Manifestation 26 janvier 2021 des étudiants et des enseignants. © Tim Buisson – Place Gre’net

Grenoble : ensei­gnants, étu­diants et lycéens dans la rue pour récla­mer plus de moyens pour affron­ter la crise

Grenoble : ensei­gnants, étu­diants et lycéens dans la rue pour récla­mer plus de moyens pour affron­ter la crise

REPORTAGE – Les syn­di­cats de l’Éducation natio­nale appe­laient à mani­fes­ter mardi 26 jan­vier par­tout en France. À Grenoble, le cor­tège a été rejoint par les étu­diants et les lycéens. Les ensei­gnants réclament une reva­lo­ri­sa­tion sala­riale, des créa­tions de postes et l’a­ban­don des dis­cus­sions du Grenelle de l’é­du­ca­tion. Les jeunes alertent sur leurs condi­tions d’é­tudes ren­dues com­pli­quées depuis qua­si­ment un an à cause des confi­ne­ments et des cours en dis­tan­ciel. La détresse est pal­pable et le malaise profond.

Les étudiants souhaitent la réouverture des facs. © Tim Buisson – Place Gre’net

Les étu­diants sou­haitent la réou­ver­ture des facs. © Tim Buisson – Place Gre’net

« Je suis pré­sent aujourd’­hui pour avoir plus de res­sources et de moyens dans l’é­du­ca­tion, mais aussi pour une meilleure prise en compte des besoins des élèves et des ensei­gnants », insiste Nicolas Cattié.

Ce pro­fes­seur de main­te­nance indus­trielle au lycée Vaucanson arbore un masque rouge siglé CGT sur la place de Verdun ce mardi 26 jan­vier. Comme lui, plu­sieurs mil­liers de per­sonnes ont répondu à l’ap­pel des syn­di­cats pour cette nou­velle jour­née de mobi­li­sa­tion.

En Isère, le mou­ve­ment a été ini­tié par la CGT, mais aussi Solidaires, FSU, FO, PAS, et Snalc. Les orga­ni­sa­tions étu­diantes sont éga­le­ment venues étof­fer le cor­tège. Enseignants et élèves, dans le même bateau, subissent en effet la crise sani­taire et ses nom­breuses conséquences.

Le cor­tège s’est élancé de la place de Verdun en direc­tion de Chavant en pas­sant par la rue Lesdiguères. Les mani­fes­tants sont ensuite pas­sés devant l’hô­tel de ville bou­le­vard Jean-Pain, puis ils ont tourné à gauche au niveau de la rue des Dauphins pour ter­mi­ner devant le rec­to­rat de Grenoble.

Un manque de moyens dénoncé par les enseignants

Dans la foule, un autre masque se dis­tingue : celui de Serge Paillard, secré­taire dépar­te­men­tal de la FSU Isère por­tant les trois lettres de son syn­di­cat. « On s’est tous rendu compte que l’é­cole et les ser­vices publics c’é­tait impor­tant », explique l’enseignant au lycée Pablo-Neruda de Saint-Martin-d’Hères.

Serge Paillard, enseignant et secrétaire départemental de la FSU Isère. © Tim Buisson – Place Gre’net

Serge Paillard, ensei­gnant et secré­taire dépar­te­men­tal de la FSU Isère. © Tim Buisson – Place Gre’net

Il dénonce un manque de moyens depuis plu­sieurs années dans l’Éducation natio­nale. Et sou­haite, pour pal­lier ces carences, la créa­tion de postes d’en­sei­gnants qui per­met­trait d’a­voir moins d’é­lèves par classe. Un atout en cette période de dis­tan­cia­tion physique.

Les syn­di­cats veulent éga­le­ment une reva­lo­ri­sa­tion de leur rému­né­ra­tion. « Le retard sur les salaires date d’une ving­taine d’an­nées, rap­porte Serge Paillard. C’est à peu près 1% par an. Là, ce n’est plus pos­sible ! » Le Grenelle de l’é­du­ca­tion est aussi dans le viseur des mani­fes­tants, qui sou­haitent son aban­don pur et simple.

