FOCUS – Le parquet de Grenoble a jugé irrecevable la plainte déposée par deux Grenobloises concernant les dossiers des marchés de la fête des Tuiles et du rachat du bâtiment du Crédit agricole. Deux affaires que les magistrats financiers avaient épinglées dans un rapport de la chambre régionale des comptes. Quant à l’enquête préliminaire ouverte depuis le printemps 2018 et confiée au parquet de Valence, elle suit son cours.
Est-ce la fin du feuilleton concernant les dossiers de la fête des Tuiles et du rachat du bâtiment du Crédit agricole ? Mardi 21 janvier, le parquet de Grenoble a, de son côté, mis un coup d’arrêt à la procédure engagée par deux Grenobloises qui s’étaient constituées partie civile sur ces deux dossiers en mai 2019. La plainte * déposée par les deux requérantes a, en effet, été jugée irrecevable par le parquet **.
« Le parquet a signé, ce jour, des réquisitions d’irrecevabilité et d’incompétence de cette plainte avec constitution de partie civile dénonçant les conditions d’attribution par la Ville de Grenoble de marchés publics afférents à l’organisation de la fête des Tuiles ainsi que les conditions d’achat par la ville du siège du Crédit agricole », précise Eric Vaillant, le procureur de la République de Grenoble.
« Les plaignantes n’ont pas obtenu l’autorisation du tribunal administratif requise pour agir en justice pour défendre les intérêts de la commune d’une part et, d’autre part, les faits relatifs à la fête des Tuiles font déjà l’objet d’une enquête dirigée par le parquet de Valence. »
L’enquête préliminaire toujours en cours à Valence
Car, depuis juin 2018, une enquête préliminaire a été ouverte, confiée au parquet de Valence, mais sur le seul dossier de la fête des Tuiles. Cette enquête, qui fait suite au rapport et au signalement de la chambre régionale des comptes, suit toujours son cours. Même si pour l’heure, aucun juge d’instruction n’a été saisi. D’après nos informations, le dossier du Crédit agricole aurait, lui, été classé sans suite.
Les réquisitions du procureur de la République de Grenoble rendues ce 21 janvier étaient pour le moins attendues. Depuis le 16 octobre, en fait, jour du paiement de la consignation par les deux plaignantes.
Quelques heures auparavant, l’avocat des deux requérantes tenait une conférence de presse, dénonçant l’inertie de la justice. Et annonçait son intention de saisir la doyenne des juges d’instruction pour qu’elle passe outre les réquisitions du parquet si celui-ci venait à s’attarder une semaine ou deux de plus sur le dossier. « Y a‑t-il des gens que la justice veut protéger ? », interrogeait alors Me Boulloud.
Plusieurs plaintes classées sans suite
C’est peu dire que le dossier ne suit pas un long fleuve tranquille. Il avait auparavant fait l’objet de plusieurs plaintes de la part du groupe d’analyse métropolitain (Gam) auprès du parquet de Grenoble et du parquet national financier. Plaintes manifestement classées sans suite.
Il est depuis baladé entre Grenoble et Valence, écartelé entre plusieurs procédures judiciaires parallèles, le tout dans un contexte politique, et surtout électoral, grandissant. Où il s’avère qu’une des plaignantes est membre de Grenoble le changement, le groupe de soutien d’Alain Carignon.
Ce alors que l’ex-maire de Grenoble, candidat en mars prochain, est le principal adversaire du maire sortant.
Quant à Me Boulloud, il fait lui également partie du comité de soutien d’Alain Carignon, même s’il répète ne pas faire partie de la liste et donc être candidat… Pour Eric Piolle, la cause est entendue. Et elle est strictement politique.
Reste le rapport des magistrats financiers. Et, que ce soit sur la fête des Tuiles ou le Crédit agricole, il est sans ambiguïté. La Fête des tuiles a fait l’objet de marchés, lors des éditions 2015 et 2016, sans mise en concurrence. Marchés attribués à une association, Fusées, dont un des membres a été un soutien actif de la campagne du maire de Grenoble en 2014. Coût pour la collectivité ? Au moins 70 000 euros.
Le Crédit agricole a « au moins » gagné 400 000 euros par an dans l’opération selon la CRC
Quant au rachat du bâtiment du Crédit agricole, les magistrats financiers estiment que les discussions entre la Ville et la banque ont permis à cette dernière d’économiser 400 000 euros par an. A minima.
Y a‑t-il eu délit de favoritisme ? C’est ce qu’invoquaient les deux requérantes dans leur plainte. Au même titre que le détournement de fonds publics et l’abus de confiance. Mais également le faux et usage de faux en écriture publique. « Un fait de nature criminelle, soulignait Me Boulloud, qui n’appelle pas de recevabilité ».
Patricia Cerinsek
*La plainte avec constitution de partie civile avait été déposée en septembre 2019 avant d’être transmise par la doyenne des juges d’instruction courant décembre. Une seconde plainte en fait, une première ayant été déposée en mai 2019.
** Article mis à jour le 22 janvier à 20 heures. Le parquet a jugé la plainte irrecevable. Avis sur lequel se basera, ou pas, la doyenne des juges d’instruction pour rendre la décision ultime quant à la poursuite de la procédure.