FOCUS – L’ouverture d’une information judiciaire visant la Ville de Grenoble sur les dossiers de la fête des Tuiles et de la vente du bâtiment du Crédit agricole pourrait bousculer la campagne des municipales. Eric Piolle, le maire EELV de Grenoble candidat à sa succession, pourrait être bientôt auditionné.
« Pourrait bousculer la campagne des municipales »… parce que l’information judiciaire n’a en fait pas encore été ouverte. Le parquet doit encore examiner la recevabilité de la plainte avant de se prononcer. Place Gre’net reviendra demain dans un article pour expliquer les dessous d’un dossier particulièrement sensible au vu du contexte politique et électoral.
L’ouverture d’une information judiciaire, visant tout à la fois les marchés 2015 et 2016 de la fête des Tuiles et la vente du bâtiment du Crédit agricole, tomberait on ne peut plus mal pour Eric Piolle, le maire EELV de Grenoble, candidat à sa succession en 2020.
La municipalité est en effet soupçonnée d’avoir favorisé l’association Fusées dans l’attribution de marchés de la fête des Tuiles et d’avoir octroyé des conditions pour le moins avantageuses à la caisse régionale du Crédit agricole, dans le cadre du rachat de son siège par la ville de Grenoble fin 2015.
Le télescopage des calendriers – judiciaire et électoral – pourrait donc bien bousculer, lui aussi, la campagne des municipales. Si l’ouverture d’une information judiciaire se confirme, les magistrats instructeurs devraient en effet convoquer les parties civiles à l’origine du dépôt de plainte. Des parties civiles par ailleurs défendues par Me Boulloud, soutien d’Alain Carignon, lui aussi candidat déclaré aux municipales de 2020. Suite à quoi les mis en cause, au premier rang desquels Eric Piolle en tant que premier magistrat de la ville*, seraient alors entendus, voire mis en examen si les faits s’avéraient graves ou concordants.
Les plaintes et signalements se sont succédé depuis 2015
Ce n’est pas vraiment une surprise. Le feuilleton émaillé de plaintes et signalements dure depuis 2015, ce dont Place Gre’net s’est régulièrement fait l’écho. Par trois fois, le groupe d’analyse métropolitain (Gam) a porté plainte ou signalé au parquet de Grenoble comme au parquet national financier de potentielles irrégularités, tant sur le dossier de la fête des Tuiles que sur celui du rachat du bâtiment du Crédit agricole. Sans plus d’effets.
Les deux dossiers, qui ont fait l’objet de votes en conseil municipal, n’ont jamais interpellé plus que cela les élus de l’opposition avant que les magistrats financiers n’y mettent leur nez et qu’une enquête préliminaire ne soit ouverte sur la fête des Tuiles confiée au parquet de Valence. Ils n’ont pas plus interrogé Anticor, pourtant d’habitude si prompte à dénoncer les arrangements politico-financiers. À Lyon, l’association avait néanmoins interpellé le préfet de région, mais sans écho manifeste du côté de son antenne grenobloise…
Depuis, une première plainte contre X avec constitution de partie civile a été déposée en mai dernier par deux Grenobloises auprès du parquet de Grenoble. Puis une seconde en septembre auprès de la doyenne des juges d’instruction. La procédure suit son cours. La somme réclamée en consignation** venant d’être payée, le parquet doit désormais examiner la recevabilité de la plainte.
Ce pourrait aller très vite. Car les deux dossiers sont déjà bien fournis. La fête des Tuiles, comme la vente du bâtiment de la caisse régionale du Crédit agricole, ont en effet fait l’objet de rapports des magistrats financiers de la chambre régionale des compte (CRC).
C’est d’ailleurs sur signalement de la CRC que le parquet de Valence avait été saisi du cas de la fête des Tuiles, après que le dossier ait été dépaysé.
Dans leur audit des comptes de la Ville, les magistrats financiers pointaient de nombreuses irrégularités au profit de l’association Fusées. Des marchés passés sans publicité ni mise en concurrence, malgré les mises en garde du service des marchés publics de la ville qui avait refusé de délivrer son visa. Mais en plus des marchés qui avaient bénéficié à une association dont le dirigeant avait fait campagne pour Eric Piolle en 2014.
Graves irrégularités pour les magistrats financiers sur le dossier
du bâtiment du Crédit agricole
Réagissant à l’ouverture de l’enquête préliminaire en mai 2018, le maire de Grenoble avait invoqué une attaque politique, menée par l’opposition municipale mais aussi par le groupe d’analyse métropolitain.
La justice ne s’était, par contre, pas saisie jusque-là du dossier du Crédit agricole. Un dossier sur lequel les magistrats financiers pointaient pourtant de graves irrégularités.
Le bâtiment avait en effet été racheté par la Ville de Grenoble pour 8 millions d’euros après avoir été, dans un premier temps, évalué en interne à 5 millions d’euros. Un rachat malgré tout bien en-deçà du prix du marché puisque le coût d’acquisition effectif aurait dû être a minima de 9,2 millions d’euros, avait calculé la CRC.
Le Gam y voit « le noircissement d’au moins 1,2 million d’argent public par la production d’un faux en écriture publique par omission », ainsi qu’il l’explique dans un courrier adressé au procureur de la République de Grenoble le 28 mars dernier.
Patricia Cerinsek
* Le maire de Grenoble a, depuis une délibération votée le 14 avril 2014, également obtenu délégation du conseil municipal pour passer les marchés à procédure adaptée dont les marchés de la fête des Tuiles.
** Pascal Clérotte avait également porté plainte avec constitution de partie civile sur ces deux dossiers mais avait refusé de payer la somme réclamée en consignation, ce qui avait entraîné le classement de la procédure.