WEB-DOCUMENTAIRE – Un projet de zone industrialo-portuaire aurait tranquillement vu le jour à Salaise-sur-Sanne, dans le nord-Isère, si son commissaire enquêteur n’avait été radié. Tours de passe-passe, jeux d’acteurs, conflits d’intérêts, soumission de l’État… Plongée dans un dossier sensible où les risques sanitaires ne pèsent pas lourd face aux intérêts politiques et économiques. Salaise-sur-Sanne, territoire sacrifié ? La « vallée de la chimie » est déjà parmi les plus polluées de France.
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Il pleut toujours sur les mouillés, comme le dit le proverbe. Les habitants de Salaise-sur-Sanne, dans le nord-Isère, jouent ainsi de malchance.
En juin dernier, Air Visual, une start-up basée en Chine, a classé leur commune en 7e place des villes les plus polluées de France. Or c’est justement sur le territoire de cette commune et de sa voisine Sablons qu’est prévu Inspira, projet d’aménagement d’une zone industrialo-portuaire sur 250 hectares, à 40 km au sud de Lyon, au cœur d’une zone déjà fortement industrialisée. Comme un air de territoire sacrifié…
Radiation d’un commissaire enquêteur : le détonateur
Inspira vise à développer des activités industrielles en tablant sur la multi-modalité d’un site idéalement placé au croisement de la route, du fer et du fluvial. Mais l’eldorado économique se heurte aux contraintes environnementales.
Projet surdimensionné aux impacts écologiques sous-évalués, voire balayés… La commission d’enquête a décerné un avis défavorable à l’unanimité des trois commissaires enquêteurs.
Cet avis, le représentant de l’État en Isère ne s’en est guère embarrassé. Le 3 décembre 2018, le préfet a ainsi signé la déclaration d’utilité publique, coup d’envoi officiel du projet.
Un dossier où la radiation du président de la commission d’enquête, Gabriel Ullmann, a servi de détonateur, révélant tours de passe-passe, conflits d’intérêts et soumission de l’État. Voire petits arrangements avec la loi ?
Des risques de débordement de la Sanne
Sur le secteur, les risques de débordement de la Sanne sont réels. Impossible de rendre constructible la quarantaine d’hectares en aval de la digue, à moins d’obtenir un classement en zone d’intérêt stratégique (Zis). Or un dossier de demande de classement est justement en cours d’instruction. Nous n’en saurons pas plus, le préfet n’ayant pas répondu à nos sollicitations.
Cette démarche fait en tout cas plus que tiquer le président de la commission d’enquête déchu. « La Zis est fondée sur une simple circulaire, non parue au Journal officiel, du 27 juillet 2011, relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les PPR littoraux ! », s’insurge Gabriel Ullmann.
Cette demande de classement en zone d’intérêt stratégique est-elle légale ? Le 17 juillet 2017, la directrice de la direction départementale des territoires de l’Isère avait confirmé son absence de légalité. « La qualification de Zis n’est régie par aucun texte réglementaire. En matière de prise en compte des risques, il existe d’ailleurs bien peu de choses réglementaires. »
Une évaluation des risques sanitaires avec des lacunes majeures
En 2013, une étude réalisée par un bureau conseil lyonnais pour le compte de la direction régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) avait déjà pointé les nombreuses lacunes en matière d’analyse et de mesures de la pollution industrielle dans les sols, les végétaux et les eaux souterraines. Et réclamé des mesures complémentaires.
Le 10 juillet dernier, l’autorité environnementale nationale saisie par François de Rugy, alors ministre de la Transition écologique, s’en est mêlée. Et a notamment préconisé de reprendre l’évaluation des risques sanitaires, « qui présente des lacunes majeures, et de la faire valider par un expert compétent du champ santé-environnement ».
Un espoir pour les habitants de Salaise-sur-Sanne ?
Patricia Cerinsek