FOCUS – Mila est une lycéenne iséroise passionnée par le chant, ouvertement hostile aux religions et à l’islam en particulier. Bref, laïcarde et fière de l’être. Suite à une prise de bec avec un internaute musulman, elle a affirmé ses positions dans une vidéo Instagram le 19 janvier dernier. Ce qui lui vaut désormais de crouler sous les insultes et menaces de mort.
Après le tragique #JeSuisCharlie, #JeSuisMila restera-t-il dans l’histoire ? Une chose est sure, les déboires de cette adolescente ont débordé des réseaux sociaux pour envahir la sphère politique. Tout commence samedi 18 janvier, sur le compte Instagram de l’adolescente iséroise qui rêve de devenir chanteuse.
Au cours d’une vidéo en direct où elle discute avec ses abonnés, un internaute l’aborde brusquement. Alors qu’il la « drague de manière insistante », selon le magazine Marianne, la jeune fille le repousse. En effet, celle-ci est ouvertement lesbienne, affichant le drapeau LGBT sur son profil.
Si l’on en croit son témoignage publié sur le site Bellica, tenu par la féministe identitaire Solveig Mineo, les insultes pleuvent. « Sale française », « sale pute », « sale gouine »… Puis l’internaute taxe Mila de racisme et d’islamophobie.
Dès le lendemain, la jeune fille prend la décision de répliquer par une story, toujours sur son compte Insta. Un message agressif dans lequel elle affirme détester « la religion, toutes les religions ! » Et où elle s’en prend directement à l’islam et, plus généralement, à la communauté musulmane :
« Le Coran il n’y a que de la haine là-dedans, l’islam c’est de la merde, c’est ce que je pense. […] Je ne suis pas raciste, pas du tout. On ne peut pas être raciste envers une religion. J’ai dit ce que j’en pensais, vous n’allez pas me le faire regretter. Il y a encore des gens qui vont s’exciter, j’en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, ce que je pense.Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir. […] Vous m’insultez et vous me menacez de mort, vous n’êtes bons qu’à ça, vous n’avez pas d’éducation, vous êtes nuls, vous servez à rien. »
Un dérapage vidéo qui enflamme l’opinion
Un « coup de sang », selon Marianne. Oui mais voilà, contrairement à l’affaire initiale de drague lourde qui n’a pas été enregistrée et n’est donc plus visible, la story fait le tour du web. D’abord sur Instagram, puis sur Twitter, Facebook et Snapchat.
Une de Charlie Hebdo, journal anticlérical assumé… et cible privilégiée des “anti-blasphèmes”. DR
S’ensuivent très rapidement menaces de viol et de mort en très grand nombre. Des personnalités politiques se mêlent de l’affaire ; Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan soutiennent la jeune fille. Selon le site Bellica, elle obtient également le soutien officiel de « Françoise Laborde, Audrey Pulvar, Stop Homophobie, Zineb El Rhazoui, Gilles Clavreul, Waleed Al Husseini, Le Printemps Républicain, Jean Quatremer, Nous Toutes, ou encore Inna Shevchenko ».
Deux camps se font désormais face. D’un côté, les #JeSuisMila, qui affirment le droit au blasphème permis par la loi du 9 juillet 1881. À l’image notamment du collectif isérois Résistance universelle (ex-LaiCitéS). Ou de l’Union des familles laïques nationale, dont l’union locale des Portes de l’Isère et du Comité 1905 Auvergne-Rhône-Alpes.
De l’autre, les #JeNeSuisPasMila, qui vouent aux gémonies la blasphématrice. Parmi ces derniers, Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman, affirmant : « Qui sème le vent, récolte la tempête », […] Elle l’a cherché, elle assume ». Des propos sans équivoque, même si l’intéressé affirme ne pas cautionner les menaces de mort.
Une affaire qui soulève des questions cruciales
L’adolescente n’a pas pu retourner au lycée où, selon le magazine Têtu, elle était attendue de pied ferme le lundi suivant l’évènement. Une pétition a été relayée par le site Bellica pour que Mila obtienne une protection policière.
Deux enquêtes sont en cours, ouvertes par Jérôme Bourrier, le procureur de la République de Vienne. L’une vise à identifier les auteurs des menaces contre Mila. L’autre, à l’encontre de la jeune fille, va déterminer si ses propos tombent sous le coup de la « provocation à la haine raciale ».
L’affaire fait déjà du bruit au-delà des frontières de l’Hexagone : le 24 janvier, The Times publiait un article sur Mila, indiquant que celle-ci recevait un soutien psychologique assuré par le bureau du procureur et avait été officieusement assignée à résidence. La question du droit au blasphème en France, illustrée si douloureusement par Charlie Hebdo, se repose sous une autre forme. Avec, en toile de fond, une réelle inquiétude liée à l’impact des réseaux sociaux sur la jeunesse et son devenir.
Laure Gicquel