FOCUS – Impossible de rouvrir les stations de sports d’hiver avant le mois de janvier a affirmé Emmanuel Macron, lors de sa prise de parole présidentielle, mardi 24 novembre dans la soirée. De quoi doucher les espoirs des professionnels de la montagne qui préparaient le déconfinement. Et susciter la tristesse, voire la colère, des élus locaux, dont la vice-présidente en charge du Tourisme du Département de l’Isère.
À Chamrousse, on jubilait déjà : « Les premières gelées sont là, les sommets blanchissent et on ne pense plus qu’à ça ». Même tonalité à l’Alpe du Grand-Serre : « Le givre du matin nous rappelle que l’hiver arrive et on a hâte ! » Des messages postés sur Facebook par les stations de ski iséroises… quelques jours ou quelques heures avant l’allocution du président de la République, mardi 24 novembre. Mais celle-ci a refroidi leur enthousiasme.
« Il me semble impossible d’envisager une ouverture pour les fêtes, et bien préférable de privilégier une réouverture courant janvier dans de bonne conditions », a ainsi déclaré Emmanuel Macron à propos des stations de sports d’hiver. Si l’occupant de l’Élysée indique que « les décisions seront prises très prochainement », la perspective d’une ouverture des pistes en 2020 semble donc bel et bien enterrée.
Le monde de la montagne sous le choc
De quoi provoquer tristesse et colère. Dans un communiqué, Les Deux-Alpes font part de leur « immense déception » après l’annonce de l’Élysée. « Pourtant, depuis deux mois, c’est une mobilisation à l’échelle nationale qui a été menée avec les hautes autorités et l’ensemble des professionnels de la montagne pour convaincre de notre responsabilité face à la pandémie et de trouver des solutions », rappelle l’office de tourisme.
La station l’affirme : elle va « continuer à se battre ». Le maire des Deux-Alpes a ainsi convoqué deux conseils extraordinaires, l’un administratif et l’autre municipal, afin de pouvoir « imaginer des solutions ». « La situation est grave et il y a nécessité à rassembler Les Deux Alpes afin de trouver des solutions ensemble », insiste la station. Qui exprime également sa détermination sur Facebook : « Nous allons continuer à nous battre pour pouvoir vous accueillir pour les fêtes de fin d’année ! »
Les stations peuvent-elles compter sur le soutien du conseil départemental de l’Isère ? Sa vice-présidente en charge du Tourisme, de la Montagne et des Stations se dit en tout cas « sous le choc de l’annonce présidentielle ». Chantal Carlioz connaît par ailleurs bien les réalités économiques des stations de ski, pour avoir été durant deux mandats maire de Villard-de-Lans. Avant de perdre son siège à la faveur du premier tour des municipales de mars 2020.
Elle fait, elle aussi, part de son incompréhension : « Nous étions en discussion, nous préparions avec l’ensemble des acteurs de la montagne l’ouverture des stations, nous attendions la validation du protocole sanitaire d’ouverture en cours ». Et Chantal Carlioz d’ajouter que « le Premier ministre, [mardi 24 novembre] lors de ses discussions avec le milieu de la montagne, avait annoncé une décision le 5 décembre ».
Le tourisme hivernal, grand pourvoyeur d’emplois saisonniers
Michel Savin et Frédérique Puissat, sénateurs LR de l’Isère, s’étaient de leur côté fortement mobilisés ces derniers jours, aux côtés de leurs collègues sénateurs des territoires de montagne « pour venir soutenir les élus et les acteurs économiques des stations de montagne ».
Ils s’inquiétaient notamment des conditions d’accès au chômage partiel pour les personnels saisonniers, dont les recrutements étaient en cours et régulièrement bloqués.
Les sénateurs demandaient par ailleurs « que les professionnels des stations de montagne puissent bénéficier de dérogation pour l’accès aux dispositifs de soutien mis en œuvre par le gouvernement dans le cas où les touristes ne seraient pas au rendez-vous (activité partielle, fonds de soutien) ».
Enfin, ils appelaient « au déploiement prioritaire des tests antigéniques dans les stations de montagne, tant pour sécuriser les personnels saisonniers et les habitants, que pour anticiper l’afflux de touristes ». Pour Michel Savin et Frédérique Puissat, « si tout doit être fait dans la lutte contre la covid-19, tout doit également être fait pour soutenir l’économie touristique saisonnière de notre territoire. L’État ne devra pas manquer ce rendez-vous ! » Une économie qui représenterait tout de même, selon les deux sénateurs, 10 000 milliards d’euros de retombées.
Des décisions de « bureaucrates parisiens » qui « étouffent les Français »
En attendant d’autres réactions politiques, à commencer par celle de Laurent Wauquiez, soutien indéfectible des stations de ski, c’est… le Rassemblement national qui prend la plume. Et la trempe dans le vitriol.
Alexis Jolly, son délégué départemental, pourfend ainsi les « bureaucrates parisiens » dont les décisions « étouffent les Français ». Et mettent en danger 120 000 emplois saisonniers. Un chiffre qui correspond, selon les sénateurs LR isérois, au nombre d’emplois directs et indirects induits par l’économie montagnarde hivernale.
L’équilibre économique des stations n’est en effet pas la seule en danger. Dans une note publiée au mois de mars 2019, l’Insee rappelait que l’emploi saisonnier est majoritairement lié au tourisme hivernal sur la région Auvergne-Rhône-Alpes. Des emplois souvent occupés par des jeunes, rarement à temps-plein et généralement moins payés que la moyenne. Mais qui peuvent représenter sur certains territoires près de 10 % de l’emploi total.