Les ensei­gnant accusent les réformes de dégra­der encore leur quo­ti­dien. « On se retrouve avec des moyens dégres­sifs et un volume moyen heb­do­ma­daire pour l’é­lève qui va dimi­nuer », constate Nicolas Cattié. Qui prend pour exemple le cycle de la for­ma­tion de ses élèves passé de quatre à deux ans avec la trans­for­ma­tion de la voie professionnelle.

Jeunesse en dis­tan­ciel, détresse réelle

Et ils sont nom­breux, les jeunes, à battre le pavé sous le doux soleil hiver­nal. Dans la foule com­pacte, ils entonnent quelques slo­gans. « Macron t’es foutu, la jeu­nesse est dans la rue » ou encore « Tout le monde déteste le dis­tan­ciel ».

Laya, étudiante en première année de lettres modernes à Grenoble. © Tim Buisson – Place Gre’net

Laya, étu­diante en pre­mière année de lettres modernes à Grenoble. © Tim Buisson – Place Gre’net

La détresse gran­dit chez la plu­part d’entre eux. Laya porte une petite pan­carte où est des­siné un jeu de dames. Sauf que les pièces sont ensan­glan­tées. On peut lire « Les échecs sco­laires, ils jouent avec nos vies ».

L’étudiante en lettres modernes n’i­ma­gi­nait sans doute pas vivre une pre­mière année de fac dans ces condi­tions. « Jusque-là, j’a­vais seule­ment deux heures et demi de cours en dis­tan­ciel par semaine. C’est pas suf­fi­sant pour réus­sir une année et aller jus­qu’aux par­tiels », se désole-t-elle.

Laya n’a assisté à aucun cours en phy­sique. Impossible, dans ces condi­tions, de nouer des rela­tions avec des cama­rades de classe qu’elle ne connaît pas.

Et la crise affecte ses reve­nus. « Mes bourses ne couvrent même pas mon loyer, rap­porte-t-elle. Ma mère est en train de perdre son com­merce à cause du Covid et doit se mettre dans des ennuis finan­ciers chaque mois pour que je puisse conti­nuer mes études. » Le malaise se lit dans ses yeux. Les offres d’emploi pour les étu­diants sont désor­mais réduites à por­tion congrue. « Ça ne peut pas conti­nuer comme ça », juge Laya, le visage sou­dai­ne­ment éclairé par un sourire.

Dépression et isolement

À côté d’elle, une autre pan­carte attire l’at­ten­tion, avec des boîtes d’anti-dépresseurs col­lées : Xanax, Efexor et Risperdal. Et une ques­tion écrite au feutre noir : « Combien de preuves vous fau­dra-t-il ? » L’auteur de cette pan­carte, étu­diante ori­gi­naire de Turquie en mas­ter à l’é­cole d’ar­chi­tec­ture, a fait une demande d’en­tre­tien avec un psy­cho­logue lors du confi­ne­ment. On lui a donné ren­dez-vous… quatre mois plus tard.

Les étudiants souhaitent une repirse des cours et un accompagnement pour lutter contre la précarité. © Tim Buisson – Place Gre’net

Les étu­diants sou­haitent une reprise des cours et un accom­pa­gne­ment pour lut­ter contre la pré­ca­rité. © Tim Buisson – Place Gre’net

Les cours en dis­tan­ciel et le manque d’in­te­rac­tions sociales ont pesé sur son moral. En détresse, elle a fait une ten­ta­tive de sui­cide. Après cet acte, l’é­tu­diante a fina­le­ment pu être reçue chez un pro­fes­sion­nel. « Pour être écou­tés, on est obli­gés d’al­ler aussi loin, je trouve ça ter­rible ! », estime-t-elle. Et ils sont nom­breux à être en souf­france comme elle. Deux étu­diants se sont même sui­ci­dés à Grenoble depuis décembre.

