TRIBUNE LIBRE – La Confédération paysanne de l’Isère adresse une lettre ouverte aux députés et aux sénateurs isérois contre les distorsions de concurrence en faveur des grandes et moyennes surfaces et au détriment de la vente directe. Pour y mettre fin, elle demande notamment la réouverture des marchés.
Mesdames et Messieurs les députés et les sénateurs,
Cette crise du Covid-19 nous rappelle les domaines essentiels pour notre population : santé et alimentation. Nous avons à cœur de remplir notre mission de nourrir en quantité et qualité nos concitoyen.ne.s.
Nous reconnaissons l’engagement des municipalités qui ont maintenu leurs marchés mais aujourd’hui trop peu nombreux sont les marchés qui ont été rouverts. Cela impacte fortement les paysannes et paysans qui peuvent se retrouver confrontés à une perte significative de débouchés locaux et/ou à une forte augmentation du temps dédié à l’organisation de la vente au détriment du temps de production.
De plus, en ce contexte de crise qui devrait être à l’heure de la solidarité, nous constatons une inégalité croissante entre les producteurs et le système de distribution des grandes et moyennes surfaces (GMS) depuis la décision économique et politique du gouvernement d’interdire les marchés, favorisant les GMS au détriment de la vente directe.
Nous dénonçons ainsi l’injustice de la situation de deux poids/deux mesures concernant les obligations sanitaires très strictes appliquées aux producteurs en vente directe et qui ne sont pas du tout imposées aux GMS, induisant un déséquilibre important qui fausse totalement la concurrence !
En tant que député ou sénateur attentif à l’économie, à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire de votre territoire, vous pouvez prendre des mesures contre la disparité entre les GMS et les producteurs et favoriser la réouverture des marchés toujours fermés à ce jour.
Ainsi, un soutien de votre part pourrait être envisagé pour :
Rouvrir tous les marchés avec des organisations viables et sur seul critère de respect des règles sanitaires
Malgré les dérogations qui ont été mise en œuvre par les municipalités et la préfecture, un grand nombre de marchés restent fermés, en particulier dans les villes de Voiron, Meylan et Vinay. Or tous les marchés qui ont été maintenus ont fait preuve d’une rigueur et d’une réactivité exemplaire dans la mise en place des mesures barrières !
Aussi, la réouverture des marchés doit être envisagée de manière cohérente et réfléchie : il n’est pas réaliste de limiter un marché à cinq producteurs, sachant que le non-alimentaire n’est pas autorisé et qu’il y a de la place disponible pour dix producteurs. Un marché qui ne s’adresse qu’à une minorité de producteurs comme à Voreppe n’est pas un marché.
Ainsi nous demandons la réouverture des marchés alimentaires sur le seul critère de leur capacité à assurer les règles sanitaires et indépendamment de leur situation géographique. Une expression politique au plus haut niveau est urgemment attendue pour soutenir les producteurs et pour amener et aider les élus de ces territoires à réaliser ces démarches.
Effacer les inégalités entre les GMS et les marchés
Malgré les nombreuses publicités apparues, ces derniers jours, mettant en avant un « soi-disant » approvisionnement de proximité dans les GMS, on observe une mise en concurrence entre paysans et avec des produits importés moins chers, comme par exemple la vente d’agneaux néo zélandais 2,5 fois moins cher que les agneaux français.
À ce jour, les réponses gouvernementales apportées pour résoudre la problématique des paysans ne sont pas satisfaisantes (obligation d’emballage de tout produit agricole, non-garantie de prix rémunérateurs etc.) face à un système de distribution qui se fait passer pour maillon salvateur du monde agricole.
Nous demandons ainsi :
• Les mêmes obligations sanitaires pour les GMS équivalentes à celles imposées aux paysans pour la réouverture des marchés : respect de la distanciation sociale, mise à disposition de gel hydroalcoolique à l’entrée et à la sortie du magasin, sens unique de circulation, pas de libre-service, limitation des échanges monétaires, pratique de l’arrondi (qui permettrait de reverser ce fonds à des associations d’aide aux plus démunis).
• Un soutien réel des GMS envers l’agriculture française via l’obligation de la mise en avant des filières en difficulté, des signes de qualité et des productions nationales pour minimiser les pertes économiques et le gaspillage alimentaire. Les stocks de produits importés pourraient alors être donnés aux associations venant en aide aux plus démunis ou à la restauration collective permettant de fournir les repas en Ehpad ou dans les Hôpitaux.
• Une garantie de transparence sur les prix d’achat et des prix justes par les GMS : avec la fermeture de la restauration collective et hors domicile, les ventes des GMS ont fortement augmenté. Dans ce contexte, une potentielle solidarité affichée pour l’écoulement des volumes n’est pas suffisante ; elle doit se traduire aussi sur les prix d’achat pratiqués. La transparence des prix d’achat doit être établie avec un suivi des pouvoirs publics. Les prix pratiqués doivent être fixés au-dessus du prix de revient des produits agricoles.
• Enfin, nous demandons que les GMS, qui ont largement profité des premières mesures économiques et de l’arrêt total des restaurants et de la restauration collective, ainsi que des petits commerçants et autres fournisseurs abondent un fonds de soutien par un prélèvement sur leurs profits pour aider les paysan(ne)s et les autres commerçants qui seront en difficulté après cette crise. Les politiques publiques ont largement favorisé les GMS en cette période de crise ; il serait juste qu’une part de ces profits servent à la nécessaire solidarité envers les producteurs de produits agricoles.
À terme, nous espérons aussi que cela enclenchera encore davantage une dynamique de relocalisation pour aller vers une souveraineté alimentaire de nos territoires. Nous avons ainsi besoin d’outils de transformation de proximité, d’investissements logistiques et humains pour les circuits de proximité et que la priorité soit donnée à l’approvisionnement local concernant l’alimentation. Nous sommes à votre disposition pour échanger plus précisément sur les soutiens possibles à mettre en œuvre pour les paysannes et paysans qui nous nourrissent.
Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, nos très respectueuses salutations.
La Confédération paysanne de l’Isère
Les tribunes publiées sur Place Gre’net ont pour vocation de nourrir le débat et de contribuer à un échange constructif entre citoyens d’opinions diverses. Les propos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opinions des journalistes ou de la rédaction et n’engagent que leur auteur.
Vous souhaitez nous soumettre une tribune ? Merci de prendre au préalable connaissance de la charte les régissant.