EN BREF – Une super-héroïne pour combattre le harcèlement de rue. Voila l’idée originale au cœur de la bande dessinée Super Cyprine de l’autrice grenobloise Tess Kinski. Financée grâce à la plateforme Ulule, cette BD met en scène une “vengeuse de la nuit” qui montre la colère des femmes victimes de harceleurs. Sortie prévue au printemps 2021.
La couverture de la bande dessinée Super Cyprine. © Tess Kinski
Une colère qui monte, celle de Cypry, une jeune femme qui travaille dans un cabaret du quartier Pigalle. Une colère face à du harcèlement de rue qu’elle accepte de moins en moins : sifflements, interpellation sur le mode « Eh mad’moiselle ! » ou autres… Un jour, elle décide de passer à l’action et de punir les harceleurs. Comment ? Grâce à sa cyprine (sécrétion vaginale produite en état d’excitation sexuelle) corrosive.
« Un jour, j’étais dans la rue et je me suis fait harceler », raconte Tess Kinski, son autrice grenobloise. Dans ces moments-là, on a tous et toutes en tête un scenario sur la façon dont on aurait dû répondre, comment on aurait dû réagir. Je suis rentrée et j’ai décidé de créer cet alter-ego, ce personnage de fiction pour me libérer de cette colère », explique-t-elle. L’idée de la super-héroïne aux fluides mortels est née.
Une bande dessinée qui se veut féministe mais qui s’adresse à tout le monde, insiste Tess Kinski. « Cette super-héroïne est une métaphore. Elle représente les femmes victimes du harcèlement mais également toutes les personnes qui se sont déjà fait harceler. De plus, elle est entourée de personnages masculins et féminins qui l’aident dans son combat. C’est avant tout l’histoire d’une personne qui ne sait pas se dépêtrer et qui se venge. »
Un album auto-édité
Tess Kinski, âgée de 30 ans, travaillait auparavant en tant que chef de projet dans une grande entreprise parisienne. Elle s’est reconvertie, il y a deux ans, dans l’illustration et est revenue à Grenoble. La bande dessinée qu’elle a imaginée devait initialement être éditée par une maison d’édition, mais le coronavirus ainsi que la frilosité des éditeurs n’ont pas permis de concrétiser son projet.
« De manière générale, la fiction féministe est un genre qui n’est pas beaucoup marqué et ne trouve pas toujours sa place dans la ligne éditoriale des éditeurs », regrette-t-elle. « Mon cousin me disait qu’il fallait que je m’auto-édite. » La jeune dessinatrice a donc ouvert une page Ulule pour financer sa première BD. « Mais il est vrai que gérer l’édition est moins reposant qu’une édition par une maison », reconnaît-elle.
Planche de présentation de l’héroïne « Super cyprine » © Tess Kinski
Super-héroïnes et féminisme
L’autrice Tess Kinsky à Grenoble, en pleine séance de travail. © Tess Kinski
Sur sa page Ulule, Tess compare son héroïne à une « sorte de Catwoman ». Bien évidemment, la ressemblance s’arrête à l’image de la super-héroïne sortant la nuit. Son personnage Cypry se veut beaucoup plus réaliste et moins sexualisée.
« Catwoman, c’est l’image d’un fantasme masculin. Une séductrice déguisée en chat. Ici, je propose une autre approche, un autre angle pour mon héroïne. Elle n’est pas déconnectée comme peuvent l’être d’autres super-héros de comics. Elle est authentique dans ses sentiments. »
L’autrice veut dresser Cypry en étendard de la parole des femmes face aux situations de harcèlement. Elle place beaucoup d’espoirs dans la jeune génération pour les combats d’égalité des sexes et contre les violences verbales et physiques faites aux femmes. « Je reste plutôt optimiste, mais je ne comprends pas les messages envoyés par ce nouveau gouvernement. Tant qu’on aura cette génération de vieux au pouvoir, ça ne changera pas de ce côté-là. »
Cette première BD aura-t-elle une suite ? « Peut-être. J’ai déjà des idées pour un autre personnage, rattaché à celui de Super Cyprine ». En attendant, la campagne Ulule se poursuit jusqu’au 18 juillet. Et tout laisse penser que la bande dessinée pourra sortir au printemps 2021.
Corentin Bemol