FOCUS – Ce vendredi 29 mai 2020, lendemain des annonces concernant le déconfinement, plusieurs organisations ont fait part de leurs craintes. Elles redoutent en effet que l’état d’urgence sanitaire puisse déboucher sur une « mise en quarantaine de la démocratie ». Inquiets, les militants dénoncent « un régime d’exception liberticide et antisocial » allant à l’encontre des libertés individuelles.
« Nous n’étions pas contre le confinement mais nous souhaitions qu’il ne soit pas en même temps un bâillon et que la liberté de réfléchir et de critiquer puisse rester pleine et entière. »
Denis Fabre de la Ligue des droits de l’Homme Grenoble-Métropole (LDH) était le premier à s’exprimer ce vendredi 29 mai 2020 en fin de matinée lors d’un point presse organisé symboliquement devant la préfecture de l’Isère.
Le militant était accompagné d’une dizaine de militants issus de plusieurs organisations1Voir note de bas de page, toutes signataires de l’appel « Non, la démocratie ne sera pas en quarantaine ! » exigeant le rétablissement des libertés fondamentales. Une réunion fort opportune au lendemain des annonces du gouvernement concernant la phase deux du déconfinement.
Principalement en cause ? Les dispositions de l’état d’urgence sanitaire instaurant, selon les militants, « la mise en place d’un régime d’exception » à leurs yeux « liberticide, antisocial et inopportun ». Ce dont les défenseurs des libertés présents se sont expliqués à plusieurs voix
« Une restriction des libertés fondamentales sans précédent dans le pays »
« L’application de dispositions qui existaient déjà2Notamment l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence permettait de renforcer les mesures de précaution », explique Denis Fabre. « À travers ses ordonnances, l’exécutif dispose maintenant de pouvoirs exorbitants dans de très nombreux domaines, y compris après la fin de l’état d’urgence sanitaire », s’inquiète le militant. Qui enfonce un peu plus profondément le clou. « Nous assistons là à une restriction des libertés fondamentales sans précédent dans notre pays », juge le représentant de la LDH.
Dans sa ligne de mire ? Toutes les dispositions qui ont restreint la liberté de circuler et d’entreprendre, de manifester et de se réunir, mais aussi le droit à la vie privée et à l’éducation. Autre grief formulé par Denis Fabre : celui d’une « activité policière incontrôlée, le plus souvent en dehors des règles de l’état de droit ». Et celui de prendre pour exemple le 1er mai 2020.
« Avant-hier, le Parlement a adopté l’application StopCovid, pourtant largement contestée, et demain ce sera la loi Avia contre les contenus haineux sur internet », cite notamment Denis Fabre pour illustrer ses propos. Pour ce dernier, l’affaire est entendue : « tout porte à croire que le jour d’après ressemblera au jour d’avant ». Et celui-ci de rappeler : « Les libertés fondamentales ne sont pas un supplément d’âme, elles sont indispensables à la démocratie ».
L’abrogation de toutes les « ordonnances liberticides » de l’état d’urgence sanitaire
Même registre mais avec un degré vindicatif de plus pour Pascal Costarella, de la Fédération de l’Isère de la libre pensée. Selon ce dernier, nous serions « aujourd’hui en Macronie plus proche de la dictature que de la démocratie ». Parvenu au terme de sa déclaration, le militant pose les exigences de sa fédération : « Qu’il soit mis fin à l’état d’urgence dit sanitaire et à toute forme d’interdiction arbitraire subie par la population ».
Mais pas seulement. La Libre pensée réclame aussi « l’arrêt immédiat des poursuites et l’abrogation des ordonnances liberticides ».
« L’argument sanitaire a servi à bien des choses mais il sert aujourd’hui à museler la démocratie », considère, quant à lui, Benjamin Moisset du syndicat Solidaires.
« Nous ne pouvons que subir les conséquences économiques de cette crise, sans pour autant pouvoir revendiquer. Nous réclamons de pouvoir manifester, ce qui est notre droit le plus fondamental. »
« Une assemblée constituante à même de répondre aux urgences de la situation »
Intervenant à son tour, Bona Mariano d’Ensemble ! Isère est resté sur la même ligne que ses prédécesseurs, y rajoutant ses préoccupations. « La gestion de la pandémie ne peut pas se gérer de manière militaire et autoritaire. Il faut lui associer la population », a‑t-il renchéri. Avant d’évoquer la situation des sans-papiers, selon lui en grand danger faute d’hébergement. « Ils sont condamnés soit à la promiscuité soit à la rue, ou bien entassés dans les centres de rétention. Il y a, là, un vrai souci d’égalité de droits », a ainsi dénoncé Bona Mariano.
Dernier à s’exprimer, Yves Gerin-Mombrun du Parti ouvrier indépendant et démocratique (Poid 38), a quant à lui expliqué qu’il souhaitait en finir avec les institutions antidémocratiques de la Ve République.
« Il nous faut avancer vers une assemblée constituante à même de répondre aux urgences de la situation », a‑t-il préconisé au cours de son intervention.
De cette manière, considère le militant, « nous pourrons rétablir nos libertés individuelles et collectives et en conquérir de nouvelles. Le tout dans l’intérêt le plus élémentaire de la population de ce pays. »
Joël Kermabon
1 Premières organisations signataires : Collectif anti-répression 38 (Car 38), CNT 38, Confédération nationale du travail 38, Ensemble ! Isère, FSU, Génération·s Grenoble Métropole. Mais aussi Libre pensée 38, LDH Grenoble-Métropole, NPA 38, PCF 38, le Poid 38, le Saf Grenoble, le Syndicat des avocats de Grenoble, Solidaires 38, UCL Grenoble. Sans oublier la CGT 38, la CFDT de l’Isère, le Réseau de lutte contre le fascisme Isère et enfin l’UNL 38.
2 Notamment l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.