FOCUS – L’opération Cœurs de ville, cœurs de métropole qui à Grenoble s’est traduite par un nouveau plan de circulation dans l’hyper-centre de la ville n’a pas d’impact majeur sur la pollution de l’air. Ni dans un sens ni dans l’autre, conclut l’étude réalisée par Atmo, qui pointe toutefois quelques reports de nuisances. Mais qui met aussi l’accent, en matière de lutte contre la pollution au dioxyde d’azote, sur d’autres zones de l’agglomération autrement plus touchées que le cœur de la ville et qui ne font pas l’objet de mesures particulières.
Quel impact a l’opération Cœur de villes, cœurs de métropole (CVCM) sur la qualité de l’air dans l’hyper-centre de Grenoble ? La question est depuis avril 2017 et la mise en route de CVCM au centre d’une polémique entre ceux qui jugent que le nouveau plan de circulation a des effets positifs et ceux qui, à l’inverse, pointent ses effets délétères, se traduisant par plus d’embouteillages et de pollution.
Sans trop de surprise, la vaste campagne de mesures menée par Atmo Auvergne Rhône-Alpes en 2018, dont les résultats étaient attendus depuis le premier trimestre 2019, coupe pour ainsi dire la poire en deux. L’association a comparé ses mesures réalisées en 2016, avant CVCM donc, avec sa campagne menée tout au long de l’année 2018, après CVCM.
Dans le détail, certains respirent un peu mieux, d’autres un peu moins bien
Conclusion ? La pollution n’aurait globalement pas bougé. Bref, pour l’heure, l’opération de réaménagement n’aurait pas eu les effets escomptés sur les niveaux de dioxyde d’azote (NO2) respirés dans l’agglomération de Grenoble. Mais, dans le détail et pris localement, les résultats ne sont pas si homogènes. Si certains y gagnent au change, d’autres respirent un peu moins bien.
« La mise en place du nouveau plan de circulation entraînerait des effets locaux positifs et négatifs sur l’exposition au NO2 à proximité de certains axes du centre-ville », souligne Atmo.
D’après les calculs de l’association qui, prudente, joue du conditionnel, 6 400 habitants devraient mieux respirer grâce à CVCM. Notamment en bordure de l’axe Rey-Sembat-Lyautey, coupé à la circulation, faut-il le rappeler. Mais, a contrario, 5 300 autres respireraient moins bien, en particulier en bordure du cours Gambetta et de la rue Lesdiguières.
La différence entre l’avant et l’après-CVCM n’est toutefois pas flagrante d’après les mesures d’Atmo puisque les variations, dans un sens comme dans l’autre, tournent autour des 4 %.
Quels effets sur la qualité de l’air ? Aucun à court terme
Tout le monde devrait donc y trouver son compte. Les promoteurs de CVCM – ville et Métropole de Grenoble en tête – qui trouveront là la démonstration que leur opération n’aggrave pas la situation, contrairement à ce que le collectif Grenoble à cœur dénonçait.
Et les opposants au nouveau plan de circulation* qui feront remarquer que CVCM n’a justement pas eu les effets escomptés.
L’amélioration de la qualité de l’air était en effet une des raisons qui avaient motivé la mise en place de l’opération, sans plus de garantie puisque le réaménagement avait été dispensé d’étude d’impact par le préfet de région à la demande de la Métro.
Reste à évaluer les conséquences de CVCM à plus long terme. Comme le souligne Atmo, « l’évaluation des effets du nouveau plan de circulation (…) ne considère pas les possibles adaptations des pratiques de mobilité sur le long terme ».
Mais l’association met aussi en garde. « Pour réduire les expositions des habitants de la métropole, notamment dans son cœur qui tend à être plus exposé à la pollution de l’air, les aménagements urbains devront contribuer à une réduction globale des volumes de trafic tout en maîtrisant les effets locaux de report de nuisances sur des axes déjà soumis à une forte exposition ».
D’autres zones soumises à de forts niveaux d’exposition hors du périmètre de CVCM
Pour Atmo, d’autres actions ont des effets autrement plus positifs sur les niveaux de la pollution de l’air. Notamment la mise en place de la zone à faibles émissions, qui vise les véhicules de transport de marchandises. Et dont « les effets attendus sur l’exposition au NO2 sont nettement positifs ».
D’autant que, pour l’association, d’autres zones de l’agglomération « peu ou pas concernées par ces effets [de CVCM, ndlr] sont soumis à de forts niveaux d’exposition et demandent également une attention ». Comme les zones à proximité de l’A480 et de la rocade sud, ainsi que la plupart des grands axes de l’agglomération.
Bref, s’il s’agissait véritablement de faire baisser les niveaux de pollution, la priorité n’aurait pas dû être mise sur le cœur de ville.
Patricia Cerinsek
- * Le collectif Grenoble à cœur et le groupe d’opposition à la Métropole de Grenoble ont, à ce titre, déposé des recours devant le tribunal administratif pour faire annuler l’opération. Si les recours en référé ont été rejetés, le tribunal n’a pas encore statué sur les recours au fond.