FOCUS – Des jeunes majeurs étrangers soutenus par l’association Droit au logement ont occupé l’église Saint-Paul de Grenoble, ce vendredi 21 février. Une action choc visant à dénoncer la situation de ces jeunes sans solution d’hébergement ni de régularisation administrative. Le diocèse qui n’apprécie pas la méthode accepte les occupants jusqu’au 9 mars avant de recourir aux forces de l’ordre.
À l’arrière de l’église Saint-Paul située dans le quartier des Alliés, un petit groupe de militants et de sympathisants s’active. Qui transportant un fauteuil ou une chaise, qui des matelas, du matériel de cuisine ou des victuailles. De quoi améliorer le séjour d’une dizaine de jeunes majeurs étrangers occupant la salle paroissiale de l’église restée ouverte.
Une opération coup de poing soutenue par l’association Droit au logement de l’Isère (Dal 38) visant à dénoncer la situation de ces jeunes majeurs étrangers à la rue, faute de solutions d’hébergement.
Si l’opération cherchait à obtenir le soutien moral de l’Église, le diocèse de Grenoble-Vienne n’a guère apprécié la démarche. L’autorité religieuse déclare ainsi par voie de communiqué « ne pas cautionner la manière de procéder qui est de s’imposer et de mettre devant le fait accompli ». Et fixe un ultimatum : elle autorise l’occupation jusqu’au 9 mars à 8 heures. Suite à quoi elle aura recours aux forces de l’ordre.
« Une décision 100 % politique qui participe du contrôle migratoire »
« C’est une action en réaction à la situation de ces jeunes majeurs remis à la rue à la fin de l’été. Ce alors même qu’ils sont pour la plupart en formation, font des études ou sont en apprentissage », explique Boris, travailleur social s’exprimant au nom du Dal. « Nous arrivons au bout d’un processus de plusieurs mois sans proposition d’une solution d’hébergement et de régularisation. » De fait, une majorité d’entre eux, pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (Ase) et d’autres associations jusqu’à leur majorité, a ensuite signé un contrat jeune majeur.
« Leur contrat a été rompu unilatéralement par le Département de l’Isère le 31 août dernier alors qu’ils étaient en formation. Ensuite, ils se sont retrouvés à la rue », se désole Boris. La raison de ces ruptures de contrats ? « Le contrat jeune majeur est un contrat qui n’impose pas aux départements de le tenir. Du coup c’est une décision 100 % politique qui, dès lors, participe plutôt du contrôle migratoire », dénonce Boris.
Les revendications du Dal ? La régularisation administrative de ces jeunes pour en finir avec des situations compliquées, amplifiées par le défaut de papiers. En effet, certains ont des obligations de quitter le territoire français (OQTF), d’autres des récépissés de courte durée ou sont en attente d’une réponse administrative. « Il faudrait qu’ils puissent obtenir tout de suite un titre de séjour », estime le militant.
Seconde revendication : « Il est nécessaire de leur trouver des hébergements stables car ce n’est pas une solution que celle d’être obligé de se réfugier dans une église », déplore le travailleur social.
Un appel à la solidarité en direction des voisins
Ce vendredi, le petit groupe s’apprêtait à passer une première nuit dans la salle paroissiale, rapidement aménagée de bric et de broc. « Les soutiens vont se mettre en place. Là, pour ce soir, il y a une cantine mais plus tard nous afficherons nos besoins sur un panneau et lancerons un appel à la solidarité en direction des voisins », nous explique Clémentine.
Et, justement, que pense le voisinage de cette agitation inhabituelle ? « C’est un quartier qui a une tradition d’accueil. Nous sommes là dans un lieu symbolique, celui du père Fréchet et nous avons eu plutôt des signes de soutien », rapporte la jeune femme.
Joël Kermabon
1 Noms d’emprunt, les jeunes ne souhaitant pas être reconnus.
« JE NE ME SENS PAS COMME LES AUTRES JEUNES »
Kouakou1Nom d’emprunt, les jeunes ne souhaitant pas être reconnus. est venu du Bénin à l’âge de seize ans. « J’étais en stage et mon contrat a été rompu, explique-t-il. J’ai ensuite rejoint une formation dans un lycée et, après les vacances, je me suis retrouvé dans la rue », retrace le jeune homme, sans amis, proches ni famille et sans revenus.
Sa vie se passe dans les squats. « Je suis là, sans papiers, les bras croisés, sans rien à manger. Je ne me sens pas comme les autres jeunes », ajoute-t-il. « Je suis en France pour avoir un titre de séjour afin de pouvoir travailler ici et avoir un avenir », nous confie Kouakou.
C’est un peu la même histoire que nous raconte Amadou Togo1, lui aussi originaire du Bénin, seul en France et frappé d’une OQTF. « Depuis le mois de mars dernier jusqu’à aujourd’hui, j’étais en CAP de maçonnerie, et là j’ai froid et faim, je n’ai pas de quoi me vêtir », explique le jeune Béninois. « Comment suivre l’école sans nourriture et en vivant dehors ? Je veux simplement être heureux, gagner ma vie et devenir Français », revendique Amadou Togo.