FOCUS – La réélection de Christophe Ferrari à la tête de la Métropole continue d’agiter les passions. Le groupe de Yann Mongaburu, Une Métropole d’Avance (UMA), a officiellement réagi ce jeudi 23 juillet. Soutenu par La France Insoumise et EELV, il réclame ni plus ni moins la démission du président réélu. A contrario, Emilie Chalas (LREM), le Parti radical de gauche, ainsi que Grenoble nouvel air, lui ont apporté son soutien. Analyse au prisme de la démocratie de ce scrutin controversé.
Près d’une semaine après la réélection de Christophe Ferrari à la tête de la Métropole, la pilule ne passe toujours pas pour ses détracteurs qui pensait acquise la victoire de Yann Mongaburu.
Céline Deslattes et Francis Dietrich, co-présidents du groupe Une Métropole d’avance (UMA), ont ainsi signé un communiqué de presse acide ce jeudi 23 juillet.
L’élection métropolitaine, qu’ils qualifient de « Vendredi noir pour la démocratie », marque selon eux « un déni démocratique profond ». Et instaure « une crise politique sans précédent au sein de l’institution ».
Le cœur de leur argumentaire ? Le fait que Christophe Ferrari se soit maintenu au troisième tour, malgré sa place de second aux deux précédents. Ce qui aurait assuré « son élection avec l’ensemble des voix des droites : LREM, UDI, LR, A. Carignon et ses collègues ainsi que la voix du RN ». Conjointement avec le retrait de la candidature de Dominique Escaron.
Christophe Ferrari « sans exécutif, sans projet et sans valeurs »
« Président de Métropole élu par son opposition, contre son ancienne majorité, contre les trois plus grandes communes du département et ses habitants », l’action de Christophe Ferrari est qualifiée de « parjure ». Autre reproche formulé par le groupe UMA, le report de l’élection de membres de l’exécutif. « Bien que prévue à l’ordre du jour et conformément aux textes en vigueur ». La séance s’étant terminée après minuit, après près de 11 heures de débat, le nouvel exécutif avait alors invoqué l’heure tardive.
Des griefs qui expliquent que le groupe de Yann Mongaburu oppose la « très large majorité d’élu.e.s des gauches, écologistes et citoyens [ayant] pleine vocation à piloter les politiques publiques » à « l’homme seul [élu] par les droites et l’extrême droite ».
Et le groupe pro-Mongaburu de parachever le sombre tableau : Christophe Ferrari serait « sans exécutif, sans projet pour le territoire et sans valeurs ». UMA décrète donc refuser de participer « à cette stratégie politique assumée visant à diviser pour mieux régner ».
En découle une situation complexe du point de vue de la gouvernance métropolitaine. Que le groupe constate lui-même : « L’intercommunalité est au point mort pour plusieurs mois. » Solution proposée ? Tout simplement, que Christophe Ferrari démissionne séance tenante, « dans l’intérêt du territoire et de celles et ceux qui le font vivre ».
Un blocage institutionnel avéré
Les soutiens politiques de la majorité d’Eric Piolle à Grenoble – dont la France Insoumise et EELV Rhône-Alpes – ont, sans surprise, officiellement ajouté leurs voix à celle d’UMA. Les secrétaires d’EELV considèrent ainsi dans un communiqué que Christophe Ferrari n’a pas accepté « le signal fort des électeur·trices qui ont placé l’écologie en tête ». Tout en reconnaissant malgré tout que « le bilan de la majorité sortante conduite pourtant par M. Ferrari et les écologistes est bon ».
Dans le même temps, ils se disent convaincus que ces avancées n’auraient pu se poursuivre sous l’égide du président sortant et annoncent donc « un probable retour à un guichet communal, une super intercommunalité à l’ancienne ». Sans exclure, malgré tout, de travailler « avec un PS de gauche ».
