EN BREF - La chambre régionale des comptes s'est, elle aussi, penchée sur les emprunts toxiques contractés par la Ville de Sassenage. Les magistrats financiers, qui avaient déjà alerté sur les risques en 2009, mettent en garde la commune sur l'absence de stratégie de gestion de la dette née de la souscription de ces prêts.
Sassenage avait contracté des emprunts en 2007 pour 9 millions d'euros. © Patricia Cerinsek
La Ville de Sassenage n'en a pas fini avec ses emprunts toxiques. Certes, l'épisode judiciaire est passé *. Dexia, auprès de qui la commune avait contracté deux prêts en 2007, a été condamnée en octobre 2018 à payer à la commune plus de 800 000 euros de dommages et intérêts.
Moyennant quoi, Sassenage doit continuer de verser à la banque des intérêts exorbitants pour un prêt qui court jusqu’en 2032. Et a dû souscrire des prêts de refinancement sur un durée allant jusqu'à 33 ans. Soit jusqu'en 2042.
Les magistrats financiers, qui ont passé au crible la gestion de la ville dans un rapport publié le 18 septembre 2020, se sont attardés sur ce volet de la politique municipale. Ce n'est pas la première fois. Dans un précédent rapport sorti en 2009, la chambre régionale des comptes (CRC) avait déjà tiqué. Et exprimé « de fortes réserves sur la politique de l'ordonnateur en matière de gestion de la dette, particulièrement concernant l'échelonnement excessif de la dette et le choix des taux risqués ».
« Une augmentation de 70 % du capital à rembourser »
Car les deux emprunts avaient été contractés en 2007 pour un montant total de près de 9 millions d'euros et pour une durée de 35 ans. Renégociés en 2009 et 2010, l'un d'entre eux était devenu toxique avec des taux d'intérêt annuels oscillant entre 7 et 15 %. « L’allongement de la durée de la dette s’est accompagné d’une augmentation de 70 % du capital à rembourser, souligne la CRC. La commune rembourse avant tout des intérêts : entre 2012 et 2019, l’encours de dette a peu varié. »
Une étude de 2012, commanditée par la collectivité, illustre les risques pris par l’ordonnateur souligne la CRC, qui synthétise les données dans un tableau.
Résultat ? « Cela contraint donc durablement, jusqu’en 2032 (fin des emprunts structurés), la collectivité à limiter ses investissements, en l’absence d’un excédent brut de fonctionnement fortement revalorisé par une hausse de la fiscalité. » Et la commune qui, ces dernières années, payait entre 500 et 900 000 euros d’intérêts par an, va encore devoir mettre la main à la poche pendant quatorze ans, comme nous le relations en 2018.
Sassenage avait renoncé au fonds de soutien. Un mauvais choix pour la CRC
Un moindre mal, comme l'objectait le maire Christian Coigné à l'époque ? « Accepter les négociations avec l’État ? Quand on fait le calcul, ça va nous coûter plus cher avec un allongement du prêt et des intérêts élevés que l’on va payer pendant des années ! », avait assuré le maire à Place Gre'net.
Christian Coigné © Nils Louna
La commune avait donc fait le choix d'engager un contentieux contre Dexia, et donc de ne pas abonder au fonds de soutien de l'État. Un choix de prime abord pas complètement irraisonné.
« Le coût dans l’hypothèse du recours au fonds de soutien n’aurait pas été moindre que celui de la situation actuelle d’activation de la barrière d’un des emprunts », admet la CRC.
Sauf que la commune n'a pas intégré toutes les dépenses générées par ces recours successifs. Entre le coût de l'analyse financière, les honoraires d'avocats, les intérêts de retard et les frais de refinancement et de courtage, la chambre a calculé que la gestion du contentieux avait généré 1,15 million d'euros de frais annexes.
« D’autre part, le recours au fonds de soutien aurait définitivement désensibilisé la dette, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », soulignent les magistrats. Qui mettent en garde.
« En cas d’augmentation des taux, la compensation des intérêts d’emprunt pris en charge par Dexia ne suffirait pas à maintenir les grands équilibres du budget communal et exposerait la collectivité à des arbitrages indispensables, rapides et importants, soit en réduisant les dépenses (en compromettant les investissements pourtant nécessaires au regard de leur report au cours des années précédentes ou en faisant supporter un effort majeur sur les dépenses de fonctionnement), soit en augmentant les recettes de fonctionnement par le levier fiscal. »
Patricia Cerinsek
*La Caffil (ex-Dexia) a formé un pourvoi en cassation après la décision de la cour d'appel de Versailles, le 4 octobre 2018, de revoir à la baisse la peine prononcée en première instance.