FOCUS — La Ligue des droits de l’Homme Grenoble Métropole écrit à cinq députés de l’Isère pour leur demander de s’opposer à l’application StopCovid. Envisagé pour limiter la propagation du virus, le dispositif ne serait peut-être pas aussi anonyme et volontaire qu’annoncé, craint la LDH. Qui remet en cause l’efficacité de l’application et redoute une « habituation à une surveillance généralisée ».
StopCovid pourrait-elle susciter une « habituation à une surveillance généralisée, banalisée et pérenne ? » C’est en tout cas le risque présenté par la Ligue des droits de l’Homme Grenoble Métropole. Très remontée contre l’idée du gouvernement de proposer cette fonctionnalité aux possesseurs de smartphone et iPhone, la LDH grenobloise relaie auprès des cinq députés* de l’aire métropolitaine la lettre ouverte publiée par l’association au niveau national.
Le principe de StopCovid ? Censée être volontaire et anonyme, l’application doit permettre à ses utilisateurs d’être avertis s’ils ont été en présence d’une personne atteinte du coronavirus. Et, dès lors, les inciter à faire acte de distanciation sociale pour limiter la propagation de la maladie. Par l’utilisation du Bluetooth, qui connecte les appareils entre eux, l’application n’a pas recours à la géolocalisation des personnes mais recense les proximités temporaires.
Des doutes sur l’anonymat et le volontariat concernant StopCovid
Anonyme et volontaire, StopCovid ? La LDH en doute. « Quelles que soient les promesses d’anonymat, il n’est techniquement pas possible de le garantir », considère l’association. Le consentement n’est guère plus garanti à ses yeux : « La pression sociale et patronale […], la stigmatisation des “réfractaires” risque d’obliger un grand nombre de personnes à l’installer », estime-t-elle encore.
Le tout au risque d’habituer la population à une forme de surveillance perpétuelle ? « La fin de la pandémie étant tout à fait incertaine, la suppression de l’application, que l’on nous promet à la fin de la crise sanitaire, risque de ne jamais intervenir », s’inquiète la LDH.
Une application à l’efficacité douteuse ?
Pour l’association, l’efficacité même du dispositif est douteuse. Plusieurs points techniques sont soulevés. Le Bluetooth ne permet ainsi pas d’évaluer la distance entre les personnes, ni de savoir si elles étaient séparées par une vitre ou un mur. De plus, certaines applications désactivent la fonctionnalité par défaut, rendant ainsi StopCovid inopérant. Sans compter les questions de compatibilité entre IoS (Apple) et Android (Google).
Enfin, la mesure discrimine les personnes sans smartphone… et risque fort de ne pas atteindre son seuil d’efficacité. « Selon les projections mathématiques, il serait nécessaire pour que StopCovid soit efficace qu’au moins 60 % de la population l’installe, or même dans un État comme Singapour, pourtant donné en exemple, moins de 20 % de la population a installé l’application équivalente », écrit la LDH.
Autant d’éléments au nom desquels l’association appelle les députés à s’opposer au projet StopCovid lors du vote du plan de déconfinement prévu mardi 28 avril.
Seront-ils entendus ? Sur les cinq parlementaires sollicités par la LDH, quatre appartiennent… à la majorité LREM. Avec, parmi eux, Camille Galliard-Minier, suppléante d’Olivier Véran, ministre de la Santé, qui a directement travaillé à la mise en place de l’application controversée.
Quant à la députée Émilie Chalas, elle écrit dans un communiqué en date de ce 27 avril accorder « a priori toute [sa] confiance » dans le plan de déconfinement du Premier ministre. « Je soutiendrai le dispositif général du plan de déconfinement tel qu’il sera présenté en hémicycle », ajoute-t-elle, en concédant ne pas en connaître les détails. Non sans juger les polémiques « consternantes et irresponsables ».
Florent Mathieu
* Marie-Noëlle Battistel, Émilie Chalas, Jean-Charles Colas-Roy, Camille Galliard-Minier et Catherine Kamowski.
LES SÉNATEURS DE L’ISÈRE ÉGALEMENT INTERPELLÉS PAR LA LDH
Après les députés, la Ligue des droits de l’Homme signale avoir adressé le même courrier aux sénateurs de l’Isère que sont Guillaume Gontard, Frédérique Puissat, Didier Rambaud, Michel Savin et André Vallini. Mêmes termes et même injonction : la LDH demande aux parlementaires de s’opposer à l’adoption de l’application StopCovid.
Pour autant, le vote sur le sujet ne semble pas pour demain. « Le débat est un peu prématuré », a ainsi indiqué le Premier ministre durant la présentation de son plan de déconfinement, le 28 avril. Alors que l’État se heurte à des difficultés techniques, l’application risque fort de ne pas être disponible pour le 11 mai. Et encore moins d’être soumise aux votes d’ici-là.
(Encadré ajouté le mardi 28 avril 2020)