FOCUS – Trois diocèses viennent de signer un protocole avec la cour d’appel de Grenoble afin d’améliorer le traitement des abus sexuels au sein de l’Église catholique. Ce document définit les modalités de recueil de la parole des victimes, la façon de transmettre ces témoignages à la justice mais aussi les procédés d’information mutuelle suite aux signalements effectués.
Les autorités ecclésiastiques et judiciaires du ressort de la cour d’appel de Grenoble se sont retrouvé ce 22 novembre à la Maison diocésaine de Grenoble. Objectif de ce rendez-vous d’importance : signer un protocole relatif au signalement et au traitement des abus sexuels sur mineurs. De fait, les deux parties ne partaient pas d’une page blanche.
Au mois de mai dernier, Jacques Dallest, procureur général de la cour d’appel de Grenoble avait en effet déjà rencontré Guy de Kerimel, Pierre-Yves Michel et Xavier Malle, respectivement évêques des diocèses de Grenoble-Vienne, de Valence et de Gap-Embrun. Et ce afin d’engager un dialogue sur la question des actes de pédophilie au sein de l’Église. Mais aussi sur la manière de recueillir la parole des victimes et de signaler les faits à la justice.
Cette convention vise donc à faciliter la circulation des informations entre les autorités de l’Église catholique et les autorités judiciaires. Plus précisément, améliorer le signalement des abus sexuels afin de faciliter ensuite leur traitement par la justice. Une première en province puisque jusqu’alors seul le diocèse de Paris avait signé, en septembre dernier, un protocole de ce type avec une cour d’appel.
« Faire de l’Église une maison sûre et de confiance »
Cette démarche des évêques revêt un importance toute particulière après l’appel à témoignages récemment lancé par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). Des faits de pédophilie bien souvent tus par une hiérarchie ecclésiastique un peu trop miséricordieuse.
Le procès en appel du cardinal Barbarin qui s’est ouvert ce 28 novembre à Lyon n’est qu’un des exemples dans l’actualité de ces cas de non-dénonciation de crimes pédophiles. Combien de cas sur le ressort de la cour d’appel de Grenoble ? « Moins d’une dizaine d’affaires sont en cours », indique Jacques Dallest.
« L’idée c’est de faciliter nos relations quand il y a des signalements d’abus sexuels sur mineurs ou personnes vulnérables », explique Mgr Guy de Kerimel, évêque de Grenoble. Les trois prélats s’engagent ainsi « à les signaler à la justice le plus rapidement possible ». À charge pour les procureurs impliqués de leur signifier en retour s’ils y donneront suite ou pas.
L’objectif ? « Faire de l’église une maison sûre et de confiance », espère Mgr Pierre-Yves Michel, évêque de Valence, citant ainsi le pape François. « L’Église de France a fait un gros travail pour la vérité et aller vers cette tolérance zéro à laquelle nous a invité le souverain pontife », enchaîne Mgr de Kerimel.
Pour autant ce travail ne concerne pas que les seuls prêtres et diacres. Il s’adresse aussi à toutes les personnes qui travaillent dans le giron de l’Église auprès d’enfants et d’adolescents. D’où la mise en place de formations spécifiques, qui concerneront, d’une manière générale, « toute la sphère pastorale* », indique Mgr Xavier Malle, évêque de Gap-Embrun. Car, souligne-t-il, « ces abus sont aussi graves, qu’ils soient commis par un catéchiste, un laïc ou un organiste ».
Définir les modalités de communication entre les autorités judiciaires et religieuses
Outre les évêques, ce protocole concerne bien les cinq procureurs des départements du ressort de la cour d’appel de Grenoble. À savoir ceux de Vienne, Bourgoin-Jallieu, Valence, Gap et Grenoble. Coordonnés par le procureur général, ils sont ainsi les interlocuteurs directs des évêques.
« Il m’est apparu intéressant d’établir un protocole qui définisse nos relations pour les traitements religieux et judiciaire des abus sexuels », explique Jacques Dallest.
Le résultat ? Un document** riche de huit articles définissant les modalités de communication et d’échanges entre les deux autorités. Et ce avec trois objectifs essentiels que détaille Jacques Dallest.
Le premier d’entre eux consiste à déterminer comment recueillir les signalements et dénonciations ainsi que la parole des victimes. Ensuite, fixer selon quelles modalités ces révélations seront transmises à la justice. Enfin, le protocole précise comment s’informer mutuellement des suites, canoniques ou judiciaires, apportées à l’affaire. Un point important selon Jacques Dallest. « On peut parfois reprocher à la justice […] de ne pas être très à l’aise sur le retour d’information », concède-t-il.
Un protocole qui devrait faire tâche d’huile
En somme, un échange de bons et vertueux procédés dont le magistrat se félicite. « Nous avons toujours à gagner à connaître les contraintes de nos interlocuteurs. Comme pour eux de mieux connaître le fonctionnement judiciaire », fait-il valoir.
« J’espère que ce document, que je vais faire remonter à la Chancellerie, fera école pour être utile à d’autres procureurs généraux, d’autres évêques », complète Jacques Dallest. Et Mgr de Kerimel d’assurer, au nom des trois évêques présents, qu’un courrier sera prochainement adressé aux quelques 300 prêtres actifs ou retraités des trois diocèses, afin de leur présenter le protocole.
Joël Kermabon
* Scoutisme, enseignement catholique, paroissiens bénévoles, associations de jeunes…
** Le document s’intitule ainsi : « Protocole relatif au signalement et au traitement des dénonciations d’infractions de nature sexuelles reçues par les évêques du ressort de la cour d’appel de Grenoble ».