FOCUS – Pas de rupture de stock de masques chirurgicaux au CHU Grenoble Alpes. La direction du centre hospitalier se veut rassurante. Mais en rallongeant la durée d’utilisation de ces masques en papier pour un port à la journée, le CHU joue manifestement la carte du rationnement. En attendant, le système D continue : une plate-forme logistique a été créée sur Facebook afin de collecter un maximum d’équipements de protection.
Au CHU de Grenoble, c’était la denrée rare la semaine dernière. Celle après laquelle courraient tous les personnels soignants. Les masques chirurgicaux sont donc arrivés !
Ils seraient, d’après la direction du centre hospitalier, en nombre largement suffisant : 100 000. Mais, petit bémol, ces masques chirurgicaux ne protègent que de l’intérieur vers l’extérieur, contrairement aux FFP2 plus polyvalents, réservés aux personnels en première ligne.
Et, pour permettre de tenir quelques jours avec ce stock jusqu’au réapprovisionnement, le CHU a dû adapter leur utilisation. Car, en théorie, les recommandations font état d’une utilisation limitée à trois ou quatre heures. Or, au centre hospitalier de Grenoble et dans les établissements sous sa direction comme l’hôpital de Voiron, consigne a été donnée de les garder douze heures.
Un masque par jour au CHU de Grenoble
« Quatre heures, ce sont les recommandations théoriques dans le cas d’une utilisation en permanence », explique le Professeur Olivier Épaulard, infectiologue au CHU de Grenoble. « Dans la pratique, l’utilisation est plus discontinue. La durée de vie peut donc être prolongée sur la journée. »
Le personnel soignant se voit donc attribuer un masque par jour, lors d’opérations de distribution placées sous un strict contrôle des cadres en raison de vols répétés. Pourquoi ne pas en fournir davantage si le risque de pénurie est à écarter ?
La stratégie adoptée vise, semble-t-il, à parvenir à gérer le stock sur la durée. Bref à rationner les masques pour éviter d’en manquer plus tard. Mais pour les responsables du CHU, les risques sanitaires sont limités. « On ne pense pas qu’on fasse courir un risque, estime le Dr Epaulard, si les gens se lavent les mains et suivent les protocoles et l’organisation mis en place… »
Le masque en tissu ? « Bien mieux que rien ! »
Les masques ne sont-ils qu’un symptôme de la crise, sanitaire comme politique, que traverse le pays ? La semaine dernière, le CHU a en tout cas fait appel à la débrouille. Et validé la diffusion, initialement à usage interne, d’un document permettant à tout un chacun, moyennent tissu, élastique et machine à coudre, de fabriquer son propre masque.
Un système D qui a fait le tour des réseaux sociaux, suscitant toutes sortes de réactions, entre confections à tout-va et réprobations, certains jugeant le remède pire que le mal. Le masque en tissu donnerait-il à tort l’illusion d’une protection ?
« Comme Grenoble est une terre d’innovation, on a proposé et anticipé une procédure au cas où », explique Laurent Grange, adjoint à la présidence du CHU plus particulièrement chargé de la communication. « La décision a été prise par la communauté médicale mais cela restait une alternative au cas où. Et cela ne se justifie plus. »
Si ces masques en tissu ne sont pas la panacée, ils sont pour le CHU « mieux que rien ». « Cela semble même bien mieux que rien ! », maintient Olivier Epaulard. Problème réglé ? Au CHU, avec un usage étendu sur la journée, il semble que oui.
Mais pour les autres soignants, notamment les libéraux ou les aides à domicile, c’est encore un tantinet compliqué. « Les masques arrivent en ville », assure toutefois la directrice du CHU Monique Sorrentino, qui reconnaît une certaine tension une fois passées les portes de l’hôpital.
La France a beau avoir réquisitionné les stocks, cela ne suffit pas. La Chine a ainsi repris la fabrication et s’apprête à approvisionner l’Hexagone. En attendant, le système D prend le relais. À Grenoble, une page Facebook a ainsi été créée afin d’organiser une collecte de masques chirurgicaux et FFP2, en coordination entre la mairie et les instances de tutelle, dont l’Agence régionale de santé.
Patricia Cerinsek