Des annonces pré­si­den­tielles jugées « insuffisantes »

Pour sor­tir de cette situa­tion de plus en plus dégra­dée, les orga­ni­sa­tions étu­diantes exigent le retour des cours en pré­sen­tiel, un plan natio­nal contre la pré­ca­rité et l’embauche de psy­cho­logues et d’as­sis­tantes sociales.

Hugo Prévost, président de l'UEG fait face à la détresse des étudiants. © Tim Buisson – Place Gre’net

Hugo Prévost, pré­sident de l’UEG fait face à la détresse des étu­diants. © Tim Buisson – Place Gre’net

Le pré­sident de la République a d’ores et déjà annoncé des aides pour les étu­diants. Avec la mise en place de deux repas à un euro pour tous au Crous ainsi que l’ins­tau­ra­tion d’un chèque pour pou­voir consul­ter un psy­cho­logue. « C’est lar­ge­ment insuf­fi­sant », tance Hugo Prevost pré­sident de l’Union des étu­diants de Grenoble (UEG). Également porte-parole de l’as­so­cia­tion Génération pré­ca­rité qui orga­nise des dis­tri­bu­tions ali­men­taires, il a constaté une hausse de la détresse.

« À un moment donné, les asso­cia­tions étu­diantes peuvent mettre toute la bonne volonté du monde, tant que le gou­ver­ne­ment n’a­git pas et ne met pas la main au por­te­feuille, ça [ne] sert pas à grand chose, insiste Hugo Prévost. C’est comme un pan­se­ment sur une jambe de bois ! »

Un retour pro­gres­sif des étu­diants sur les campus

Emmanuel Macron a éga­le­ment annoncé le retour des étu­diants sur les cam­pus. Un retour pro­gres­sif, à rai­son d’un jour par semaine. Une annonce qui va dans le bon sens pour Hugo Prévost, mais qui reste « floue ». Les syn­di­cats sou­haitent des actes forts et concrets. L’UEG s’est asso­cié à 33 autres orga­ni­sa­tions a inter­pellé en ce sens le gou­ver­ne­ment dans une tri­bune.

La manifestation s'est terminée devant le rectorat de Grenoble. © Tim Buisson – Place Gre’net

La mani­fes­ta­tion s’est ter­mi­née devant le rec­to­rat de Grenoble. © Tim Buisson – Place Gre’net

En atten­dant des mesures concrètes du gou­ver­ne­ment, la détresse s’am­pli­fie. « On a peur de ne pas s’en sor­tir finan­ciè­re­ment. On a peur de ne pas sur­vivre psy­cho­lo­gi­que­ment à la crise. On a peur de ne pas réus­sir nos études. On a peur pour notre ave­nir et de ne pas en avoir tout sim­ple­ment », résume Layla.

Tim Buisson

Un peu plus de 10% de gré­vistes dans l’a­ca­dé­mie de Grenoble, selon le rectorat

Banderole déployée par les enseignants du collèges des 6 vallées de Bourg d'Oisans. © Tim Buisson – Place Gre’net

Banderole déployée par les ensei­gnants du col­lège des 6 val­lées de Bourg-d’Oisans. © Tim Buisson – Place Gre’net

Les ensei­gnants étaient nom­breux à battre le pavé pour cette nou­velle jour­née de mobi­li­sa­tion, mardi 26 jan­vier. Des centaines.

Parmi ceux du pre­mier et du second degré, 11,1% ont fait grève, selon le rec­to­rat de Grenoble. À savoir, 15,3% dans l’en­sei­gne­ment secon­daire, 7% dans le pri­maire et 6,32% parmi les autres per­son­nels (admi­nis­tra­tifs, vie sco­laire…). Des chiffres tou­te­fois contes­tés par les syn­di­cats qui estiment que 30 à 40 % des ensei­gnants étaient grévistes.

La Ville de Grenoble avait pour sa part annulé la res­tau­ra­tion dans ses can­tines en rai­son d’un per­son­nel insuf­fi­sant pour rece­voir les enfants. Au total, dans l’Académie de Grenoble, 10,3% des per­son­nels édu­ca­tifs se sont décla­rés en grève pour cette mobilisation.

Tim Buisson

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