FOCUS – Une nouvelle journée de manifestation contre la réforme des retraites a eu lieu ce jeudi 20 février à l’appel de l’intersyndicale, à laquelle s’est joint un groupement de bistrots grenoblois. Elle s’est finie sur des échauffourées, place Verdun. Bilan : plusieurs blessés et une interpellation.
C’était une manifestation qui ressemblait à toutes les autres. Après un départ légèrement en retard, celle-ci a pris le parcours classique de la gare à la place de Verdun, en passant par le boulevard Gambetta et la rue Lesdiguières. Avec 4 000 personnes selon la CGT, 1 900 selon la police.
Cette nouvelle mobilisation contre la réforme des retraites regroupait comme à l’accoutumée des étudiants, des retraités et des salariés de tous secteurs. Les avocats en grève ont notamment marqué les esprits, avec leur cercueil grandeur nature et leur gerbe de condoléances.
DES SALARIÉS DE LA RESTAURATION MOBILISÉS
La manifestation a, une nouvelle fois, perturbé la circulation dans la matinée. De quoi agacer les commerçants ? Pas tous, en tout cas. Un regroupement de gérants de bistrots et de travailleurs de la restauration s’est même joint au cortège.
« On ne fait pas que râler sur notre chiffre d’affaires. Nous aussi, on est concernés par cette réforme », explique Sarah, du bar À Saint Bruno. En effet, les métiers de la restauration ont des amplitudes horaires importantes. Ils sont aussi très concernés par la précarité, avec beaucoup de contrats courts et des salaires peu élevés.
Un soutien de la première heure
Ils avaient donc soutenu le mouvement dès le premier jeudi de grève. « Nous nous sommes mobilisés conjointement, mais nous avons agi chacun à notre manière », explique Ludo, du bar Le Saint Bruno. « Personnellement, nous avons choisi de soutenir les caisses de grèves en faisant à manger pour les cheminots », ajoute-t-il.
D’autres bars et bistrots ont reversé une partie de leur chiffre d’affaires aux caisses de grèves. In fine, le but de leur participation au mouvement était double. D’une part, redire collectivement leur attachement au système par répartition. D’autre part : réaffirmer « [leur] confiance dans les actions de grèves et de blocage de l’économie comme moyen principal de peser dans le rapport de force face à la classe dominante et ses projets de société. »
Les bars-restaurants et bistrots participants : La Crique Sud, le Café-Vélo, Saint-Bruno, le Ptit Labo, le Coq-Tail, le TranKilou, et la Passoire.
La manifestation est arrivée jusqu’à la préfecture, place de Verdun, dans le calme et la convivialité, comme c’est souvent le cas à Grenoble. Toutefois, des échauffourées avec les forces de l’ordre ont eu lieu vers 12 h 30 au centre de la place, alors que les manifestants y étaient regroupés et déjeunaient.
Un homme de 22 ans a été interpellé. Côté forces de l’ordre, neufs fonctionnaires ont été légèrement blessés dans l’altercation, affirment les services de police. La Commune est à Nous dit, pour sa part, compter deux blessés parmi ses colistiers. Dont l’un a dû être transféré à la Clinique mutualiste.
Deux versions
Selon les services de police, un jeune homme aurait « copieusement insulté » des policiers en marge de la manifestation sur la fin du parcours. Il se serait ensuite réfugié dans la foule, massée sur la place, afin d’éviter d’être arrêté. Les policiers l’auraient donc suivi pour l’interpeller. Ce qui a déclenché des échauffourées avec les manifestants présents.
Côté manifestants, c’est l’incompréhension. La Commune est à Nous affirme avoir assisté à « une intervention totalement inattendue » des forces de l’ordre. Selon leur communiqué de presse : « Des policiers ont soudainement surgi au milieu de la foule et ont brutalement plaqué des manifestants au sol sans que personne n’en comprenne ni les raisons, ni les méthodes. »
Voici une vidéo filmée place Verdun alors que l’interpellation avait déjà commencé :
Arrest in #Grenoble #France #greve20fevrier #Macron #reformedesretraites #Giletsjaunes
pic.twitter.com/zUBgs5Wwuw— nonouzi (@Gerrrty) February 20, 2020
Deux colistiers blessés
Yves Delmonte, pompier professionnel à la retraite de 63 ans et colistier de La Commune est à Nous, témoigne de la scène : « On a vu un jeune courir avec deux policiers qui le suivaient et qui l’ont plaqué violemment au sol. Il était sur le ventre et il avait l’air d’étouffer. Face à cette violence, plusieurs personnes sont intervenues, dont moi, on a crié d’arrêter parce qu’il y a quand même des gens qui sont morts de cette manière récemment… Il n’y avait aucune possibilité de discuter. J’ai essayé de le tirer, de lui porter secours, et ensuite il y a eu une bousculade. D’autres CRS sont arrivés, casqués avec des boucliers. Ils ont commencé à pousser le groupe qui s’était formé, à matraquer et à gazer. C’est là que j’ai reçu un coup sur l’épaule. »
Il assure n’avoir agressé personne et juge la violence pour interpeller le jeune homme comme « une faute professionnelle ». Yves Delmonte a ensuite été admis à la Clinique mutualiste. On lui a diagnostiqué une disjonction de la clavicule nécessitant plusieurs semaines d’immobilisation. Il était ce matin à la présentation des colistiers de La Commune est à Nous avec le bras en écharpe.
Atteinte au droit de manifester ?
D’autre part, Pierre Saccoman, ancien chercheur au CNRS âgé de 79 ans, aurait lui reçu une grenade lacrymogène dans le ventre. Deux autres auraient également été « victimes de projections au visage et aux yeux de gaz lacrymogène. »
La Commune est à Nous affirme qu’aucune de ces quatre personnes n’a commis de geste agressif envers les fonctionnaires de police. La liste dénonce des « violences policières disproportionnées » qui seraient « des atteintes inadmissibles à la liberté de manifestation et de rassemblement ». Aucune plainte n’a pour l’instant été déposée.
La Commune est à Nous demande à être reçue par le préfet afin qu’il s’explique sur ces violences. Les services de police se sont refusés à tout commentaire sur cette affaire.
Anissa Duport-Levanti