèlement, menaces de mort ou un autre crime. Mais seule N’Aissata C., étudiante en psychologie, a été condamnée à six mois de prison avec sursis pour des menaces de mort. Dans un long e‑mail adressé à l’adolescente, la jeune femme indiquait vouloir « lacérer le visage de Mila et laisser son corps pourrir dans un bois ».
L’affaire avait débuté le 18 janvier 2020. L’adolescente lesbienne de 16 ans s’en était alors déjà prise à l’islam dans une vidéo sur Instagram, suite à des attaques homophobes au nom d’Allah d’un internaute éconduit. La vidéo étant devenue virale sur les réseaux sociaux, Mila avait reçu de dizaines de milliers de messages haineux, homophobes ou misogynes, certains appelant au viol ou au meurtre. Une situation qui l’avait obligée à quitter son lycée militaire et lui avait valu un placement sous protection judiciaire.
« Le réseau social, c’est la rue »
Le magistrat Michaël Humbert a fait œuvre de pédagogie à l’égard des prévenus accusés de cyberharcèlement de Mila, aujourd’hui âgée de 18 ans. « Le réseau social, c’est la rue, a‑t-il expliqué […] Ce que vous ne faites pas dans la rue, ne le faites pas sur les réseaux sociaux. » Et de préciser : « Le tribunal considère que les réseaux sociaux constituent par principe un espace public […]. L’utilisateur – sauf configuration particulière de ses messages – doit donc s’attendre à ce que ses messages soient lus par un public le plus large possible. »
Les prévenus avaient demandé au tribunal de ne pas faire figurer leur condamnation à leur casier judiciaire. Requête rejetée. « Il ne serait pas vraiment équitable que ce qu’on a cru faire caché derrière un écran ne puisse pas être porté à la connaissance d’un public plus large », a estimé le président de la 10e chambre.
Dans sa décision, Michaël Humbert a également souligné les conséquences « physiques » et « psychiques » de ce cyberharcèlement sur Mila. « Nous vous considérons responsables des dommages causés » à la jeune fille, a‑t-il indiqué. Avant de condamner plusieurs prévenus à verser 1 500 euros de dommages et intérêts et 1 000 euros pour les frais d’avocats.
Mila espère que ces condamnations feront jurisprudence. « Je ne veux plus jamais qu’on fasse culpabiliser les victimes », a‑t-elle déclaré au tribunal. Dès le lendemain, jeudi 8 juillet, elle a visité la Grande mosquée de Paris en compagnie de son recteur, Chems-eddine Hafiz. La jeune femme a alors fait le vœu que sa présence dans ce lieu de culte soit « apaisante pour tout le monde ».