FOCUS – Des intermittents du spectacle se sont rassemblés, ce mardi 2 juin 2020 à Grenoble, pour dénoncer un secteur culturel « sinistré » suite à la crise sanitaire. Estimant être probablement les derniers à retrouver une activité normale, ils exigent des mesures concrètes de la part du gouvernement. Notamment à travers la publication d’une tribune appelant à une mobilisation massive pour faire valoir l’ensemble de leurs revendications.
Une trentaine d’intermittents du spectacle se sont rassemblés ce mardi 2 juin 2020 sur le coup de midi au pied de la statue de Bayard, place Saint-André. Alors que les cafetiers et restaurateurs rouvrent (enfin) leurs commerces et terrasses, les intermittents, eux, continuent à broyer du noir. Dénonçant un « secteur artistique et culturel sinistré » suite à la crise sanitaire, ces derniers souhaitaient ainsi faire entendre leur voix.
Les intermittents du spectacle inquiets pour leur avenir
Balayant « les effets d’annonce » du président de la République et du ministre de la Culture – qui ne changent rien à leur réalité quotidienne –, les artistes et techniciens ont exigé des mesures concrètes, adaptées à leurs pratiques. Notamment à travers des prises de parole et quelques témoignages reflétant la gravité d’une situation de leur aveu, de plus en plus précaire.
Qu’ils soient comédiens, chorégraphes, metteurs en scène, musiciens, chanteurs, administratifs ou techniciens, tous partagent la même inquiétude de l’avenir. Et pour cause. Si la culture a été l’un des premiers champs professionnels à devoir cesser toute activité, il sera probablement « parmi les derniers à retrouver une activité normale », estiment ces professionnels du spectacle.
La crise sanitaire jugée « désastreuse » pour les intermittents du spectacle
Principalement en cause ? L’annulation de dizaines de milliers de contrats, privant salariés et structures de revenus depuis le mois de mars. De quoi « fragiliser dramatiquement leurs trésoreries », alerte Patrick Seyer de la fédération Spectacle et culture de la CGT.
Ce dernier s’émeut d’une situation qu’il juge catastrophique. « On ne compte plus les grands festivals et manifestations culturelles annulés. Mais aussi un nombre considérable d’évènements plus modestes, eux aussi pourvoyeurs de contrats importants », rappelle-t-il. Et ce n’est pas tout, poursuit Patrick Seyer : « Le confinement a également conduit à supprimer de nombreuses interventions programmées dans le cadre de l’éducation populaire. »
Pour le syndicaliste, les effets de ces annulations sont « désastreux » pour les compagnies. « Non seulement ils surviennent dans une période d’intense activité culturelle mais, de surcroît, ils vont être durables », affirme-t-il. Quant à transférer les événements supprimés sur la prochaine saison, autant parler d’une mission impossible, tranche Patrick Seyer.
« Nous vivons une situation dramatique, tant pour les salariés que pour les structures. Notamment les structures associatives dont un certain nombre risque de disparaître », appuie le syndicaliste. Qui ne cache pas son amertume et son désappointement. « Force est de constater que le secteur de la culture est la cinquième roue de la charrette », s’indigne-t-il.
« Nous assistons à la gestion de l’incurie de l’après-crise »
La raison de son courroux ? L’annonce, le 6 mai 2020, par Emmanuel Macron, d’une année blanche. En d’autres termes, la prolongation jusqu’à la fin août 2021 des droits à l’assurance chômage des intermittents du spectacle. Sauf que, et c’est là que le bât blesse, les textes réglementaires se font toujours attendre. « Suite à cette déclaration, aucun écrit officiel n’est venu la compléter », fulmine Patrick Seyer.
« Ce que nous voyons c’est qu’après l’incurie criminelle de la gestion de la crise, nous assistons à la gestion de l’incurie de l’après-crise », pourfend-il. « Comme toujours, la solution sera encore de se bagarrer », conclut, un peu dépité, le syndicaliste.
Que réclament les intermittents ? Des discussions paritaires avec leurs organisations et l’adaptation des règles d’assurance chômage à leurs spécificités. Mais surtout des « propositions concrètes » de la part de l’État. Le tout basé sur un socle revendicatif gravé dans le marbre d’une tribune unitaire baptisée « Bas les masques », dans la lignée de l’appel éponyme des soignants.
En d’autres termes ? Ni plus, ni moins qu’une invitation à la mobilisation massive des secteurs de la culture et des arts. « C’est grâce à cette solidarité que nous pourrons créer un rapport de force avec le gouvernement et le patronat et imposer une société plus juste », expliquent ses signataires.
« Ce qu’on constate, c’est qu’il n’y a que la mobilisation qui paye ! »
Ceci posé, les intermittents souhaitent amplifier la mobilisation. « Aujourd’hui, ce n’est qu’un démarrage et nous espérons que la prochaine fois nous serons plus nombreux. Ce qu’on constate, c’est qu’il n’y a que la mobilisation qui paye ! », lance le réalisateur Michel Szempruch. « Et ce qui nous guide, assure-t-il, c’est que personne ne reste sur le carreau. »
L’occasion, pour les manifestants, de rappeler que les organisations du secteur de la santé appellent à une grande mobilisation dans toute la France le 16 juin prochain. « Nous soutenons et reprenons leur appel […] pour une réelle démocratie et une véritable justice sociale, économique et écologique », clament les intermittents. « Dans ce vaste chantier, les travailleuses et travailleurs de la culture et des arts ont leur rôle à jouer », estiment-ils.
Joël Kermabon