Les insoumis.es de la Métropole, dont la colère perdure visiblement, usent, eux, d’un champ lexical bien plus agressif. « Un conclave des pires magouilles et des pires tambouilles », « une scélérate alliance », « de sordides tractations contre-natures »…
Pour eux, « c’est une alliance de tous les rejets qui s’est imposée, sur fond d’agitation des peurs d’une supposée volonté “hégémonique” de la ville-centre. » Et les Insoumis de rappeler que « plusieur-es élu-es socialistes ont d’ailleurs affirmé lui avoir fait défaut au troisième tour ». Trois votes blancs lors du tour final, en l’occurrence.
Puisqu”«aucune réconciliation n’est possible dans ces conditions », les groupes d’actions LFI signataires du communiqué défient le président de la Métro d”«assumer jusqu’au bout son parjure ». Et lui proposent de constituer son exécutif « avec LREM, LR, Carignon et le RN […] qui ont participé à son élection ». Ajoutant que si celui-ci en est incapable « et veut donner suite aux remords hélas tardifs formulés par la direction du Parti socialiste », il doit se démettre de ses fonctions.
Affrontement de plusieurs définitions de la démocratie pour ou contre Ferrari
En trame de fond, se joue la question de la légitimité du scrutin particulier qu’est l’élection métropolitaine. LFI dénonce ainsi « le caractère honteusement antidémocratique de ces intercommunalités », appelant à une « profonde transformation de nos institutions républicaines ».
Et en effet, si l’on se place sur le plan de la démographie, ces trois plus grandes communes ont un poids très important dans la Métro. Devrait-il pour autant y avoir une main-mise de ces dernières au détriment des plus petites communes ?
Tel est le sujet auquel entend répondre Emilie Chalas dans un communiqué en date du 22 juillet, qui souligne les différences entre la commune et l’intercommunalité. « L’institution métropolitaine ne se gère pas comme un conseil municipal : il s’agit de rassembler, de faire consensus, et non pas de cristalliser une majorité contre une opposition », souligne t‑elle.
En effet, si Grenoble est la commune la plus peuplée de la Métropole, elle est loin d’être la plus grande, géographiquement parlant. Et le rôle de l’intercommunalité, selon Emilie Chalas, est bien « de gérer des espaces. Dont une majorité dans notre territoire à vocation agricole et naturelle ; de protéger des ressources ; de garantir des équilibres territoriaux ». Puisque « l’intercommunalité représente autant les territoires que les habitants », la voix de chaque commune doit donc peser.
Et d’enfoncer le clou, qualifiant le comportement du maire de Grenoble de « revanchard ». « Ces maires [de communes plus petites, ndlr] ne sont pas moins légitimes que lui ! Entendre Eric Piolle dénoncer dimanche matin, je cite, « le viol de la démocratie » est scandaleux ! Il n’y a pas de sous-maires ou de sous-citoyens. »
« L’intérêt communautaire » doit primer
Le Parti radical de gauche de l’Isère (PRG 38) insiste également sur la nécessité de respecter la démocratie. Sans prendre parti sur le fond, la fédération déclare que « parce que la démocratie ne se conteste pas, parce que Christophe Ferrari a été élu démocratiquement », il serait bon que la Métro puisse travailler avec un exécutif représentatif de la majorité de gauche et écologiste.
En rappelant que le premier mandat du président était « plus qu’honorable ». Et en insistant sur le fait que les « chantages institutionnels et les postures politiques » entachent l’image de la démocratie représentative – surtout dans le cas d’un suffrage indirect.
Grenoble Nouvel Air, à qui s’était associé le PRG 38 durant les municipales, en revient aux fondamentaux. « L’impératif de dialogue et de rassemblement », dans cette situation de flottement sur le devenir de l’exécutif. Car à ce stade, « la promotion de « l’intérêt communautaire » est l’affaire de tous ». GNA appelle ainsi à la constitution rapide d’un exécutif de la Métropole qui serait fondé sur « la majorité issue des élections municipales de 2020 dans l’intérêt du territoire. »
Le tout en garantissant le soutien de leurs élus métropolitains à Christophe Ferrari. Le groupe d’élus présidé par Oliver Noblecourt (NASA) se déclare en effet « confiant dans la détermination de Christophe Ferrari à porter cette dynamique ».