FOCUS – Vivian Maier (1926−2009) est une photographe de rue américaine. Son talent n’a jamais été révélé de son vivant. Pourtant, elle laisse derrière elle une quantité d’archives photographiques qui témoignent de sa curiosité pour le monde. Le Musée de l’Ancien Évêché de Grenoble présente jusqu’au 15 mars 2020 environ 130 de ses clichés. La plupart ont été pris entre New-York et Chicago, mais certains dans la vallée du Champsaur, dans les Hautes-Alpes, et à Grenoble, où elle est passée en 1959.
Vivian Maier, inconnue jusqu’à la fin des années 2000, est pourtant aujourd’hui reconnue comme une photographe emblématique du courant de la photographie de rue (street photography). Elle a laissé à la postérité un héritage artistique riche de 120 000 négatifs, de centaines de films Super 8 et 16 mm, et même de quelques enregistrements sonores. La diversité de son œuvre traduit « une personnalité complexe et énigmatique », selon Anne Morin, la commissaire de l’exposition. Pour elle, « Vivian Maier a pêché l’extraordinaire dans l’ordinaire ».
En déambulant dans les salles de l’exposition, la force de ses photographies saute aux yeux. Un vieux badaud, une devanture de magasin ou encore des enfants qui jouent. Ses clichés fourmillent d’humanité. Certains rappellent même les clichés poétiques de Robert Doisneau. Dans une démarche artistique similaire, Vivian Maier n’a cessé d’interroger les villes et leurs habitants.
La vie quotidienne dans les villes américaines
Cette préoccupation se retrouve tout au long de l’exposition dans « plusieurs thématiques entremêlées », explique Anne Morin. Vivian Maier a été gouvernante à New-York puis à Chicago. Elle a promené son appareil dans ces grandes villes et immortalisé des scènes de la vie quotidienne de la seconde moitié du XXe siècle. En somme, des ouvriers partant au travail comme des bourgeois flânants dans les rues, des enfants émerveillés comme des vieillards désabusés.
Ce qui fait son œuvre, c’est aussi le portrait, et même l’autoportrait, « une thématique cruciale », selon la commissaire de l’exposition. « Au-delà d’un simple narcissisme, elle cherche son identité. » Elle aborde ainsi l’autoportrait sous diverses formes : dans un miroir, à travers son ombre ou en jouant avec un reflet. « Vivian Maier n’a jamais eu accès pleinement à son identité », précise Anne Morin. « Mais elle a toujours été libre dans la petite place que lui laissait la société. »
Un séjour à la campagne dans la vallée du Champsaur
Pour la commissaire de l’exposition, l’humanisme du travail de la photographe est propre à un esprit français. « Son œuvre est à la confluence de la culture américaine et de la culture française », observe Anne Morin. Si la gouvernante a passé la majeure partie de sa vie aux États-Unis, elle est aussi intimement liée à la France. Sa mère étant originaire du Champsaur, la jeune Vivian Maier a passé six ans de son enfance à Saint-Julien-en-Champsaur. Elle y reviendra à deux reprises. En 1950, pour régler l’héritage de sa grand-tante, puis en 1959, au retour d’un long voyage autour du monde.
Lors de ses deux séjours, elle réalise des clichés des gens du village et de la vie à la campagne. Elle prend également quelques photos à Grenoble. Comme lors d’une précédente exposition réalisée à l’Ancien Musée de peinture en 2015, celle du Musée de l’Ancien Évêché réserve ainsi un espace à treize photos prises dans le Champsaur. Ces images ont pu être exposées grâce à la collaboration de l’association Vivian Maier et le Champsaur, présidée par Marie Hugues.
Cette dernière raconte que la re-découverte de Vivian Maier a été un moment fort pour le village : « Certaines personnes se souvenaient d’elle comme “l’Américaine”, mais personne ne pouvait se douter qu’elle était si talentueuse. » Des habitants du village ont même pu être reconnus sur certaines photos. « Et on continue de faire des recherches pour identifier les autres », s’enthousiasme Marie Hugues.
Si l’œuvre de Vivian Maier n’a pas disparu, c’est grâce à John Maloof. Ce jeune historien américain a acquis lors d’une vente aux enchères des malles sorties d’un garde-meuble. À l’intérieur, toutes les productions de la photographe. John Maloof comprend rapidement qu’il s’agit d’une collection importante et précieuse. Il se donne alors pour tâche de les populariser, d’abord sur Internet, puis dans des musées. Et grâce à son investissement, « Vivian Maier a récupéré son nom », conclut Anne Morin.
Augustin Bordet
INFORMATIONS PRATIQUES
« Vivian Maier. Street photographer »
Jusqu’au 15 mars 2020
Entrée gratuite.
Musée de l’Ancien Evéché – 2 rue Très-Cloîtres à Grenoble
Lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9 heures à 18 heures
Mercredi de 13 heures à 18 heures
Samedi et dimanche de 11 heures à 18 heures