FOCUS – Face à la détresse des étudiants, le maire de Grenoble a décidé d’interpeller le gouvernement. Éric Piolle a envoyé un courrier, mardi 26 janvier, à Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation mais aussi à Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. Le maire les enjoint à agir pour lutter contre la précarité, tout en taclant les mesures annoncées par Emmanuel Macron.
« La France, si elle veut continuer à être une nation apprenante, doit faire de ses étudiant-es des citoyen-nes qui jouissent des mêmes droits à vivre en sécurité et en bonne santé, afin de se former et de s’émanciper dans les meilleures conditions », écrit Éric Piolle dans un courrier adressé mardi 26 février à Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Ainsi qu’à Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé.
Les étudiants ont multiplié les manifestations en janvier pour crier leur colère. Une première mobilisation a eu lieu jeudi 21 janvier et une autre mardi 26 janvier. Le maire de Grenoble a donc décidé, à son tour, d’interpeller le gouvernement par courrier. On compte 68 000 étudiants dans la Capitale des Alpes. Qui, depuis un an, doivent composer avec l’incertitude.
Une précarité étudiante exacerbée par la crise
Les étudiants subissent de plein fouet la crise sanitaire et ses conséquences économiques. En 2019, 20% des étudiants vivaient sous le seuil de pauvreté. « Précarité alimentaire, précarité en besoins de premières nécessité, fracture numérique sont le lot d’un trop grand nombre d’entre-eux », rappelle Éric Piolle. Le Centre communal d’action sociale (CCAS) distribue ainsi 400 repas chaque semaine aux étudiants en situation de précarité.
« La concurrence exacerbée, elle, commence dès ParcourSup et jalonne les parcours d’année en année : elle est une insécurité supplémentaire », ajoute le maire de Grenoble. Il pointe également du doigt des disparités de traitement entre les élèves. Ceux en classes préparatoire assistent aux cours en présentiel, alors que la grande majorité des étudiants suivent les cours à distance, par visioconférence.
Des jeunes en détresse psychologique
Cette précarité se traduit par une détresse psychologique. « A un âge où l’on se construit et qui détermine les horizons de toute une vie, ces fragilités impactent durablement la santé mentale », commente Éric Piolle. Et ces dernières semaines les suicides augmentent. A Grenoble, deux étudiants on mis fin à leurs jours depuis fin décembre. Et une autre personne a fait une tentative de suicide.
Face à cette situation, Emmanuel Macron a proposé un chèque psy pour permettre de consulter un professionnel.
Une « avancée » pour l’édile de Grenoble… mais un geste insuffisant. « Le manque d’offre de soins, la mésinformation des étudiants et les tabous encore prégnants sont autant d’obstacles qu’un “chèque psy” ne lèvera pas », tacle Éric Piolle.
« Nous demandons une campagne d’information massive autour de la santé mentale permettant aux étudiants de s’informer, d’être orientés et écoutés. Nous demandons le recrutement, en urgence, du plus grand nombre d’assistantes sociales et de psychologues », exhorte le maire de Grenoble. Les psychiatres subissent également depuis plusieurs années des baisses de dotations. Ce qui se traduit par une dégradation des soins, comme le relève La Croix.
Des moyens humains supplémentaires pour accueillir les élèves en présentiel
Emmanuel Macron a également annoncé le retour progressif des étudiants sur les campus. Dans un premier temps une journée par semaine. « Malgré ces annonces, le retour des étudiants en présentiel est complexe, dans les faits, en raison du manque de professeurs en capacité d’animer les travaux dirigés », constate Éric Piolle.
Le maire de Grenoble souhaite des moyens supplémentaires et l’indemnisation des enseignants à la hauteur de leur investissement. De plus, il craint que le Grenelle de l’éducation ne « dégrade le service public d’éducation à l’heure où des créations massives de postes devraient être proposées ». Une prise de position par laquelle l’élu plussoie aux revendications portées par les syndicats de l’Éducation nationale dans leurs mobilisations.
La mise en place d’un RSA jeune
Éric Piolle salue la mise en place de deux repas à un euro au Crous pour tous les étudiants. Mais pour lui, elle permet juste de combler les carences de l’État. « Cette mesure n’aurait cependant pas lieu d’être si le système de bourses couvrait l’ensemble des situations et si, par ailleurs, les aides sociales comme les APL n’avaient pas été amputées », attaque l’édile grenoblois.
Quelques mois après son élection, Emmanuel Macron a décidé de baisser les aides au logement (APL) alors que cette aide profitait aux plus modestes. Une mesure mal perçue alors que, dans le même temps, le président supprimait l’Impôt sur la fortune. « Retirer aux plus modestes 5 € par mois d’aide pour les redistribuer sous forme de soutien alimentaire ponctuel, c’est là toute l’incohérence de votre politique », tance Éric Piolle.
Dès lors, le maire de Grenoble demande le gel dans les coupes budgétaires. Ainsi que la mise en œuvre des objectifs du plan pauvreté. Et réitère enfin son soutien à la mise en place d’un RSA jeune.