FOCUS — Membre de l’Académie delphinale, ingénieur et historien, Gilles-Marie Moreau interpelle les candidats aux élections municipales 2020 de Grenoble sur l’état préoccupant de plusieurs édifices religieux du patrimoine grenoblois. Une inquiétude pour le patrimoine partagée par d’autres, notamment les défenseurs de la petite église orthodoxe de la rue de Vizille, ou les jeunes étudiants de Gem créateurs du projet « Care for patrimoine ».
Attention, patrimoine religieux en danger ! C’est en quelque sorte le message que veut porter Gilles-Marie Moreau, membre de l’ancestrale Académie delphinale de Grenoble.
Ingénieur féru d’Histoire, Gilles-Marie Moreau a consacré plusieurs ouvrages au patrimoine grenoblois, depuis la cathédrale Notre-Dame à la basilique du Sacré-cœur en passant par la collégiale Saint-André. Il a ainsi pris la plume… pour interpeller les candidats aux municipales 2020.
« Je souhaiterais attirer votre attention sur l’état très préoccupant du patrimoine religieux ancien de Grenoble », a ainsi écrit le Grenoblois dans une missive adressée à l’ensemble des candidats, également publiée sous forme de tribune par Place Gre’net. Et celui-ci de décrire les risques pesant sur différents édifices religieux de la capitale des Alpes. Avant d’en appeler à un « plan d’urgence visant à rattraper le très important retard pris en matière d’entretien et de restauration du patrimoine religieux ancien ».
Des « Notre-Dame des courants d’air » grenobloises ?
À en croire Gilles-Marie Moreau, les besoins sont criants. La collégiale Saint-André ? « L’état de dégradation (extérieur et intérieur) dans lequel se trouve ce monument est impressionnant », estime l’historien. Des fissures dans une chapelle, des tableaux couverts de crasse, des vitraux cassés, un pavement disjoint… Et, selon l’auteur, une municipalité qui se dit informée mais préfère prioriser la restauration de la Tour Perret.
L’église Saint-Louis ? « Des arbres ont poussé dans le clocher ! Ceci en dit long, ici également, sur le défaut d’entretien », note Gilles-Marie Moreau. Avec, affirme-t-il, une fin de non-recevoir de la part de la Ville, malgré l’intervention de la Direction régionale des affaires culturelles.
L’église Saint-Bruno ? Des écoulements d’eau ont occasionné la formation de moisissures en attente de nettoyage… et une horloge en panne depuis juillet 2019.
N’en jetez plus ? Gilles-Marie Moreau dépeint encore une chapelle des Pénitents rue Voltaire dont l’avenir est incertain.
« Le bail emphytéotique [bail de longue durée, ndlr] arrivera à échéance fin 2019 et, pour l’instant, aucune perspective n’est donnée quant à l’avenir de ce lieu », écrit-il.
Quant au Temple de la place Perinetti, sa toiture dégradée empêche les travaux de rénovation envisagés et financés par la communauté protestante.
Éric Piolle refuse tout budget pour le patrimoine religieux
Quelles réactions politiques à l’interpellation ? L’historien nous fait savoir que le maire de Grenoble Éric Piolle a refusé de le recevoir… et même de l’entendre. « Croisé à la fin d’un concert, il a refusé de m’écouter […] et m’a simplement dit qu’il n’y avait aucun budget pour restaurer ce patrimoine et qu’il n’y en aurait pas à l’avenir », nous écrit Gilles-Marie Moreau.
Le maire aurait toutefois demandé aux agents municipaux d’assurer l’entretien courant des bâtiments.
La candidate LREM Émilie Chalas aurait, pour sa part, promis une entrevue à l’auteur de la tribune.
Quant à Alain Carignon, il « a manifesté son intérêt pour ces questions », nous confie encore Gilles-Marie Moreau. L’ancien maire de Grenoble a par ailleurs présenté trois amendements lors du conseil municipal du 16 décembre, pour venir au secours des églises Saint-Louis et Saint-Bruno, ainsi que de la collégiale Saint-André.
Réponse des élus ? Les amendements ont été immédiatement rejetés sans la moindre amorce de débat, coupables sans doute d’être portés par un ancien élu condamné et qualifié de « corrompu » à longueur de journée par l’équipe municipale. Seuls deux élus du conseil municipal ont voté en faveur de la proposition : Alain Carignon lui-même, et Mireille d’Ornano. Quant au groupe marqué à droite Réussir Grenoble, il a choisi de s’abstenir.
L’église orthodoxe russe de Grenoble menacée ?
Gilles-Marie Moreau n’est pas le seul à se soucier du patrimoine grenoblois, y compris religieux. La communauté russe de Grenoble se préoccupe ainsi fortement du sort de l’église orthodoxe russe de la Résurrection, située avenue de Vizille. Des projets de restructuration du quartier menaceraient l’existence même de la petite église, selon l’association Smoreg qui s’est (discrètement) créée pour sa sauvegarde.
Florent Mathieu
Une initiative étudiante pour restaurer le patrimoine régional
Au-delà du religieux, dix étudiants de Grenoble École de management se sont, pour leur part, lancés dans l’aventure participative. À travers le projet « Care for patrimoine », ils ont mis en ligne un site Internet destiné à mettre en lumière le patrimoine régional à défendre. Une idée venue suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris, et les dons qui ont suivi.
« Force est de constater que nombreux sont les édifices à ne pas bénéficier d’un écho médiatique si important », écrivent-ils.
L’idée générale ? Proposer chaque mois un projet patrimonial à défendre. Après avoir mis en avant le fort de Comboire, les étudiants appellent à donner pour la restauration du château de Séchilienne, à l’abandon depuis son incendie en 1944.
Inscrite dans le cadre de la Business Lab for Society de Gem, l’initiative des dix étudiants est soutenue par le Conseil départemental de l’Isère, l’association grenobloise Patrimoine & Développement ou encore la Fondation du patrimoine.