REPORTAGE VIDÉO - Ce mercredi 15 janvier, 300 professeurs et parents d'élèves ont bruyamment protesté contre les réformes des retraites et du baccalauréat devant le rectorat de Grenoble. Se sentant « méprisés » après des mois de manifestations infructueuses, les syndicats tenaient ainsi à amplifier la mobilisation pour obtenir les retraits des deux réformes.
Devant l'entrée du rectorat, des piles de manuels scolaires devenus inutiles suite à la réforme du baccalauréat entourent un cercueil noir frappé d'un « Blanquer m'a tuer (sic) ». Côté l'ambiance, un tintamarre assourdissant de percussions et de casseroles. « À l'éducation nationale, en Isère, on passe le gouvernement à la casserole ! », avaient invité collectifs et intersyndicale1CGT éduc'action, CNT, FSU, Stylos rouges, Snalc, FO, Pas, UNL, Sud éducation et le collectif Défense éducation 38 dans le tract appelant à la mobilisation.
Ce mercredi 15 janvier en début d'après-midi, près de 300 professeurs et parents d'élèves se sont ainsi rassemblés sous les fenêtres du rectorat de Grenoble. L'objectif ? Principalement maintenir la pression sur le gouvernement pour obtenir le retrait des réformes des retraites et du baccalauréat.
Retour en images sur ce nouveau rassemblement qui s'est achevé dans les locaux de la Direction académique des services de l'Éducation nationale de la cité administrative.
Retraites de misère, réforme de la fonction publique, pressions hiérarchiques, dégradations des conditions de travail, E3C. Mais aussi réformes des lycées généraux, technologiques et professionnels, “évaluationite”, inclusion sans les moyens… Les enseignants, grévistes et non grévistes, en ont « ras le bol ».
Les enseignants réclament l'abandon des réformes
Après des mois de mobilisation et de manifestations infructueuses, ces professionnels de l'éducation estiment qu'on ne les entend pas et se sentent « abandonnés, délaissés ». « Depuis le suicide de Christine Renon, on parle beaucoup des conditions de travail qui se dégradent dans l'Éducation nationale. Mais les mots ne suffisent pas ! », s'insurge l'intersyndicale.
Que demandent les enseignants en colère ? Ni plus, ni moins que le retrait de la réforme des retraites et le report, si ce n'est l'abandon, du contrôle continu introduit par la réforme du baccalauréat. Anne-Marie Guillaume, du Snes-FSU, revient sur l'ensemble de ces revendications au micro de Place Gre'net.
« Nous sommes tout seuls pour gérer trop de problèmes »
La dégradation des conditions de travail reste également au cœur des préoccupations des enseignants. « Ça fait une dizaine d'années que j'enseigne et je ne vois pas du mieux dans mon exercice quotidien. J'ai trop d'élèves dans ma classe ! Vingt-six, c'est bien trop ! », se plaint Capucine Audray, directrice d'école à la Villeneuve. Qui regrette aussi l'absence de moyens.
Tout particulièrement pour l'accueil des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers (Ebep). « Nous en avons de plus en plus dans nos classes. On nous fait des lois sur l'école inclusive mais on n'y met pas de moyens », déplore l'enseignante. Bref, poursuit-elle, « nous sommes tout seuls pour gérer trop de problèmes ».
« C'est ma cinquième année en tant que prof et ce n'est pas du tout ce que j'imaginais », nous confie de son côté Manon, professeur de français en collège. « Nos conditions de travail ne sont pas tenables pour faire ce que nous souhaitons. J'espérais pouvoir ouvrir l'esprit critique de mes élèves, développer leur autonomie, mais nous n'en avons ni les moyens, ni le temps », regrette-elle amèrement.
Des examens aux sujets « bricolés »
Concernant la réforme du baccalauréat, là aussi, les enseignants en ont gros sur le cœur. « On l'a remplacé par un système (E3C) qui va faire que les élèves seront en épreuve durant la moitié de leur scolarité », critique Serge Paillard de la FSU Isère.
Le syndicaliste descend en flamme des examens « qui ressemblent à des épreuves de bac », avec des sujets « bricolés » puisés dans une banque de données imposée. Son sentiment ? « Ce qu'on en pense, c'est que, très rapidement, ça ne va pas fonctionner. Ça va devenir du contrôle continu et un bac par établissement et non plus un diplôme national. »
Le sentiment d'injustice s'installe ainsi au fil des mois chez les enseignants, tandis que les ressentiments et la fatigue s'accumulent. Après les prises de parole, une délégation a rencontré des responsables du rectorat mais sans en attendre de grands résultats.
Une grande partie du rassemblement a ensuite rejoint la cité administrative. L'idée ? Investir les locaux de la Direction académique des services de l'Éducation nationale (Dasen) pour y tenir une assemblée générale.
Celle-ci n'aura toutefois duré que le temps nécessaire à la police pour se rendre sur place et évacuer la petite foule à l'extérieur de l'enceinte.
Le tout sans heurts mais sous les huées des manifestants clamant « tout le monde déteste la police ! » Finalement, le rassemblement s'est dispersé dans le calme aux alentours de 17 h 30.
Joël Kermabon
1 CGT éduc'action, CNT, FSU, Stylos rouges, SNALC, FO, Pas, UNL, SUD éducation et le collectif Défense éducation 38
Les lycéens dénoncent "la répression" qui s'abat sur leur mouvement
Les professeurs ne sont pas les seuls à lutter contre les réformes. Des lycéens sont également mobilisés, ce qui semble parfois leur être préjudiciable. L'Union nationale lycéenne (UNL), leur syndicat, s'alarme ainsi dans un communiqué daté du 15 janvier de « la répression qui s'abat sur le mouvement lycéen ». Notamment au cours des actions de blocage de lycées. « La seule réponse a été celle d’une violence disproportionnée de la part de la police et de l’administration », rapporte l'UNL.
« Plus sournoisement, ajoute le syndicat lycéen, les directions ou leurs représentants attaquent les jeunes […] au travers de sanctions disciplinaires ». S'ensuit, poursuit-elle, « une multiplication des conseils de disciplines ou bien encore des exclusions ».
L'UNL pointe ainsi l'exclusion de deux élèves du lycée Vaucanson suite à leur participation à la mobilisation contre les réformes.
Le lycée, un lieu d'émancipation citoyenne ?
Un élève du lycée André Argouges doit également « faire face à cette répression », indique le syndicat. « Il lui est interdit d’accéder au lycée pendant trois jours, en attendant de recevoir les huit jours d’exclusions qui lui ont été “promis” […] », dénonce le communiqué. Les organisations signataires considèrent ainsi « qu’il est inadmissible de reprocher aux lycéens leurs engagements tout en vendant le lycée comme un lieu d’émancipation citoyenne ».
« [Nous] demandons aux chefs d’établissements et à la rectrice l’arrêt et l’annulation de ces sanctions disciplinaires », exigent les organisations.